TEMOIGNAGE de Michel La PERNA
Lors de cette tragique journée du 5 juillet, j' étais de garde depuis la veille; les Algériens, en liesse, fêtaient l' indépendance de l' Algérie depuis 48 heures; les rues de la ville et surtout celles qui entouraient la caserne étaient envahies par une foule en délire. Dans la matinée du 5 juillet, j' étais en faction sur l'un des postes de garde quand tout à coup un coup de feu retentit; dans la seconde qui a suivi d' autres coups de feu et le crépitement d' armes automatiques ont retenti et des cris d' horreurs mêlés à des invectives de masse montaient de cette foule. Je ne comprenais pas encore ce qui se passait car en quelques minutes cette masse humaine qui emplissait la ville avait été soudain terrifiée, paniquée. De mon poste de garde qui se trouvait sur l'un des murs d' enceinte de la caserne je voyais ces hommes, ces femmes courir dans tous les sens et quelques instants plus tard des informations nous parvinrent nous précisant qu' un carnage se déroulait dans la ville, qu' une chasse aux Européens était en train de donner lieu à une véritable tuerie. Dans les heures qui ont suivi le début de cette explosion j'
ai vu passer de petits groupes d' Algériens emmenant manu militari
des Européens dans la vieille ville. Ces mouvements se répétaient
de façon continue et à un moment de l' après-midi,
alors qu'un énième petit groupe passait devant la porte
principale de la caserne en entourant un Européen et sachant pertinemment
que ces hommes ne sortiraient plus jamais vivants de ce quartier; n' en
pouvant plus je demandais à mon capitaine, officier de permanence,
qui se trouvait au poste de garde, de m'autoriser à sortir pour
récupérer cet homme. Cette action me paraissait d'autant
plus facile que les Algériens qui entouraient cet Européen
n' étaient apparemment pas armés alors que moi je disposais
d' un pistolet mitrailleur; le refus du capitaine fut catégorique
et il m' ordonna la mort dans l' âme, visible sur lui, de ne pas
bouger. Je vis ce groupe d' hommes En fin d' après-midi vers 18 heures un groupe d' hommes vint
frapper à la porte de la caserne; c' était un groupe de
6 à 700 Européens qui déclarèrent avoir échappé
miraculeusement au massacre et demandaient asile pour la nuit car ils
avaient trop peur de rejoindre leur destination première; il s'
agissait d' hommes essentiellement qui, pour certains, avaient laissé
leurs femmes et leurs enfants sur les quais du port en attendant les embarquements
et s' étaient rendus au centre ville pour y faire les derniers
achats. Ces 700 Européens nous racontèrent la tuerie de
même qu' ils nous précisèrent que les camions de Ceci est le récit de cette journée du 5 juillet et 44 ans après j' en garde un souvenir douloureux. |