Témoignage du Brigadier de Police Jean MARTINEZ recueilli par sa fille Lydia.
Message déposé sur le livre d' or du site, le 16 mai 2007 à 23 heures en provenance des USA.
 
 

Votre site m'a été recommandé par un fils de Pieds-Noirs que j'ai rencontré sur un autre site Pieds-noirs. Il m'a demandé d'ajouter à vos témoignages de la tuerie du 5 juillet ce qui suit. J'en pleure encore et pourtant j'ai déjà 66 ans. Mais je suis décidée, non seulement à passer mon héritage à mon fils et ma petite-fille,(américains) mais aussi à traduire tout ce que je trouve en anglais pour que mes compatriotes américains (je suis citoyenne des USA maintenant) sachent eux aussi ce qui s'est passé. Il est bon de savoir qu'il y aura encore quelqu'un pour porter le flambeau quand nous ne serons plus là. Quand au massacre du 5 et 6 Juillet 1962, mon Père, Brigadier Jean Martinez, au Commissariat Central, était au premier plan. En effet, il avait été encouragé à rester au titre de la coopération.

Donc, il était en patrouille avec 2 autres policiers quand ils ont été appréhendés par une bande de jeunes énergumènes brandissant des armes. Sous les yeux d'une patrouille de militaires français, ils ont été malmenés, tabassés et mis en menottes. Mon Père a crié au secours mais les militaires se sont contentés de lui faire un ''bras d'honneur'' et lui ont montré le doigt majeur, en répliquant qu'ils n'étaient pas au service des c...s de l''OAS.

Je signale que mon Père et ses 2 gardiens de la paix étaient en uniforme. Bref, tous trois ont été emmenés aux abattoirs d' Eckmulh et attachés aux crochets comme du bétail à dépecer. Un des 2 agents a été saigné sous les yeux de mon père, suspendu à un crochet. Mon père fut détaché et emmené dans une salle séparée pour être interrogé. Là, il se trouva nez à nez avec un de ses anciens subordonnés de souche arabe qu'il avait jadis sorti d'un mauvais pétrin (mon Père était le chef du Syndicat des Policiers d'Oran pendant plusieurs années). Reconnaissant mon Père, il le fit sortir, déguisé sous un burnous, et le transporta à l'aéroport de la Sénia et le mis dans le premier avion en partance pour Paris. Mon père n'a jamais su ce qu'il est advenu du second policier. Mais en arrivant en France, toujours faisant partie de la Sûreté Nationale, il a voulu faire un rapport sur ce qui s'était passé mais en retour il a été rabroué, mis à pied pendant une semaine et on lui a dit qu'il avait intérêt à se taire (fermer sa gueule est l'expression utilisée) s'il ne voulait pas perdre ses galons de Brigadier Chef.

Donc, je suis bien placée pour savoir vraiment, de seconde main par le récit de mon père, ce qui se passa ce jour là. Nous avons toujours eu du mal à faire parler mon père sur ce sujet: je crois qu'il se sentait un peu coupable de s'en être sorti tout seul? Mais je ne saurais jamais car 3 ans plus tard, il mourrait en service commandé.

Je souhaite seulement que les métropolitains d'aujourd'hui réalisent que nous n'étions pas des tortionnaires mais simplement de braves gens qui voulaient simplement vivre la vie qu'ails avaient toujours connue. On nous avait promis la paix au titre de la coopération et en réalité, on nous donna,pour certains, la chance de pouvoir prendre la valise, mais pour beaucoup d'autres, ce fut le cercueil, et encore, il n'y avait même plus personne pour mettre les morts du massacre dans des cercueils.

Je tiens aussi à laisser savoir que ce même jour, mon oncle Louis, le frère aîné de mon père a disparu. Il était ancien prisonnier de guerre et avait fait aussi Dien Bien Phu.

Mme de Ternant, je vous remercie du fond de mon cœur de votre courage et de votre temps consacré à la vérité.

Ne laissons pas les politiquement corrects re-écrire notre histoire. Et comme on dit ici, aux USA, ''MAY GOD BLESS ALL PIEDS-NOIRS''

 
 
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