Etude 50/38

Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres :

" Le sang d'Algérie "
" Debout dans ma Mémoire "
" Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie "
" L'Islamisme dans la guerre d'Algérie "
" Attaques et contre-attaques "

aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX
Tel. : 01.64.65.50.23
Primatice Diffusion - distribution - 10 Rue Primatice 75013 Paris
Tel. : 01.42.17.00.48 - Fax : 01.42.17.01.21

En prévision du 50ème anniversaire
de l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne,
(19 mars 2012 et 3 juillet 2012)
une série d'études vous sera proposée.


A propos de la sanctification, espérée et réclamée, d'un grand ennemi de l'Algérie française,
Jacques Chevallier


?
ETUDE 50/38


I - INTRODUCTION GENERALE

Je ne suis pas obsédé par Jacques Chevallier.

Quelques échos, opportunément recueillis au hasard de la lecture d'un média déficitaire en informations, déficitaire en savoir, m'incitent à refuser le silence, à propos de l'un parmi les ennemis les plus constants et les plus efficaces de l'Algérie française.

J'insiste une fois de plus et avec force sur cette précaution que je tiens à prendre avec fermeté : je ne suis victime d'aucune idée fixe imputable à ce symbole historique de l'anti-France, en Algérie. Parangon de la subordination aux puissances d'argent en particulier. Parangon de la perversion politique qui lui imposa de terminer sa vie, en terre métropolitaine, dans la discrétion la plus silencieuse. Comme s'il avait voulu se mettre à couvert de la réprobation de ses anciens administrés, qu'il avait accepté de soumettre au bon vouloir des égorgeurs, en Algérie, en 1962.

Secrétaire d'Etat à la guerre, puis ministre durant peu de temps en 1955, il fut le réel inventeur de ce que l'on appela en Algérie " le mendésisme ". Il ne fut ni plus ni moins que le chargé d'application en Algérie de l'idéologie " rooseveltienne ".

Il est intervenu, dès le début du conflit algérien, et sans camouflage, en faveur des ennemis de la France. Nous faisons allusion à des appuis matériels et opérationnels qu'il leur octroya à partir des différentes fonctions qu'il exerça.


On le voit participer, par l'intermédiaire de l'un de ses adjoints à la mairie d'Alger, à la réunion décisionnaire de la guerre d'Algérie.
C'était le premier dimanche de juillet 1954, au matin, dans le Brabant en Belgique. Dans la petite ville d'Hormu. Dans une salle de cinéma.
Cette dernière précision explique pourquoi cette réunion s'est tenue le matin de ce premier dimanche de juillet 1954.

Par l'intermédiaire d'un adjoint à la mairie d'Alger, membre du M.T.L.D. Hocine Lahouel, et par l'intermédiaire de Mohamed Khidder, dissident du M.T.L.D., membre de l'O.S. , co-fondateur du C.R.U.A. au Caire, en juin 1954, les organisateurs de cette réunion d'Hormu prennent la décision de déclencher en Algérie :
" LE JIHAD FISSABIL ALLAH "
" La guerre sainte pour la cause de Dieu "

Il est nécessaire de rappeler, pour le bénéfice de ceux qui s'entêtent encore à l'ignorer, que cette réunion s'est déroulée sous l'égide de la C.I.S.L. .
Quelques précisions sont nécessaires.

La C.I.S.L. est la filiale européenne de l'énorme Fédération Américaine du Travail. Il s'agit d'une inter-fédération de DROITE réunissant des syndicats anti-communistes américains.
La C.I.S.L., en Europe, va s'efforcer de mener à bonne fin une double tâche :

- d'une part, créer si possible une fédération de syndicats anti-communistes,
- d'autre part, exercer un contrôle opérationnel sur tous les mouvements indépendantistes.

Irving Brown, président de la C.I.S.L. à cette époque, en juillet 1954, assure le financement immédiat de cette volonté révolutionnaire anti-française. En versant à Lahouel, l'homme de Jacques Chevallier et à Khidder, l'homme du C.R.U.A., un premier viatique de 500.000 dollars.
Rappelons qu'à cette époque, le maire d'Alger, patron de Lahouel occupait les fonctions de secrétaire d'Etat à la guerre.
Par la suite, Jacques Chevallier, sur son initiative, fit échouer, dans les Aurès, une opération militaire peut-être décisive, que s'apprêtait à déclencher le général en chef commandant en Algérie. Il prévint personnellement le sénateur de Batna Ben Chenouf, qui transmit l'information au chef rebelle Ben Boulaïd. Dans ce cas, il ne s'agit plus d'une attitude anti-nationale. Il s'agit d'un acte de haute trahison devant l'ennemi, avec toutes les conséquences en terme de pertes humaines imputables à cette trahison.
En pleine guerre d'Algérie, il structura la mairie d'Alger en PC opérationnel du FLN. De faux papiers y furent préparés en faveur des tueurs de la ZAA .

En 1956, par l'intermédiaire de ses mentors de la C.I.S.L., il accorda son soutien logistique à l'U.G.T.A. qui organisa et exécuta des attentats terroristes dans le Grand Alger. Cette U.G.T.A. fonctionnait à la manière d'une organisation communiste. Mais elle était directement financée par la C.I.S.L., une confédération inter-syndicale américaine de droite, je tiens à le souligner … pour la millième fois peut-être.


Et puis, …., ce fut le vide, le trou noir pour Jacques Chevallier, pendant trois ans.
De Gaulle arrive en 1958.
De Gaulle prétend liquider l'Algérie-française tout seul.
De Gaulle décide de se passer du concours des Américains pour assassiner la France Sud-Méditerranéenne.

Nous savons cependant, et depuis longtemps, comment les pompidoliens … anciens … futurs… et éternels… ont actionné et drivé l'homme de Colombey, dès 1940. Pour le compte des chasseurs-de-têtes du néo-capitalisme financier international.
De Gaulle ne pourra pas se passer du concours de notables algériens anti-Français pour se débarrasser du " boulet algérien ". En particulier il ne pourra pas se passer de Ferhat Abbas, dont il est le complice depuis 1943. Depuis le M.T.L.D. Il ne pourra se passer de Farès complice de Ferhat Abbas qui, dès 1946, s'est soumis à l'autorité spirituelle et impérialiste d'Ibrahim Bachir, le président de l'association des Oulémas.
Ce que De Gaulle ne pouvait pas savoir vous est précisé dans l'information suivante :
si ces deux hommes jouissaient d'une grande liberté d'action en Algérie, c'était grâce à Jacques Chevallier et à son appareil logistique mis en place par ses subordonnés de la mairie d'Alger.
Ferhat Abbas était caché rue Horace Vernet à Alger, dans l'appartement d'un adjoint au maire d'Alger, avant de rejoindre le FLN en 1956.
Farès, à Paris, s'est mis sous la protection de Lebjaoui, fonctionnaire municipal de haut rang à la mairie d'Alger. Lebjaoui était devenu, entre temps, le chef de la Fédération de France du FLN. Pendant peu de temps d'ailleurs. Ajoutons que Farès fut reçu à l'hôtel Georges V à Paris par Blachette, théoriquement le mentor de Jacques Chevallier et patron du Journal d'Alger. Je dis " mentor ", en réalité il conviendrait de dire " instrument " de Jacques Chevallier.


Tout semble avoir été préparé et finalement programmé, pour que fût exécutée plus tard en 1961 une manœuvre d'approche d'abord, puis de complicité active, opérationnelle entre Jacques Chevallier et une fraction très évolutive de l'OAS. En réalité une anti-OAS. Une anti-OAS qui s'ignorait en tant que telle, mais c'est bien ce rôle d'anti-OAS qu'on lui fit jouer historiquement en 1961 et 1962.
Dans le but d'aboutir à la naissance de ce que Jacques Chevallier appela avec solennité le 3 juillet 1962, " sa jeune Patrie ".


II - QUELQUES PRECISIONS UTILES A RAPPELER

Les évènements d'Algérie ont été officiellement identifiés à une guerre, par une loi, votée à la demande du premier ministre socialiste Jospin. La loi du 18 octobre 1999. Donc ce que nous avons vécu, officiellement, en Algérie, entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962, date du massacre d'Oran, c'était une guerre.
Une guerre qui opposait qui à qui ?
Une guerre qui opposait la France aux ennemis de la France.
Conséquence logique, nous identifions :
- les partisans de l'Algérie française, aux défenseurs de la Patrie française,
- les ennemis de l'Algérie française, de toutes confessions et nationalités, aux ennemis de la Patrie française.
Cette loi du 18 octobre 1999, officialise certes une guerre, mais simultanément, elle officialise UNE DEFAITE.
Une défaite que l'on imposa à la France de subir. La France fut spectaculairement et universellement humiliée, le 19 mars 1962, devant son ennemi historique, le FLN.
Cette humiliation de la France, risque d'être célébrée voire exaltée, par ceux qui prétendent conférer, en 2012, un éclat particulièrement rampant au cinquantième anniversaire de la mort de la France Sud-Méditerranéenne.


Aujourd'hui, on m'apostrophe parfois de la façon suivante :
" L'Algérie française c'est fini… la guerre d'Algérie c'est fini… n'en parlons plus ! Regardons l'avenir ! ".
Qui me tient ces propos ? Avant tout, ceux qui considèrent que le phénomène historique " guerre d'Algérie " est affecté d'un coefficient majeur dominant et surtout exclusif, d'évènement du passé.
Ils se trompent lourdement. Car ce phénomène historique " guerre d'Algérie " est manifestement riche avant tout, d'un indiscutable coefficient de développement durable.
Je m'explique : ce qui fut attaqué, ce qui fut anéanti en Algérie française, s'identifie de nos jours à ce qui se révèle être l'objet d'une même attaque, et d'une menace d'anéantissement identique, en France, en Europe et en Occident.
L'Occident, nous l'avons identifié, en dernière analyse sérieuse, à l'espace géographique à l'intérieur duquel les chrétiens peuvent vivre libres. Libres de toute asphyxie, de toute oppression, protégés contre les persécutions et les assassinats collectifs. Libérés de toute menace infamante.
Dans le déroulement des opérations militaires déclenchées contre la France, Jacques Chevallier est intervenu à point nommé, à partir d'un poste décisionnaire au ministère de la guerre, en accordant son appui aux premières opérations du FLN en 1954 et en 1955.

Il assuma plus tard, en 1961 et 1962, la responsabilité d'un risque : celui de faire rester nos compatriotes en Algérie en 1962, facilitant ainsi des enlèvements et des assassinats de Français.
C'était un ennemi total de l'Algérie française.
Algérie française que j'ai défendue parce que c'était une création de la France. Ce que nous avons vécu là-bas, c'était la première phase, peut-être, d'une nouvelle guerre de 100 ans qui nous impose aujourd'hui de défendre à outrance et à chaque instant :


La France française,
L'Europe européenne
Et l'Occident occidental


III - DE " L'UTOPIE " DE JACQUES CHEVALIER AUX MASSACRES DES INNOCENTS FRANÇAIS, CIVILS ET MILITAIRES, DONT IL FUT L'UN DES INSPIRATEURS ET L'UN DES " ORGANISATEURS".

Dans un souci de clarification, mais en acceptant le grief de simplification opportuniste, nous interprétons le phénomène historique " guerre d'Algérie " comme la résultante de volontés exercées, je veux dire " mises en Histoire ", par quatre intervenants. Le premier intervenant est évidemment :

L'INTERVENANT STRATEGIQUE

C'est-à-dire l'intervenant planificateur et décisionnaire de l'assassinat historique de la France Sud-Méditerranéenne. L'intervenant néo-capitaliste international. Plus exactement cet intervenant stratégique n'est que néo-capitaliste.
" La France n'a aucun intérêt économique à garder l'Algérie ". Voilà en substance ce qu'a déclaré un éminent pompidolien à l'écrivain Jacques Laurent.
Il s'agit en l'occurrence de Valéry Giscard d'Estaing. C'est la notion de valeur ajoutée trop faible, ou plutôt insuffisamment élevée, produite par les investissements constants exigés par l'Algérie, comme par toute terre animée de la volonté de vivre, qui devient la motivation formulée officielle de ce qu'ils ont appelé " le délestage économique du débouché algérien ".
" La valeur ajoutée est insuffisante, donc on largue TOUT. La terre, le pétrole, le gaz, la tête de pont géopolitique de l'Europe en Afrique, le peuple français d'Algérie ".
Et lorsque, en toute ingénuité nous les avons interrogés de la façon suivante :
" Mais nous, les Français d'Algérie, à quel destin nous condamnez-vous ? "
Ils ont répondu, en substance, mais toujours avec cynisme :
" Tout dépend de la sauce à laquelle vous voulez être mangés ! "
" Mais nous ne voulons pas être mangés ! " avons-nous rétorqué.
" Là n'est pas la question ! ", ont-ils affirmé, dans un souci hargneux de clore le débat.
" La valeur ajoutée des capitaux investis est insuffisamment élevée parce que nos investissements en Algérie, sont devenus routiniers ", précisent -ils.

" Il faut nous défaire de l'obligation d'assumer le développement, ou plutôt l'accession à la modernité, du peuple algérien de confession musulmane ".
" Le pétrole… oui… mais les Arabes avec … non ! "
Voilà schématisé ou plutôt synthétisé, le pourquoi premier et ultime de l'indépendance de l'Algérie. Indépendance illustrée historiquement et avec éclat par la défaite française et occidentale du 19 mars 1962 à Evian.

Mais si l'on veut qu'une stratégie ne s'identifie pas à une nébuleuse cotonneuse inaccessible à la compréhension du citoyen lambda, il lui faut s'exprimer concrètement dans l'histoire. Par des tactiques.
Nous en identifions 3 principales accompagnées, chacune d'entre elles, d'accessoires ou plutôt d'enjoliveurs historiques plus ou moins valorisants.


L'INTERVENANT TACTIQUE N° 1

Ils vont l'inventer en Algérie. Ils vont le façonner en conférant à l'islam algérien une identité définitive d'arabo-islamisme fondamentaliste.
Quels sont les facteurs valorisants mis en œuvre pour renforcer l'efficacité opérationnelle de ce premier intervenant tactique ?
Ils sont illustrés avant tout et globalement, dans le racisme. Le racisme arabe que l'on va idéaliser, que l'on va psalmodier sans arrêt, pour en faire un atout majeur de l'action révolutionnaire déclenchée contre la France.
" Un peuple arabe est soumis à l'autorité française par la force… ". Voilà le pourquoi du combat, tel que vont le formuler ceux qui ont tout fait pour vaincre historiquement la France au Sud de la Méditerranée.
Ils vont exalter l'arabité de l'Algérie en affirmant la promotion de ce qu'ils ont appelé " leur arabité rénovée ".
Ils vont inclure l'arabité rénovée de l'Algérie dans la mouvance arabo-islamiste universelle, très schématiquement rendue célèbre par quatre dates au moins :
o 1928 : naissance des " Frères Musulmans " en Egypte (Hassan Al Banna).
o 1931 : congrès panislamiste, anti-juif, convoqué à Jérusalem par Asmine el Husseïni, mufti de Jérusalem, conjointement avec l'émir libanais Chékib Arslan, président de la Nahdah , ennemi de la France, déjà condamné à mort par contumace.
o 1931 … encore 1931 : installation officielle en Algérie de l'Association des ulémas, le 5 mai de cette année-là.
o 1954 : 1er novembre : le cheikh, Ibrahim Bachir, président en fonction de l'Association des ulémas, déclare à partir du Caire, que le combat est engagé pour " le triomphe de l'arabisme et de l'islam ".

Nous venons d'évoquer très schématiquement, je le répète, et surtout très succinctement, l'intervenant tactique n° 1 de la guerre d'Algérie, c'est-à-dire l'intervenant arabo-islamiste fondamentaliste.

Les stratèges du délestage économique du débouché algérien vont se trouver confrontés à une nécessité opérationnelle. Eviter que l'on ne parlât que de Dieu.
On va donc provisoirement camoufler la motivation tactique religieuse, la motivation arabo-islamiste. D'une manière plus précise, on va occulter le double déterminisme tactique anti-chrétien et anti-juif, de la guerre déclenchée contre la France, lors de la Toussaint Rouge.
Comment mettre en œuvre ce camouflage ? Comment reléguer Dieu à un échelon subalterne de cette guerre ?
En faisant donner


L'INTERVENANT TACTIQUE N° 2

Il s'agit, en cette occurrence, d'utiliser ce conglomérat idéologique obsolète aujourd'hui, pour ne pas dire antédiluvien, que l'on appelait alors le marxisme-léninisme.
On a voulu faire de la guerre d'Algérie, un épisode moderne de la lutte des classes :

- les riches contre les pauvres
- les " nouveaux damnés de la Terre " de Frantz Fanon, soumis au joug des colonisateurs ont pris les armes contre l'oppresseur français !
Mais quand on sait comment Benoist Frachon, secrétaire général du P.C.F, accompagné du secrétaire général de la CGT, Dufriche, ont été reçus clandestinement par Krim Belkacem et Mohamed Khidder, au Champ de Manœuvre à Alger le 31 octobre 1954, la veille de la Toussaint Rouge, on comprend à quel point le parti communiste français a été exclu avec mépris, avec dédain, du combat déclenché par le FLN naissant, contre la France.
Toutes les bassesses seront mises en œuvre par le PCF et son homologue algérien, pour se faire accepter par le FLN.
En particulier par Ben Khedda, chef de la ZAA en 1956. Ben Khedda était caché à Alger, par les adjoints de Jacques Chevallier, ancien des services spéciaux américains entre 1942 et 1945, jouissant d'une double citoyenneté française et américaine, maire FLN d'Alger, partisan de l'indépendance et complice actif, je veux dire opérationnel, de la rébellion algérienne. C'est chez son adjoint à la mairie d'Alger, Gallice, que Ben Khedda était logé et organisait le fonctionnement opérationnel de la zone algéroise.
Jacques Chevallier, celui que l'on appelle aujourd'hui un utopiste selon une littérature sanctificatrice consacrée au personnage, fut un complice actif du terrorisme FLN. Ce que nous voulons préciser est très simple : il a les mains couvertes de sang français.
Ainsi que ses alliés progressistes, chrétiens ou non. Ils vont s'associer au FLN et intervenir avec une redoutable efficacité, dans des tueries dont furent victimes des Français d'Algérie de toutes confessions, ainsi que des soldats du contingent.
En toute circonstance, les progressistes bénéficièrent de l'appui logistique de la mairie d'Alger. C'est-à-dire de l'appui du maire, de ses adjoints, de ses conseillers municipaux et des services administratifs de la mairie d'Alger, véritable cellule OPA et opérationnelle du FLN… rappelons-le.

Mais cet intervenant tactique n° 2 va se révéler insuffisant, à son tour. Il lui faudra le concours d'un 3ème intervenant tactique. Gardé en réserve, prévu depuis des années. Il s'agit de


L'INTERVENANT TACTIQUE N° 3 : DE GAULLE

C'est l'intervenant choisi par le néo-capitalisme financier. Le gaullisme était actionné en silence, mais avec vigueur et constance, comme un outil indispensable aux objectifs de l'état-major pompidolien, depuis 1940 au moins. Etat-major planificateur des perspectives modernes du capitalisme financier, pour exercer le contrôle permanent au niveau des grandes banques de tous les moyens de production ainsi que des circuits de consommation.
Dans cette optique, ils ont prôné à outrance le délestage économique du débouché colonial, sans se préoccuper de l'avenir des peuples qui allaient être victimes de ce délestage. Celui-ci n'a pas été producteur, loin de là, de la liberté, de la paix et du bonheur qu'on leur avait promis.
Dans cette perspective, De Gaulle fut en contact permanent avec la rébellion algérienne. Plus précisément avec l'Organisation Extérieure de la rébellion algérienne, depuis 1956 au plus tard.
Il était animé et drivé dans cette entreprise par le maître d'œuvre Pompidou, fondé de pouvoir de la banque Rothschild.
L'homme de Colombey noua des contacts avec des leaders rebelles de l'extérieur, dès 1956, par l'intermédiaire de Me Boumendjel, dont le frère, FLN notoire d'Alger, trouva la mort lors d'un interrogatoire avec nos services spéciaux en Algérie, en 1957.
Plus tard, lors de l'hallali de l'Algérie française, De Gaulle utilisa Farès. Celui-ci représenta clandestinement De Gaulle, au Caire, lors de la présentation officielle du GPRA à la presse internationale, le 18 septembre 1958.
Farès, un ambitieux, sollicita avec fermeté, en 1962, lors de ses premiers contacts avec un membre de l'OAS, que je n'interrompisse en aucun cas, mes opérations de guerre terroriste, " de manière à maintenir l'OAS en position de force dans les discussions qui étaient entreprises ". Ce message me fut transmis par son contact. Celui-ci sollicita ainsi toute ma vigueur dans la poursuite de cette phase ultime de notre guerre.
Je pense qu'il ne serait d'aucune utilité que je jure sur la croix du Christ, que ce que je viens de dire est vrai. Mais je le fais, " sans crainte du malheur, sans espérance de gloire ".
Jacques Chevallier imposa cependant le " cessez-le-feu " des " deltas ". Qu'on le veuille ou non, ce " cessez-le-feu " illustre aujourd'hui encore, devant l'histoire, la date officielle, la date charnelle de la mort de l'Algérie française.


Voilà exposés les motifs qui m'imposent de rappeler la signification, en termes de larmes et de sang français, du rôle qu'il faut attribuer à " l'utopiste Jacques Chevallier ".
Un utopiste, oui. Mais un utopiste de la thèse ennemie, un utopiste de l'Algérie arrachée à la France et soumise au FLN.


IV - LA REALITE " JACQUES CHEVALLIER ",
ENVISAGEE DANS LE DETAIL

Il est utile de préciser que le député-maire d'Alger, n'était pas du tout communiste. Nous le savons très bien. Ce qui permet de comprendre l'engagement de Jacques Chevallier, c'est avant toute chose, son arabophilie exclusive. Son attitude est superposable à 100 % à celle de Monseigneur Duval et du curé Scotto, deux éminents renégats du christianisme en Algérie.
Lorsqu'il entama sa nouvelle carrière politique, peu de temps après la fin de la seconde guerre mondiale, il nous est apparu à Alger, comme un homme providentiel. Jeune. Courageux. Plein d'allant et de modernité.
C'était l'époque où le communisme manifestait une solide implantation en Algérie. La crise économique de l'après-guerre, le chômage, la pression des rouges espagnols réfugiés en Algérie, très actifs, en apparence très organisés, mais solidement noyautés par les services secrets franquistes, la séduction de la victoire soviétique, avaient altéré en Algérie, le comportement d'une fraction non négligeable de la population française.
Malgré cette ambiance soviétophile, enrichie du lyrisme des buveurs de sang de la Libération, j'ai entendu Jacques Chevallier, s'exprimer ainsi lors d'une réunion électorale : " Entre le drapeau rouge d'une part et la Croix d'autre part, j'ai choisi la Croix ".
A cette époque, il fallait beaucoup de courage pour tenir de tels propos. C'était l'époque ou tout comportement anti-communiste, publiquement affirmé, était à l'origine d'une accusation de " collabo ", voire de " nazi ".
Par la formulation de son anti-communisme et l'audace de ses convictions, Jacques Chevallier nous a conquis.


Nous ignorions que le futur député-maire d'Alger, le futur secrétaire d'Etat à la défense nationale, le futur ministre de la guerre dans le gouvernement de Mendès France en janvier 1955, jouissait d'une double nationalité. Je crois l'avoir souligné un peu plus haut dans cette étude.
Certes il était citoyen français mais par sa mère Texane, il était aussi citoyen américain.
Cette particularité lui permit, après le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942, la très célèbre opération Torch, de faire la guerre contre l'Allemagne, dans l'armée américaine. Dans les bureaux des services secrets américains. Il bénéficia d'une formation spécifique qui lui conféra toute facilité pour mettre en œuvre en Algérie, la politique africaine chère à Franklin Roosevelt, le président des USA, jusqu'à sa mort en 1945.
Rappelons que dans la mise en application pratique de cette politique, le président des USA avait disposé en Algérie, depuis octobre 1940, d'un chargé d'exécution : le diplomate Robert Murphy.
Quoi qu'il en soit, lorsque Jacques Chevallier revint en Algérie, après un long stage de formation dans les bureaux des services de renseignements américains, ce ne pouvait être qu'avec la qualité de correspondant de ces services.
Dans cette perspective, il mit ses nouvelles compétences au service des indépendantistes anti-français d'Algérie. Ses compétences, certes, mais aussi tout un équipement logistique : les bureaux de la mairie d'Alger, ceux du secrétariat d'Etat à la défense nationale, puis du ministère de la guerre en 1955.
Son arabophilie exclusive connut son apothéose le 3 juillet 1962 à Alger. C'était le jour de la proclamation d'une naissance : celle de la République algérienne. Au milieu du délire anti-français, dopé pourrait-on dire par ce délire, il éprouva le besoin de s'exclamer à radio-Alger : " Je salue ma jeune patrie ".
Il est vrai qu'il n'était pas à une patrie près. Ce n'était jamais que la troisième. Dans ce cri de foi était consacré l'aboutissement de sa mission. Il l'a fait d'autant mieux qu'il était entouré de toute une meute d'attentistes avides de pouvoir. Anciens progressistes, anciens syndicalistes, quelques opportunistes de l'OAS, qui ne voulaient pas rater l'occasion de réussir grâce à lui, une carrière politique sur le cadavre encore tout chaud de l'Algérie française.
Plus tard, lors du procès de deux responsables de l'OAS, il intervint à leur demande, comme témoin à décharge, pour solliciter l'indulgence des juges envers ces hommes disposés à le suivre dans son ralliement officiel au FLN. Lors de ces audiences judiciaires, il ne laissa pas passer l'occasion de stigmatiser l'attitude de celui qui avait refusé de le suivre : moi en l'occurrence.
Il condamna ma ligne de conduite parce qu'elle avait été responsable, selon ses déclarations, de " l'égarement " des hommes en faveur desquels il témoignait.


Pendant la guerre d'Algérie, une organisation syndicale, spécifiquement algérienne, s'est intégrée au conflit. Il s'agit de l'Union Générale des Travailleurs Algériens, U.G.T.A., dont on a voulu nous faire croire qu'elle était communiste. Une filiale de la CGT. En réalité, il n'en était rien. Nous l'avons affirmé dès le début de cette étude.
L'U.G.T.A. était financée et dirigée en sous-mains, mais en toute certitude, par la C.I.S.L. dont nous avons précisé le rôle dans le déclenchement de la guerre d'Algérie, au début de cette étude 50/38.
Ce soutien à la subversion anti-française, se manifesta largement de la part de la C.I.S.L. alors même qu'elle eût connaissance de la participation des communistes à cette subversion. Elle ne répugna pas cependant à soutenir et à faire vivre l'U.G.T.A. dans le but espéré et surtout puéril de faire la pige aux Soviets au moment de la victoire de nos ennemis FLN. Il ne fallait pas vous risquer à la question suivante :

" Que faites-vous du sang français ? De nos femmes, de nos enfants, de nos soldats massacrés ? "
Vous n'auriez obtenu que la réponse suivante :
" Mais mon cher, ce ne sont là que des péripéties… des vétilles, de toutes les manières, la question n'est pas là ! ".

Le rôle joué par cette confédération inter-syndicale, nous permet de mieux comprendre le rôle tenu par le député-maire d'Alger, en faveur de la rébellion algérienne. Car il est important de souligner avec entêtement, que l'action de la C.I.S.L., donc de l'U.G.T.A., s'inscrivait dans le droit fil des activités imputables aux services de renseignements américains en Algérie.


Or, Jacques Chevallier, nous l'affirmons une fois de plus, était lui aussi un honorable correspondant de ces mêmes services.
Ces informations nous permettent de comprendre l'argumentation spécieuse dont Jacques Chevallier a fait usage, après l'indépendance, pour justifier son ralliement au FLN. Il fallait, prétendait-il, empêcher l'Algérie nouvelle, de devenir soviétique ! Il fallait interdire aux forces armées du pacte de Varsovie, d'installer des bases militaires au sud de la Méditerranée. Il importait donc, selon son argumentation, d'abandonner au plus vite l'Algérie, et ne pas s'entêter à la garder française.
Dans la perspective d'atténuer le contenu de ses convictions, il proposa à un moment donné et ouvertement, une solution fédérale. Or, cette solution ne pouvait s'appuyer sur aucune base institutionnelle car la France n'était pas une République Fédérale. Cette attitude correspondait à un traquenard élaboré pour accéder à l'indépendance.

Un double leurre fut, tout le temps, agité en Algérie par les ennemis de la France.

Le camouflage socialo-communiste, destiné à occulter l'identité tactique majeure ethnico-religieuse du conflit qui s'y est déroulé. Mobiliser par le biais de ce camouflage et grâce à lui, des appuis progressistes, des appuis socialo-communistes français et internationaux pour le bénéfice de nos ennemis.

Paradoxalement, pour satisfaire une autre clientèle, elle-aussi ennemie de la France, on utilisa en même temps, le leurre du danger soviétique. Accélérer l'indépendance de l'Algérie, dans le but d'interdire l'implantation de la " dictature des communistes " en Algérie, telle était la motivation alléguée.
Ainsi, prétendait-on, pour éviter l'implantation des soviets en Algérie, il faut arrêter la guerre, en acceptant de la perdre.... Au plus vite.


V - CHEVALLIER-FARES
ET FARES-CHEVALLIER

Si nous nous intéressons à l'activité des libéraux d'Algérie, il ne faut pas craindre de les situer à la place réelle qu'ils ont occupée pendant la guerre d'Algérie.
Monsieur René Galice habitait en plein centre d'Alger, rue Horace Vernet. Dans ce même immeuble, vivaient les familles complices du FLN, Georges et Gauteron. Dans les appartements occupés par ces différentes personnalités, ont transité à maintes reprises, des hommes représentant la quintessence de l'anti-France.
Abane Ramdane vint y préparer le très célèbre Congrès de la Soummam de juillet 1956, phase déterminante de la guerre d'Algérie.
Ferhat Abbas y prépara son départ pour l'étranger, plus précisément pour rejoindre l'Organisation Extérieure de la Rébellion Algérienne en 1956.
Krim Belkacem, dans ces mêmes locaux, est venu s'entretenir à maintes reprises avec les deux précédents ainsi qu'avec d'autres responsables du FLN de haut niveau.
Ben Khedda participa à ces réunions.
Ben M'Hidi puis Bitat se réunirent aussi dans ces appartements en tant que responsables ou co-responsables de la ZAA. Ils y préparèrent les attentats qui ensanglantèrent la capitale algéroise.


Pourquoi évoquer avec insistance le nom de Monsieur Galice ?

Pour la raison suivante : Galice est conseiller municipal de la ville d'Alger. Il est même adjoint au maire. Il ne fait rien sans l'aval de Jacques Chevallier. Nous savons, mais j'estime qu'il est utile de le rappeler sans arrêt, que Jacques Chevallier s'est inscrit dès la première heure, dans le camp de l'abandon de l'Algérie. Nous avons vu comment à partir de son poste de secrétaire d'Etat à la guerre, il prévint Ben Boulaïd, par l'intermédiaire du sénateur Ben Chenouf, de l'opération que le commandement français s'apprêtait à déclencher dans les Aurès pour écraser la rébellion, au tout début de la guerre d'Algérie. Homme des services secrets américains, il intervint à la fin de la guerre d'Algérie avec une double mission :
- d'une part, chanter la victoire du FLN en exprimant à maintes reprises son arabophilie exclusive,
- d'autre part, prendre le risque de faire rester quelques centaines de milliers de Français en Algérie, après l'indépendance.

Cette dernière attitude traduisait une volonté : celle de " cheptéliser " le peuple pied-noir. Utiliser ce peuple comme un effectif de choix pour le bénéfice de l'Algérie indépendante. Peuple à qui la France devait rester interdite.


Un autre personnage du monde libéral algérois, complice actif de Jacques Chevallier, que je tiens à nommer, est le docteur Pierre Chaulet. Accompagné de son épouse, Claudine. L'un et l'autre ont tenu à préciser à Abane Ramdane " qu'ils n'étaient pas pour le FLN ", mais qu'ils étaient " du FLN ".
Ils disposèrent, pour mener leur action anti-française au meilleur résultat possible, de la très célèbre villa Pouillon, située à Alger, au Clos-Salembier, sur les Hauts d'Alger, tout près de Dar el Mahçoul. Cette villa Pouillon a joué un rôle important dans la guerre d'Algérie, puisqu'elle servit de lieu de résidence pour tous les complices de Jacques Chevallier, jusqu'au mois de juillet 1962. Quelques ennemis mortels de l'Algérie française en ont joui avec abondance, jusqu'en 1962 inclus.
Ces libéraux, se déclaraient la plupart du temps catholiques pratiquants, disciples de Monseigneur Duval et de Scotto. Ils nourrissaient néanmoins une ambition. Celle d'incorporer le parti communiste algérien à la guerre qui était menée contre la France. Pour des raisons d'opportunité tactique, de camouflage tactique. Pour faire croire que la guerre d'Algérie était une guerre des pauvres contre les riches.
C'est finalement vers la fin du premier trimestre 1956, que le FLN céda à la pression du parti communiste algérien. Ben Khedda intervint pour l'acceptation du PCA dans le dispositif de guerre du FLN. Il rencontra le docteur Hadjeres, dans ce même immeuble de la rue Horace Vernet où résidait René Galice. Donc, dans des locaux occupés par des subordonnés administratifs et politiques de Jacques Chevallier.
Le PCA fut accepté dans la guerre. On lui interdit cependant de mettre en œuvre une activité politique conforme aux théories communistes. Hadjeres accepta ce diktat, car tels étaient les ordres de la place du colonel Fabien, …et d'ailleurs.
Néanmoins, le PCA n'accepta pas ce rôle effacé. Il prit une initiative dans le but d'accéder à un rang privilégié dans le combat anti-Français.
Animés de cette volonté, les communistes se rallièrent à une décision qui fut prise dans cet immeuble de la rue Horace Vernet, dans l'appartement de René Galice. Ce dernier ne souscrivait à aucune initiative, rappelons-le, sans l'accord préalable de son patron Jacques Chevallier. Cette dernière initiative fut, cependant, à l'origine d'un épisode dramatique de la guerre d'Algérie.


J'évoque ici l'affaire très connue de l'aspirant Maillot.
Celui-ci était un jeune pied-noir communiste, fils de communiste.
Ayant présenté le concours d'entrée à l'école des officiers de réserve de Cherchell, il y fut brillamment reçu. Affecté au 504ème bataillon du train de Miliana, il exécuta un ordre de ses chefs communistes. Un camion d'armes fut détourné par Maillot. Quelle était la destination de ces armes ? Les stocker à Alger ? Les expédier vers des zones opérationnelles tout particulièrement choisies ?
On en transita une première partie dans la région de Lamartine, dans la plaine du Chelif, au sud-ouest d'Alger. Grâce à cet armement, un maquis rouge se constitua sur ce territoire. Il était commandé par René Laban. C'était un instituteur communiste qui avait servi pendant la guerre civile espagnole, dans les Brigades Internationales.
Mais quelque chose se passa.
Quelque chose que les commentateurs de la guerre d'Algérie ne veulent pas retenir. Ce maquis communiste fut vendu par le FLN aux forces de l'ordre françaises. Pour les fellagas, ce qui comptait c'était l'armement. Les roumis, communistes ou non, ils s'en foutaient complètement ! Ce maquis fit l'objet d'une localisation très rapide de la part des effectifs du bachaga Boualem. Une opération montée par des unités du 1er REP encercla ce maquis rouge. Mais au moment de l'hallali, on fit appel aux soldats du 504ème bataillon du train, à qui les armes avaient été volées. Ce sont eux, des soldats du contingent, qui, en toute connaissance de cause, anéantirent ce maquis communiste du FLN. Ils exécutèrent Laban et Maillot. Il est vrai que nous étions encore en 1956. Le gaullisme " cinquante-huitard " n'avait pas encore perverti l'esprit national.
Mais un autre usage de ces armes avait été exigé par le FLN. Celui-ci commanda en effet d'en livrer une partie à un chef rebelle, Khodja. Le docteur Hadjeres fut chargé de transmettre cet ordre du FLN au jeune communiste pied-noir Maillot, au cours d'une réunion qui se tint dans cet appartement de la rue Horace Vernet que j'ai évoqué à maintes reprises. Un appartement, que j'ai désigné dans un de mes livres sous le terme de " P.C. Jacques Chevallier de la rébellion algérienne ".
Khodja était le chef d'un maquis FLN implanté dans la région de Palestro. Il était sous les ordres de Ouamrane, qui commandait en Kabylie. Le 17 mai 1956, Khodja monta une embuscade. Grâce à l'armement de Maillot, il y fit tomber une section de fantassins français. Des soldats du contingent, rappelés tout récemment, et commandés par un officier de réserve, le sous-lieutenant Arthur. Soldats arrivés en Algérie le 3 mai 1956.
Lors de cette embuscade, le sous-lieutenant Arthur fut tué avec 17 autres soldats français. Qu'on retrouva les yeux crevés, la gorge tranchée, le ventre ouvert, les entrailles remplacées par des pierres, les couilles coupées, par la populace environnante qui, terrorisée par le FLN, s'est livrée aux horreurs que celui-ci lui avait commandé d'accomplir sous peine de mort.
Au-delà de ce drame, au-delà de l'émotion que provoque aujourd'hui encore l'évocation de cette tuerie du 17 mai 1956, surgit une interrogation. Et elle est de taille !
Ces armes ont bien été transportées d'Alger à Palestro. De quelle manière ?
Grâce à deux voitures américaines. Ces voitures furent chargées à partir de la villa Pouillon où avait été entreposée une partie de l'armement volé par Maillot. Une villa affectée à l'usage du maire d'Alger, Jacques Chevallier. Une de ces deux voitures fut conduite par Madame Chaulet en personne, celle qui n'était pas " pour " le FLN mais " du " FLN.
Ce drame nous permet d'illustrer la complicité très active du monde libéral, du monde chrétien progressiste, avec les tueurs de Français. Ils ont mis la main à la pâte dans l'organisation de massacres de soldats, de civils français et de civils musulmans.
Il faut cesser d'en faire des idéalistes pacifistes, des philanthropes, des défenseurs de l'égalité. Leurs mains sont couvertes de sang. Qu'ils cessent de pontifier à l'abri du dogme des Droits de l'Homme, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Qu'ils reconnaissent leur co-responsabilité dans les massacres d'Algérie.
Nous incluons parmi ces responsables de massacres, Jacques Chevallier en personne, au poste le plus élevé. Il disposait en effet des moyens nécessaires pour faciliter l'action des complices progressistes du FLN, action qui fut parfois, hélas, couronnée de succès.


Une autre personnalité est venue doubler l'action mise en œuvre par le Député-maire d'Alger, Jacques Chevallier. Il s'agit d'Abderrahmane Farès. Ancien notaire de Coléa, ancien président de l'assemblée algérienne. Farès faillit faire partie du premier gouvernement constitué par le général De Gaulle, en 1958, lorsque celui-ci occupa le poste de dernier président du conseil de la IVème République, sous la présidence de René Coty.
Farès demanda des instructions au FLN qui lui intima l'ordre de refuser ce poste. Ainsi, il est bien établi que Farès n'obéissait qu'à ses chefs FLN. Mais De Gaulle l'utilisa tout de même comme un chargé de mission officieux, dont la fonction capitale fut d'assurer les pré-négociations entre lui-même, Pompidou et René Brouillet d'une part, Ferhat Abbas et le G.P.R.A. d'autre part, après la naissance de ce dernier le 18 septembre 1958.
J'ai entendu dire par quelques naïfs, ou pseudo-naïfs, que Farès avait gardé au fond de lui-même un sentiment " Algérie française ", particulièrement vivace. On a même prétendu qu'en 1962, lorsqu'il exerça les fonctions de chef de l'Exécutif Provisoire en Algérie, il nourrissait une vilaine rancune contre De Gaulle parce que celui-ci avait trahi l'Algérie française. Une vilaine rancune aussi contre le FLN qui n'avait pas voulu reconnaître ses mérites, en refusant de lui réserver une place de choix dans le futur gouvernement algérien.

Ces rumeurs sont frappées du sceau de l'irresponsabilité la plus infantile.
Farès a toujours été un ennemi. A partir du mois de mars 1962, il fut animé d'une ambition pour lui-même en se servant des autres. Il fut rappelé à l'ordre par Fouchet, Joxe et Jacques Chevallier son camarade libéral. Mais surtout par le FLN. Il rentra dans le rang, pour disparaître pratiquement de la vie politique à partir du 3 juillet 1962.
Entre temps, il avait réussi quelque chose : obtenir le cessez-le-feu de l'OAS, réclamé par Jacques Chevallier.
Alors que lui-même avait déclaré, précédemment, que les actions de guerre de l'OAS constituaient le seul moyen de conférer à notre organisation, un statut " d'interlocuteur valable ".
J'affirme aujourd'hui que les morts imputables à l'OAS, à partir du vendredi Saint 1962, sont de la responsabilité du négociateur Farès et de son interlocuteur.


Farès faisait partie de ces notables algériens qui ont su faire du " double jeu " un trait fondamental de leur personnalité politique.
Nous savons d'une source irréfutable, puisque c'est lui-même qui l'a écrit, qu'il entretint des relations suivies avec des chefs terroristes. Entendez-moi bien : je dis bien " des chefs terroristes ", je n'évoque pas ici des leaders de la Révolution Algérienne dont l'activité restait confinée dans le domaine des aspirations revendicatives.
Il rencontra Ouamrane dit " l'égorgeur ". Il fut en contact répété avec le cheik des oulémas, Ibrahim Bachir, ennemi mythique de la France. Il réussit à obtenir une entrevue avec Larbi Ben M'Hidi, chef de la ZAA.
Il prit contact personnellement, en pleine casbah, avec Yacef Saadi et Ali la Pointe. C'était en 1956. Qu'on ne s'y trompe pas. Ces contacts furent mis en route à la demande de Farès lui-même. Car il lui fallait donner des gages de sa fidélité inconditionnelle. Donner des gages, oui, mais à qui ? A ceux qui étaient capables de tuer ou de faire tuer.
Il leur démontra qu'il se situait bien dans leur combat. Il les supplia de bien enregistrer qu'il était en train de trahir la France. Il faisait allégeance à la terreur.
Nous fûmes avertis de cette attitude de Farès. Nous ? " C'est qui… nous ? ". Un réseau anti-terroriste constitué par mes soins à Alger en 1955. Dès 1956 nous nous mîmes en chasse de Farès. Il fut averti. On le mit donc à l'abri dans la capitale française.
Il mit son séjour parisien à profit pour rencontrer de nombreux chefs FLN. En particulier Lebjaoui, qui commandait depuis peu de temps, la Fédération de France du FLN. Mais qui était Lebjaoui ?

Quelques semaines auparavant, il était encore conseiller municipal de la ville d'Alger. Il était très proche de Jacques Chevallier. Nous savons aujourd'hui, de sources sûres et spécialisées, qu'il avait organisé un véritable bureau d'appui de la ZAA, dans les locaux même de la mairie d'Alger. C'est lui qui, de la mairie d'Alger, alimentait en fausses cartes d'identité, les tueurs du FLN. Il le faisait par l'intermédiaire d'un appariteur, Rabah Adjaoui . Celui-ci était chargé de transmettre ces faux-papiers aux opérationnels du FLN. Rabah Adjaoui transmettait aussi à Ben M'hidi et à ses agents, les noms de fonctionnaires français à abattre. Adjaoui fut arrêté. Mais Jacques Chevallier réussit à le faire libérer.
Pas de chance ! Une patrouille du 9ème Zouaves, mal informée des protections dont jouissait Rabah Adjaoui, l'a flingué rue de la Lyre, tout près de la très célèbre rue Porte Neuve. Il était porteur des cartes d'identité qu'il devait livrer aux tueurs de la Casbah, permettant à ces derniers d'évoluer dans les meilleures conditions possibles en pleine ville d'Alger.
Lebjaoui, patron de Rabah Adjaoui fut très rapidement contraint à la clandestinité. Il quitta Alger. Ce conseiller municipal d'Alger, ce fonctionnaire municipal de la ville d'Alger, se vit attribuer une fonction importante de la part du FLN, en reconnaissance des services qu'il avait rendus à la rébellion. Il fut nommé commandant de la Fédération de France du FLN.
Dans le cadre de cette fonction, il rencontra Farès à Paris, dans le 17ème arrondissement rue Legendre, tout près du Parc Monceau. Farès vint se mettre à ses ordres. Il tint à lui confirmer sa soumission au commandement FLN.


Arriva le 13 mai 1958. De Gaulle prit le pouvoir. Farès bénéficia alors de l'incroyable privilège d'entrer en contact personnel avec le général De Gaulle. Celui-ci en fit un chargé de mission clandestin. Un officier de liaison entre lui-même et Ferhat Abbas. Cependant, toujours prudent, Farès se lança dans une entreprise permanente de nouveaux contacts avec les leaders du FLN qui séjournaient en Europe. Car, comme à Alger, il lui fallait donner des gages de fidélité. C'est ainsi qu'il rencontra Ben Tobal.

Pourquoi cette débauche de rencontres de la part d'un homme qui, plus tard, exerça les fonctions de chef de l'Exécutif Provisoire ?
Parce que Farès avait la trouille. Il craignait de connaître la même mésaventure tragique qu'a connue Benabyles. Celui-ci, député élu sur une liste " Algérie française ", comprit, au lendemain du discours du 16 septembre 1959, prononcé par le général De Gaulle, que l'Algérie française était perdue. Il retourna sa veste. Il sollicita auprès de Ferhat Abbas, qu'il connaissait depuis longtemps, un poste au sein du gouvernement FLN en exil. Il s'apprêtait à rejoindre le GPRA pour y occuper de nouvelles fonctions. Benabyles fut intercepté dans l'Allier et tué.
Tué, par qui ?
On a voulu imputer cette liquidation aux services secrets français, qui auraient voulu le punir de cette volte-face.
Le général Jacquin est formel et affirme en substance :
" C'est faux. C'est Ben Tobal qui l'a fait flinguer par un tueur FLN qui, après l'opération, reste caché en France ".
Caché en France ? Mais où donc ?
Jacquin est précis :
" A Lyon, chez le primat des Gaulles, tout près de l'archevêché ".

Pourquoi l'exécution d'un homme d'une telle valeur ? Parce que le colonel Ben Tobal a pris ombrage de ces fonctions importantes qui commençaient à être attribuées à des transfuges de l'Algérie française. Les places, c'était pour les combattants des premiers jours ! Et non pour des renégats de l'Algérie française, opportunistes et ambitieux.
Farès, dans le souci de bien montrer où étaient ses complices, n'hésita pas à rencontrer Blachette à l'hôtel Georges V à Paris. Nous savons qui est Blachette, " faux mentor " et " véritable instrument de Jacques Chevallier ".
Les promoteurs gaullistes de la nouvelle carrière de Farès, s'inquiétèrent du sort qui pouvait être réservé à celui-ci. Ce pion fondamental de la liquidation de l'Algérie qu'était devenu Farès et dont de Gaulle voulait faire un usage rentable, devait être protégé à tout prix.
" Ils ne vont tout de même pas nous le tuer celui-là aussi ! "
Mais comment assurer la protection de Farès. C'est tout simple. On le fout en taule. On lui signifie, sans rire, une inculpation bidon " d'atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat ". Dès le cessez-le-feu, Farès sort de la prison de Fresnes. On le conduit d'urgence à l'Elysée. Il est reçu par De Gaulle qui l'accueille en ces termes :
" Alors, mon cher président, bien reposé ? "


Voilà comment Farès réussit à survivre au danger qui le menaçait. Il pourra exercer ses talents faits de duplicité et de roublardise à Alger, lorsqu'il occupera les fonctions de président de l'Exécutif Provisoire. En accord total avec Jacques Chevallier … et les sous-ordres de celui-ci récemment recrutés pour mener à son terme, enfin, la mort de l'Algérie française.


VI - OU ME SITUER DANS " TOUT CA " ?


Dans ce fragment d'étude qui va suivre, j'éprouve la nécessité de faire intervenir un personnage que vous avez peut-être rencontré dans mes deuxième et troisième livres. Il s'agit d'un colonel des services spéciaux espagnols.
J'ai tenu et je tiens encore à occulter sa véritable identité. Il m'a informé, au fil des années, de quelques dessous " noirs " du rôle joué par l'Espagne franquiste, dans les évènements que nous avons connus en Algérie.


Pendant longtemps, il s'était considéré redevable à mon père d'un appui que celui-ci lui avait apporté en 1936. Phalangiste militant, Antonio Mun?oz Cabanillas, avait fui la zone rouge valencienne au tout début de la guerre civile espagnole. Il avait rejoint Alger, où il fut pris en compte, par erreur, par des rouges espagnols d'Alger, qui pensaient avoir affaire à un militant dont l'ambition était de rejoindre la catalogne que les rouges tenaient entre leurs mains, depuis le fiasco du coup de force tenté par le général Goded .

Etudiant en " lettres et philosophie ", Antonio s'exprimait dans un français excellent. Il réussit à donner le change à ceux qui l'accueillaient. Or, l'un d'entre eux, personnalité rouge très importante de Bab-El-Oued était le frère de ma grand-mère, l'oncle de mon père donc, Manuel Escobedo Pla.
Quand celui-ci éprouvait une difficulté pour accorder son aide à un réfugié, il avait le plus souvent recours à son neveu, mon père, pour trouver les solutions adéquates qui allaient permettre à ces réfugiés de vivre dans les meilleures conditions possibles, à Alger.

Mon père, citoyen français par la naissance et surtout par choix effectué en 1916, était un franquiste enthousiaste. Il réussit, après avoir détecté les véritables convictions politiques d'Antonio Mun?oz Cabanillas, à le faire prendre en charge par un réseau de soutien de Bab-El-Oued. Antonio fut acheminé vers l'Oranie puis le Maroc espagnol. Il rejoignit les troupes franquistes du général Yagüe, qui opéraient dans le sud de l'Espagne à cette époque. Il devint officier très rapidement et participa à la guerre civile du début à la fin.


Sa connaissance de la langue française en fit l'objet d'un recrutement de choix pour les services spéciaux espagnols. Il devint un officier de la célèbre Segunda bis. Il participa au noyautage de tous les réseaux de refugiés communistes qui vivaient en Afrique du Nord. Ceux-ci furent pris en mains par des officiers de renseignements espagnols qui se faisaient passer eux-mêmes pour des réfugiés rouges. Ils recrutaient ainsi des agents parmi les rouges espagnols d'Algérie, qui, contre une promesse d'amnistie, se livraient à des activités pour le compte des services spéciaux espagnols.
Pendant la guerre d'Algérie, " ces rouges espagnols " intervinrent donc bien en faveur du FLN. Mais, par dessus tout, et cela nous l'ignorions, ils agissaient dans le cadre des recherches et opérations mises en œuvre par les services spéciaux franquistes.
Si cet aspect de notre histoire vous intéresse, je vous invite à prendre connaissance de mes livres " Debout dans ma mémoire " et " Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie ". J'y explique, en particulier, comment cet officier m'avait détecté comme le fils de celui qui lui avait apporté un concours décisif en 1936 à Alger, à travers les différents rôles que j'ai tenus dans l'action anti-terroriste de 1955 à 1962.
Il n'avait jamais repris contact avec mon géniteur, qui l'avait oublié. Et lorsque je rejoignis l'Espagne, au mois de juin 1962, il prit l'initiative d'un contact avec moi, dans l'espoir de s'affranchir, si possible, de la dette qu'il avait contractée vis-à-vis de mon père.


Je l'ai revu à Madrid en 1993. Il souffrait d'un cancer arrivé à la phase terminale. Il avait manifesté la nécessité de me voir. Comme s'il voulait me transmettre un testament avant son départ dans l'autre monde. Ce fut une rencontre de quelques jours, très riche en un enseignement que je tiens à partager avec vous.
Jusqu'à nouvel ordre, je donne la parole à Antonio Mun?oz Cabanillas, qui s'exprima ainsi :

" J'ai remarqué dans tes ouvrages, que tu évoques avec abondance, le martyre de Ramon LLULL, ce génie du XIIIème et XIV siècle, qui avait proposé un dialogue entre le Judaïsme, le Christianisme et l'Islam. Il a été lapidé dans ta ville natale de Bougie, au début du XIVème siècle, parce qu'il proposait le recours à la " sagesse unitaire de Dieu " pour parvenir à une convivialité spirituelle nécessaire à la paix du monde.
Cinq siècles plus tard, en 1830, la France a pris pied en Algérie.
Puis survint l'abandon.
Tu sais qu'à cette époque, j'étais astreint au devoir d'obéissance inhérent à tout militaire.
Aujourd'hui, avant mon départ définitif de ce pauvre monde, je tiens à te dire que nous, Espagnols, nous nous sommes trompés.
Notre crétinisme, notre trahison même furent de ne pas voir dans la bataille de l'OAS, un combat ultime pour la défense d'une position chrétienne et occidentale en Afrique du Nord. Les combattants de l'OAS, en voulant maintenir cette tête de pont de la France et de l'Europe qui s'enfonçait jusqu'au fin fond du Sahara, se battaient en réalité pour la Liberté.
La liberté du christianisme et aussi, paradoxalement, la liberté de l'Islam.
Ces deux religions, en effet, auraient pu trouver là-bas, enfin!, l'occasion de créer et de consolider pour les temps à venir, un " vivre ensemble " qui aurait été élaboré à partir d'une victoire.
Sur un territoire où le génie français, aidé du génie européen, aurait conféré à ces deux cultes, la possibilité d'un " avenir géant ", comme on le dit aujourd'hui.
Un avenir qui se serait construit grâce à la paix et la liberté françaises. C'était le but du combat que tu as mené, avec d'autres trop peu nombreux hélas.
Voilà pourquoi je suis fier de t'avoir chez moi et pourquoi je te remercie encore de ton amitié.
Vous avez perdu l'Algérie. C'est vrai. Malgré les victoires indiscutables de son armée, la France s'est mise en situation de vaincu historique, vis-à-vis des pays du Maghreb.
Cette défaite, c'est toute l'Europe qui devra néanmoins l'assumer. L'Europe ! Cette petite presqu'île occidentale, cernée, depuis la mort de l'Algérie française, par le fanatisme religieux. L'Europe, infectée, viciée, gangrénée par l'horrible virus de l'irresponsabilité.
Mais je te le dis, parce que c'est ma conviction, le peuple pied-noir que tu évoques tout le temps comme le peuple oublié, a gagné la France.
C'est à lui qu'appartient l'obligation du nouveau combat qu'il faudra mener : ne pas subir demain la loi des fanatismes.


Tu connais, car tu l'as expérimentée à tes dépens, la rigueur de notre police espagnole. Ainsi que l'efficacité de nos services spéciaux. Tu te souviens qu'en 1960, l'Espagne franquiste soutenait à fond le FLN. En particulier, le président du GPRA, Ferhat Abbas. En réalité le soutien espagnol s'était manifesté dès le début de la guerre d'Algérie.
Un de mes chefs, le général Garcia Valin?o, au nom du général Franco, a rencontré Ferhat Abbas. Cet officier avait réceptionné à maintes reprises les armes destinées aux rebelles algériens. C'était sur les plages de Tétouan et de Nador. Elles étaient véhiculées par la suite en Algérie, par la frontière algéro-marocaine.
A la même époque, toutes les facilités furent accordées aux chefs FLN de circuler et de séjourner dans notre pays. De comploter contre la France à partir de l'Espagne. En particulier Yazid, qui semble avoir été, à un moment donné, le préféré du gouvernement franquiste.
Tu rappelles souvent, dans tes écrits, qu'au tout début de l'été 1958, la ville de Barcelone avait été choisie par Pompidou. Bien avant le retour au pouvoir du général De Gaulle. Pompidou fut le premier chef de cabinet du général, en particulier lorsque celui-ci devint le dernier président du conseil de la IVème République.
Barcelone, choisie, pourquoi ?
Pour y entamer des négociations avec l'Organisation Extérieure de la rébellion algérienne. Les historiens évoquent trop peu ce projet, parce qu'il démontre qu'il existait un accord, bien avant 1958, entre De Gaulle et Ferhat Abbas. Un document fait foi de cette réalité : c'est le célèbre document Pompidou.
Barcelone fut donc choisie pour y rechercher les moyens d'aboutir à un cessez-le-feu en Algérie. Le gouvernement espagnol avait donné son assentiment. Il s'était porté garant de la sécurité personnelle des représentants du FLN qui auraient participé à ces négociations car, évidemment, chez mes confrères gaulois, nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas souscrire à ce qu'ils considéraient comme une capitulation.
Aujourd'hui je les comprends !
Pour les organisateurs franquistes de ces négociations, il fallait empêcher à tout prix, le déroulement d'une opération identique à celle que ces mêmes services français avaient montée le 22 octobre 1956. Quand fut organisée l'affaire de l'avion dévié sur Alger, dans lequel voyageaient Ben Bella, Kidder, Aït Hamed, Boudiaf, c'est-à-dire une brochette représentative de personnalités révolutionnaires algériennes.
Tout cela démontre, et tu ne l'ignore pas, qu'en 1960, il n'était pas question pour le gouvernement espagnol de soutenir les partisans de l'Algérie française. A plus forte raison, de s'incorporer, plus ou moins officieusement, à un complot contre le général De Gaulle.


Les partisans de l'Algérie française ont entrepris, cependant et en plusieurs occasions, un travail d'approche auprès du gouvernement franquiste. Ils le faisaient au nom de l'anti-communisme. Mais tu le sais, peut-être mieux que les autres : le danger communiste était un leurre en Algérie. Nous savions que la motivation fondamentale de la guerre d'Algérie, était raciste et religieuse. Raciste " arabe " et " islamiste-fondamentaliste ".

Nous avions, nous aussi, dans l'oreille, le message du Cheik Ibrahim Bachir, président de l'association des oulémas d'Algérie. Il avait proclamé que le combat était engagé pour " le triomphe de l'arabisme et de l'Islam ".
J'ai noté avec quelle vigueur tu insistes sur ce fait historique que l'on s'attache à occulter aujourd'hui . Avec une constance qui en dit long sur son importance.
Cependant, il n'était pas question, pour nous, les services secrets, de neutraliser les partisans de l'Algérie française. Ceux qui faisaient le siège de certains hommes influents du franquisme. Il fallait au contraire, les circonvenir, les contrôler, bref les rouler.
Parmi ces partisans affirmés de l'Algérie française, se comptaient des " purs ", des hommes sincères pour lesquels j'éprouvais beaucoup de sympathie. Mais certains d'entre eux, une minorité, étaient parfaitement informés du camp choisi par le gouvernement franquiste.
Cette connaissance qu'ils avaient de la réalité, permet d'affirmer qu'ils se soumettaient de facto au gouvernement français par Franco interposé.


En 1960, le général Salan s'est replié en Espagne. Il fut l'objet de contacts de la part de notre gouvernement. Car il nous fallait évaluer ses intentions et surtout ses moyens d'action. Nous nous sommes aperçus que, jusqu'au procès des barricades, il ne disposait de rien. Quelques contacts à Paris, au Pays basque ainsi que dans le sud-ouest de la France, à Bayonne, à Libourne, tout particulièrement. Voilà ce qu'étaient à cette époque les " biscuits " du général Salan.
Auprès de lui séjournait ce que j'appelle " un poisson pilote ", Ferrandi. Un homme très fin, très cultivé, brillamment intelligent. Lui, n'était pas dupe de l'orientation prise par le gouvernement espagnol dans le conflit algérien. C'était par excellence, un homme de cabinet. Il fut l'objet de nos contacts, dont la police de renseignements généraux française fut évidemment informée par nos soins. Ferrandi ne pouvait pas l'ignorer, compte tenu de sa finesse politique.
Quand arrivèrent les autres, Lagaillarde tout d'abord puis Susini, Feral, Demarquet et Ronda, nous nous sommes interrogés. Qui, parmi ces nouveaux arrivants, allaient se brancher sur Salan et sur Ferrandi ? C'est-à-dire, à son insu, sur les services français.
Lagaillarde ? Certainement pas, car il aspirait à être le chef et n'acceptait pas de bonne grâce une éventuelle subordination à Salan.
Feral, Ronda ? C'était des militants sincères, courageux, des purs. Des hommes sur lesquels nous avions les meilleurs renseignements.
Demarquet ? Un fonceur, au profil caractéristique de " bon soldat ". Un pur.
Susini ? Il n'eut de cesse que de séduire Ferrandi d'abord et Salan ensuite. Celui-ci va tomber sous son charme. Il va se laisser littéralement envoûter. Ces hommes vont bénéficier rapidement d'un contact privilégié auprès de celui qui jouera le rôle officieux, mais ô combien réel, de notre honorable correspondant auprès des activistes de l'Algérie française.
J'évoque don Ramon Serrano Suner, le propre beau-frère du général Franco.
Don Ramon était indiscutablement fidèle au général Franco. Jamais il n'aurait accepté de s'engager dans un parti qui irait à l'encontre de la politique algérienne du chef de l'Etat espagnol. Les franquistes ne trahissaient pas Franco, de son vivant. Ne trahissaient pas la politique de Franco. Serrano Suner, moins que les autres. Il s'est contenté d'offrir un concours dosé, contrôlé sur instructions, à ceux qui allaient comploter contre De Gaulle.
Mais Serrano Suner se prêtait à ce jeu avec un immense plaisir. Car il était violemment anti-gaulliste et cette pseudo conjuration lui permettait de se livrer à de violentes critiques verbales contre le général De Gaulle, qu'il détestait.
Sur instructions donc, il a apporta son concours à Salan et à ceux qui gravitaient autour de lui. Il leur a fait connaître des militants phalangistes, que toi-même a connus par la suite et que tu as fréquentés dans leur intimité pendant plusieurs années.
Ces hommes étaient sincères. Ils n'étaient pas du tout informés des secrets de la diplomatie espagnole. Ils étaient vos partisans, parce qu'ils vous identifiaient aux fils spirituels de Pelayo qui, à partir de Covadonga, a déclenché le combat conquérant de l'Espagne contre les Maures dès le début du VIIIème siècle.


Le départ du général Salan pour Alger en avril 1961, après le début du putsch d'Alger, ne s'est pas opéré à l'insu de nos services. Nous contrôlions tout. Les instructions étaient de laisser filer le général Salan. Le gouvernement du général De Gaulle, évidemment averti, ne nous a pas tenu rigueur du départ de Salan. Car son action après le putsch, dont tout le monde savait qu'il allait échouer, aurait été peut-être plus gênante pour les gaullistes à partir de l'Espagne ou du Portugal, dans l'éventualité où Salan serait resté ici.
Je soupçonne que la compréhension des gaullistes à l'égard de l'Espagne en 1961, était motivée par un espoir qu'ils nourrissaient à cette époque. Celui d'une opposition entre Challe et Salan. Une opposition qui allait accélérer la déstabilisation de ce putsch qui partait d'un très mauvais pied. Il fallait conserver le ver dans le fruit. En l'occurrence Ferrandi, le " poisson pilote " du général Salan.


Tu as dit récemment que l'OAS avait été l'objet d'une tentative de noyautage. Je préfère dire qu'elle a été fréquentée par des hommes qui allaient se vanter plus tard, d'avoir joué un double jeu.
Aujourd'hui, en 1993, nous n'en sommes plus très loin. Pour obtenir le droit de devenir éventuellement des hommes publics, il leur faudra soutenir qu'ils étaient à l'OAS pour la freiner, la contrôler, l'empêcher d'aller trop loin.
Tes dispositions naturelles à la violence, ton intransigeance doctrinale, ton refus de t'inclure dans une formation politique, la pureté de tes convictions, feront de toi un gêneur. Eventuellement, un homme à abattre. En tout cas, un homme à salir, à démolir, après le 26 avril 1961.
Chose curieuse, tu as tenu bon, comme un roc au sein d'une organisation faisandée au départ. Une organisation qui finalement, résista contre l'adversité, au-delà des délais prévus.
Une organisation qui, pendant 90 % de son temps de vie, a résisté au reniement. Je suis certain que, grâce à tes appuis populaires, à ces hommes qui se sont mis à tes ordres, à ces hommes qui auraient tué n'importe qui pour toi, tu es devenu intouchable. Les autres se sont méfiés de toi et finalement, ils t'ont ménagé. Puis ils t'ont obéi, quoi qu'ils en disent aujourd'hui, quoi qu'ils disent éventuellement plus tard, pour un grand nombre d'entre eux.


Crois-moi, à la lecture du " Sang d'Algérie " je comprends à quel point tu as su manœuvrer à la fin, lorsque tu t'es rendu compte que tout était perdu.
Tu as accepté un contact que des Kabyles avaient demandé à des agents du BCR, à partir de la zone d'implantation de la Wilaya III. Ces kabyles ne voulaient pas de Ben Bella qui était l'homme choisi par le gouvernement français pour prendre le pouvoir en Algérie, après le référendum qui allait consacrer l'indépendance du pays.
Tu as donc demandé à Susini, le samedi de Pâques, c'est-à-dire le lendemain de l'arrestation du général Salan, dans l'appartement d'un chirurgien de tes amis situé au Boulevard Saint-Saëns à Alger, d'engager des négociations avec Farès.
C'est-à-dire que tu t'es finalement incorporé à des négociations qui allaient bon train depuis longtemps entre une aile de l'OAS et le pouvoir exécutif algérien provisoire.

Des négociations qui allaient bon train entre l'ancien maire d'Alger, Jacques Chevallier et cette même aile de l'OAS qui était en contact avec Farès.
Au sein des deltas Chevallier était représenté par un de ses hommes de confiance, Caruana. Par ailleurs, Chevallier était représenté dans une autre branche importante de l'OAS, par le neveu de l'ancien maire de Blida, partisan de la politique d'abandon prônée par Jacques Chevallier. Tu savais tout cela. Tu l'as toléré, tu me l'as maintes fois précisé, pour des raisons rigoureusement pratiques et surtout sentimentales : éviter par tous les moyens un massacre des Pieds-Noirs.
J'imagine aujourd'hui le soulagement de ceux qui ont reçu ton aval. Ils n'avaient pas osé te le demander auparavant. Ils se méfiaient de tes réactions expéditives. Ce qu'ils ignoraient, c'est que ton aval avait pour objet d'éviter par tous les moyens, je le répète en insistant, le génocide des Français d'Algérie".


Antonio s'arrête de parler. Il reprend son souffle. Je le perçois très éprouvé par l'interprétation qu'il me donne de ce qu'il croit avoir compris de notre combat. En réalité, il m'offre son récit comme un gage d'adhésion, une adhésion, déjà posthume, à notre lutte. C'est son cadeau d'agonie.
Son exposé m'a néanmoins replongé dans ce passé encore tout riche de son contenu douloureux, tragique. De sa vitalité pleine de doutes, pleine de sang.
Effectivement Jacques Chevallier était présent dans notre structure de combat. Le Journal d'Alger, son quotidien, dont il assumait la publication avec Blachette, côtoyait l'un d'entre nous, dont nous pensions qu'il était un frère d'armes, par l'intermédiaire du rédacteur en chef de ce même quotidien.
Dès le mois d'octobre 1961, Susini, Degueldre et Caruana avaient rencontré l'ancien maire d'Alger, dans sa magnifique villa du Balcon Saint-Raphaël à El-Biar. Caruana était l'émissaire constant de Jacques Chevallier. En réalité, ce qui fut fomenté, c'était une tentative de putsch à l'intérieur de l'OAS. Dont je n'ignorais rien. Ce qui m'a conduit, nécessairement à structurer ma prudence. Organiser un appareil de surveillance à l'intérieur de l'OAS. Ne confier ma sécurité à personne d'autres qu'aux miens.
Surveiller et contrôler tous les autres et surtout, ne dénoncer personne. Eviter une épreuve de force. Patienter. Attendre que la logique, sans parler de l'honneur et de la fidélité, puis de la camaraderie et de l'estime, inspirent à nouveau ces imprudents comploteurs.
En quelques semaines, bien avant l'été 1961, tout finit par s'arranger avec Degueldre. Caruana me dira plus tard à Paris, en 1972, devant témoins, que Degueldre s'était rendu à contrecœur à cette réunion d'octobre 1961 avec Jacques Chevallier. Finalement, Roger accepta son rôle dans l'ORO , au poste qui lui avait été attribué. Parce que l'appareil dont j'avais la responsabilité, fonctionnait remarquablement.

Tous les jours nous mettions au point nos directives opérationnelles. Et tout a évolué normalement, jusqu'à son arrestation comme je l'ai relaté dans une étude récente.

Antonio, après avoir dominé son essoufflement, reprend son récit. Il veut me raconter l'OAS. Il veut me faire sentir qu'il est devenu un partisan de l'OAS. Et le vieux guerrier se remet à parler.

" Ces négociations entre le FLN, les gaullistes, Jacques Chevallier et une fraction de l'OAS, ont pris rapidement une orientation radicalement opposée à celle que tu espérais. C'était un ralliement à Ferhat Abbas, à Fouchet et à Joxe. Avec Farès, qui n'avait fait que reprendre son rôle d'officier de liaison auprès du général De Gaulle, comme il l'avait fait en 1958, pendant l'été, entre De Gaulle et Ferhat Abbas.
Lorsque tu as été informé de cet aspect des tractations engagées, du risque que l'on s'apprêtait à faire courir au peuple pied-noir, tu as manifesté des réserves. Car ce que voulaient les négociateurs, se résumait dans la volonté de faire rester en Algérie le maximum de Pieds-Noirs. C'était prévu dans les accords d'Evian.
Tu étais sur la réserve. Tu as réuni tes fidèles pour connaître leur avis. Et c'est alors que l'on t'a coupé l'herbe sous les pieds, par le cessez-le-feu des Deltas. Cessez-le-feu décidé à la demande de Jacques Chevallier.

Le reste des combattants n'étaient pas encore disposés à se soumettre à ce qu'ils considéraient comme une capitulation. Tu as été soumis de leur part à de fortes pressions pour contrecarrer ce plan. Si tu réagissais dans leur sens, cela faisait de toi une brute, un jusqu'au boutiste, un fanatique inconséquent.
Tu n'es pas tombé dans ce piège.
Tu as réussi à leur faire entendre raison. Tu as rédigé ton ordre du jour et tu es parti car ta mort devenait dès lors une nécessité. D'autant plus que Farès n'ignorait pas qu'en 1956, tu lui avais donné la chasse.
A cause de cette interruption opérationnelle, plus aucun moyen n'existait pour protéger les Pieds-Noirs contre les massacres et les enlèvements.
Le cessez-le-feu de l'OAS allait révéler une vérité qui jusque là était encore remarquablement occultée. Celle de sa faiblesse. Celle du bluff qu'elle représentait. Bluff nécessaire à la protection des Français d'Algérie. Il aurait fallu que se constituât cette force locale européenne, armée en guerre dont tu avais exigé la création, comme préalable à ton accord aux négociations qui étaient engagées.
On t'a laissé croire que c'était possible, que c'était raisonnable … et puis plus rien.
Tu as donc bien fait de ne rien tenter. Ne te reproche rien. Je conçois que ce drame te ronge encore. Tu avais prévu en effet un dernier combat. Tu aurais voulu mettre en pratique, si possible, cette maxime de Duguesclin " Mieux vaut terre brûlée que sol abandonné ". Mais tu as fait le constat d'une insuffisance de moyens pour l'accomplissement de ce projet.


A cause de toi, je me suis intéressé comme le spécialiste que je suis, à la vie de l'OAS. De toutes les organisations clandestines que j'ai pu connaître, il n'en existe aucune qui n'ait été autant trahie de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle j'exprime mon admiration pour la vigueur des combattants que tu commandais, qui malgré la trahison ont résisté pendant 15 mois. Alors que le monde entier était contre vous, à l'exception du Portugal.
Il n'en reste pas moins vrai que le combat de l'OAS restera le dernier combat qui fut mené contre les Maures, un combat trahi par la chrétienté et tous les autres.
A quelques jours de la mort, je voudrais répéter ce que je t'ai déjà dit : " le peuple pied-noir auquel tu as tout sacrifié, était trop civilisé pour cette guerre ".
Il aurait fallu vous comporter en véritables sauvages dès le début de la guerre, car c'était à une guerre de sauvages que vous étiez confrontés. Ou alors, il fallait partir.
Je te dis aujourd'hui, que tu as bien fait de faire ce que tu as fait, car il n'y a pas de pire individu que celui qui refuse de défendre sa Terre, sa Patrie, sa Nation.
Nous allons nous dire adieu. Je t'expédierai certainement un courrier avant ma mort pour te soumettre des questions auxquelles tu devras répondre dans l'espace de temps qui te conviendra pour le triomphe de la vérité.

Je tiens à affirmer que nous, Espagnols, franquistes ou non, communistes, socialistes, anarchistes ou séparatistes, en ayant refusé de soutenir l'Algérie française, nous avons renié Covadonga. Notre merveilleuse épopée de Govadonga. Nous avons trahi le message de Pelayo. Car nous nous sommes dérobés au combat contre les Maures.

C'est là que se situe la vérité.

Tout le reste n'est que littérature politique, économique ou philosophique. Nous avons déserté la bataille du XXème siècle contre les Maures "


VII - CONCLUSIONS

Je ne suis victime d'aucun état d'âme particulier. Enrichir, éventuellement, votre information, tel est le but de cette rédaction.

Mes angoisses et mes espérances, mes doutes parfois, ne constituent pas, loin de là, des sujets à développer publiquement.

Je me suis engagé dans cette bataille dès 1955 et les nécessités de son déroulement m'ont projeté finalement à un poste décisionnaire de tout premier ordre.
Le comportement désinvolte parfois de quelques-uns parmi nos opérationnels, qui ne semblaient pas tous informés du niveau historique de la cause qu'ils défendaient, le comportement critique et chauvin de quelques militants éloignés d'Alger à l'égard du commandement central, ont fragilisé certainement notre appareil de combat.
Ces insuffisances ont ouvert la voie à quelques comploteurs pour développer leur jeu personnel. Ne pas rater l'occasion d'être détectés comme ce qu'ils croyaient être : des individus capables de tenir un rôle de dimension internationale. Fabriquer un prestige qui allait les placer tout le temps à un poste privilégié dans le mercenariat politique, tel était le motif réel de leur participation à l'OAS.

Degueldre fut le premier à être tombé, pendant un laps de temps court, très court, entre les mains de ces intrigants perpétuels. Il lui a fallu quelques semaines pour s'en extirper et pour apprécier à sa juste valeur, l'attitude de ceux, les plus nombreux, qui n'étaient animés que de cette ambition :
Algérie française.

Degueldre avait jugé et apprécié la vigueur et la discipline avec lesquelles j'organisais l'ORO. Il savait que je ne poursuivais aucune perspective de carrière. Sauver cette terre africaine française, c'était mon but. Ma passion. Ma seule passion.
J'ai assumé des décisions terribles que je ne renie pas. J'ai eu, sous mes ordres, des hommes de toutes origines politiques et sociales, de niveaux intellectuels différents qui m'ont écouté. Je n'ai jamais accepté d'être contrôlé par un homme politique. J'ai été très attentif à protéger l'appareil que je commandais contre une prise en mains extérieure, à l'initiative d'une structure qui ne serait pas en harmonie avec notre but de guerre : la victoire pour l'Algérie française.

Aujourd'hui, je n'éprouve aucun scrupule à dire que j'accorde un grand intérêt à tout travail historique consacré à la gloire de nos ennemis les plus féroces : Krim Belkacem, Ben Tobal, Khodja… parmi beaucoup d'autres.
Je comprends que nos ennemis éprouvent la nécessité de glorifier ceux qui se révélèrent parmi les plus déterminés à tuer la France Sud-Méditerranéenne.

Cependant, il m'est difficile d'accepter l'attitude suivante : l'éloge ou plutôt la sanctification des traîtres à la patrie française, prononcée par quelques anciens parmi les nôtres. Traîtres qui ont obéi aux ambitions géo-politico-économiques d'une fraction perverse, inculte et mal informée, pour ne pas dire ignare, du capitalisme financier moderne. Traîtres qui ont apporté un concours opérationnel majeur à l'action de nos ennemis les plus déterminés.
Je n'accuse pas Jacques Chevallier et ses partisans de désertion devant l'ennemi.
Je les accuse, et l'ancien ministre de la guerre député-maire d'Alger en tout premier lieu, d'avoir renforcé en moyens de guerre, ceux qui tuaient nos soldats, nos femmes et nos enfants. De les avoir enrichis en renseignements, en soutien logistique, en armement et en moyens de propagande nationale et internationale.
Je les accuse d'être intervenus dans cette guerre dans le camp de nos ennemis, alors que l'identité idéologique de ce conflit était connue : car on ne peut nier que l'identité véritable de la guerre d'Algérie était avant tout et universellement anti-chrétienne. En analyse extrême et définitive, c'est la Croix qui était l'objectif à abattre au sud de la Méditerranée. Quitte pour nos ennemis à prendre un risque opérationnel d'une importance très actuelle : le risque de conférer une vigueur invasive, par le biais d'une perversion orchestrée et sournoise des mentalités occidentales, à l'arabo-islamisme fondamentaliste révolutionnaire. Arabo-islamisme qui jouit d'un avantage inappréciable illustré par l'affirmation suivante : il n'est pas pressé.
L'appauvrissement spirituel des esprits occidentaux définit en effet le véritable allié opérationnel de ce nouvel envahisseur. Il s'agit d'un vide spirituel, d'un gouffre, que l'arabo-islamisme fondamentaliste va combler au grand dam, souvent et curieusement, de ceux-là mêmes qui ont apporté tout leur concours à cette déliquescence spirituelle de l'Occident.
Notre génération, celle de nos enfants, ne subiront pas encore les effets immédiats de cette révolution arabo-islamiste. Mais les générations futures…
Tout dépend en réalité, du front que le christianisme sera capable d'opposer grâce à une union universelle et nécessaire des chrétiens.
Union des chrétiens, oui, mais dans quelle perspective opérationnelle ?
- faire la guerre à l'islam ?
- lancer un nouveau manifeste : " Chrétiens de tous les pays unissez-vous " ?
Certainement pas.


Je ne confonds pas la religion musulmane d'une part et le fondamentalisme arabo-islamiste d'autre part.
Je suis convaincu qu'une possibilité de vie harmonieuse existe entre tous les croyants en Dieu d'une part, et entre les croyants et les non-croyants d'autre part.
Le véritable révolutionnaire moderne s'identifiera à celui qui saura défendre à outrance la cause de la convivialité spirituelle universelle.
Nous ne perdons pas de vue, pour autant, les inégalités qui existent entre les hommes à l'échelon national, continental et universel. Des inégalités qui n'ont pas été résolues et qui, tout au contraire, ont été aggravées par la décolonisation. Il existe des espaces de faim… de violence … de haine… et de mort. Tels apparaissent, illustrés avec une vigueur indubitable, les " bienfaits " de la décolonisation.
Nous vivons dans un espace impitoyablement clos. Et c'est, qu'on le veuille ou non, à l'intérieur de cet espace clos, le globe terrestre, que nous devons rechercher, trouver et emprunter le chemin d'accès à l'harmonie, à la convivialité des intelligences et des passions humaines.
En refusant de nous croiser les bras, en analysant le passé avec les yeux bien ouverts. " Le passé, la seule vérité humaine " . C'est lui qui nous permettra de comprendre le présent, de prévoir l'avenir et peut-être de le contrôler.
Cette conviction m'impose, de revenir aujourd'hui encore, sur le passé " Algérie française ". Sur la thèse historique " Algérie française " qui mérite d'être comprise et enseignée comme la grande idée des temps modernes. Je précise la grande idée du siècle. Une occasion ratée… oui, mais de quoi.
Une occasion ratée d'avoir fait de ce territoire, grâce à la France, un espace privilégié capable de donner vie à une convivialité inter-religieuse nécessaire à la paix et à la survie du monde moderne.
Tous les gargouillis politiques dont nous régalent les leaders de la Vème République, détenteurs du pouvoir, ou d'opposants aspirant à le prendre dès que possible, n'y changent rien. Tous sont riches, avant tout, d'un vide idéologique abyssal. Un vide idéologique porteur d'un risque complémentaire : celui d'être à l'origine par imprudence ou par imprévision, d'un ou de plusieurs drames… " néoruandais ", avec leurs montagnes de cadavres.


Revenons à l'Algérie. A l'occasion ratée… Algérie française… La grande idée du siècle.
Oui, j'étais convaincu que l'Algérie devait rester française. Comme je suis convaincu aujourd'hui que la France doit rester française, que l'Europe doit devenir européenne et que l'Occident doit aspirer à devenir occidental.

Oui j'ai affronté beaucoup de drames dans ma vie personnelle.
" Alors ? " m'a-t-on déclaré un jour " Pourquoi n'as-tu pas fait exécuter Jacques Chevallier parmi d'autres que tu as fait tuer et qui, sans aucun doute, étaient moins dangereux que lui ? "
Voilà une question qu'il faut laisser sans réponse… aujourd'hui encore.
Proposer une réponse, c'est prendre le risque de révéler au public, qui ne sait rien, mais qui juge tout et qui condamne ce qui lui plaît, certaines ambiguïtés apparentes de comportement opérationnel au sein de cette belle aventure que fut l'OAS.
Il est absolument sûr que l'un d'entre nous a pris contact avec Jacques Chevallier dès le mois d'octobre 1961. Je n'éprouve aucun plaisir à vous le confirmer une fois de plus. Si vous avez lu ce que je viens d'écrire tout au long de cette étude 50/38, vous le savez déjà.
Alors, posons une autre question : ceux qui ont contacté, sur leur initiative, Chevallier en 1961, au mois d'octobre, dans une villa du Balcon Saint-Raphaël à El biar, ont-ils trahi ?

Ma réponse est nette : non, ils n'ont pas trahi, en 1961 et au début de l'année 1962.
" Pourquoi cette indulgence de votre part ? " me rétorque-t-on.
Pour la raison suivante : ils n'ont pas trahi jusqu'au Vendredi Saint 1962. Jusqu'à cette date, ils m'ont soutenu dans les actions que j'ai ordonnées. Ils m'ont transmis des identités d'individus à abattre. Ils ont applaudi aux opérations dont j'assumais hiérarchiquement la responsabilité. Ils m'ont soutenu aussi, dans l'organisation des zones opérationnelles voisines du Grand Alger. Ils ne m'ont pas vendu aux forces de l'ordre.
" Alors, pourquoi ont-ils exploité pour leur compte les contacts qu'ils avaient pris avec Jacques Chevallier et à travers lui avec Farès et beaucoup d'autres ennemis de l'Algérie française ? "

Cette dernière question est la bonne question.
A double titre.
Voici ma réponse.

- C'était tout d'abord, pour eux, le moyen de sauver leur vie en cas de défaite envisageable de l'OAS.
- En second lieu, c'était se libérer pour conduire leur nouvelle mission à bonne fin, de toute co-responsabilité dans les opérations que j'ai décrites dans une étude récente, sous la rubrique " la fureur ultime de l'OAS ".

Ce comportement leur a permis d'adopter la position suivante : " ce n'était pas nous, c'était lui ".

Aujourd'hui certains anciens de notre combat se laissent aller à une initiative assez difficile à accepter. Ils veulent justifier les trahisons de Jacques Chevallier. Je ne peux les comprendre que dans la mesure où ils ont changé d'identité. Que dans la mesure où ils se sont ralliés à l'ennemi FLN.
C'est une raison suffisante pour refuser de dialoguer avec eux. Je suis convaincu d'avoir plus de chances de m'entendre avec un chef FLN qu'avec un renégat de l'Algérie française.

C'est la raison pour laquelle je crois opportun d'arrêter là cette étude n° 50/38 que j'ai rédigée, j'insiste encore, pour votre information.
" Sans crainte du malheur, sans espérance de gloire "

Jean-Claude PEREZ
Nice, le 18 septembre 2010

 
 
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