Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres :
" Le sang d'Algérie "
" Debout dans ma Mémoire "
" Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie
"
" L'Islamisme dans la guerre d'Algérie "
" Attaques et contre-attaques "
aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX
Tel. : 01.64.65.50.23
Primatice Diffusion - distribution - 10 Rue Primatice 75013 Paris
Tel. : 01.42.17.00.48 - Fax : 01.42.17.01.21
En prévision du 50ème anniversaire
de l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne,
(19 mars 2012 et 3 juillet 2012)
une série d'études vous sera proposée.
A propos de la sanctification, espérée et réclamée,
d'un grand ennemi de l'Algérie française,
Jacques Chevallier
?
ETUDE 50/38
I - INTRODUCTION GENERALE
Je ne suis pas obsédé par Jacques Chevallier.
Quelques échos, opportunément recueillis au hasard de
la lecture d'un média déficitaire en informations, déficitaire
en savoir, m'incitent à refuser le silence, à propos de
l'un parmi les ennemis les plus constants et les plus efficaces de l'Algérie
française.
J'insiste une fois de plus et avec force sur cette précaution
que je tiens à prendre avec fermeté : je ne suis victime
d'aucune idée fixe imputable à ce symbole historique de
l'anti-France, en Algérie. Parangon de la subordination aux puissances
d'argent en particulier. Parangon de la perversion politique qui lui imposa
de terminer sa vie, en terre métropolitaine, dans la discrétion
la plus silencieuse. Comme s'il avait voulu se mettre à couvert
de la réprobation de ses anciens administrés, qu'il avait
accepté de soumettre au bon vouloir des égorgeurs, en Algérie,
en 1962.
Secrétaire d'Etat à la guerre, puis ministre durant
peu de temps en 1955, il fut le réel inventeur de ce que l'on appela
en Algérie " le mendésisme ". Il ne fut ni plus
ni moins que le chargé d'application en Algérie de l'idéologie
" rooseveltienne ".
Il est intervenu, dès le début du conflit algérien,
et sans camouflage, en faveur des ennemis de la France. Nous faisons allusion
à des appuis matériels et opérationnels qu'il leur
octroya à partir des différentes fonctions qu'il exerça.
On le voit participer, par l'intermédiaire de l'un de ses adjoints
à la mairie d'Alger, à la réunion décisionnaire
de la guerre d'Algérie.
C'était le premier dimanche de juillet 1954, au matin, dans le
Brabant en Belgique. Dans la petite ville d'Hormu. Dans une salle de cinéma.
Cette dernière précision explique pourquoi cette réunion
s'est tenue le matin de ce premier dimanche de juillet 1954.
Par l'intermédiaire d'un adjoint à la mairie d'Alger,
membre du M.T.L.D. Hocine Lahouel, et par l'intermédiaire de Mohamed
Khidder, dissident du M.T.L.D., membre de l'O.S. , co-fondateur du C.R.U.A.
au Caire, en juin 1954, les organisateurs de cette réunion d'Hormu
prennent la décision de déclencher en Algérie :
" LE JIHAD FISSABIL ALLAH "
" La guerre sainte pour la cause de Dieu "
Il est nécessaire de rappeler, pour le bénéfice
de ceux qui s'entêtent encore à l'ignorer, que cette réunion
s'est déroulée sous l'égide de la C.I.S.L. .
Quelques précisions sont nécessaires.
La C.I.S.L. est la filiale européenne de l'énorme Fédération
Américaine du Travail. Il s'agit d'une inter-fédération
de DROITE réunissant des syndicats anti-communistes américains.
La C.I.S.L., en Europe, va s'efforcer de mener à bonne fin une
double tâche :
- d'une part, créer si possible une fédération
de syndicats anti-communistes,
- d'autre part, exercer un contrôle opérationnel sur tous
les mouvements indépendantistes.
Irving Brown, président de la C.I.S.L. à cette époque,
en juillet 1954, assure le financement immédiat de cette volonté
révolutionnaire anti-française. En versant à Lahouel,
l'homme de Jacques Chevallier et à Khidder, l'homme du C.R.U.A.,
un premier viatique de 500.000 dollars.
Rappelons qu'à cette époque, le maire d'Alger, patron de
Lahouel occupait les fonctions de secrétaire d'Etat à la
guerre.
Par la suite, Jacques Chevallier, sur son initiative, fit échouer,
dans les Aurès, une opération militaire peut-être
décisive, que s'apprêtait à déclencher le général
en chef commandant en Algérie. Il prévint personnellement
le sénateur de Batna Ben Chenouf, qui transmit l'information au
chef rebelle Ben Boulaïd. Dans ce cas, il ne s'agit plus d'une attitude
anti-nationale. Il s'agit d'un acte de haute trahison devant l'ennemi,
avec toutes les conséquences en terme de pertes humaines imputables
à cette trahison.
En pleine guerre d'Algérie, il structura la mairie d'Alger en PC
opérationnel du FLN. De faux papiers y furent préparés
en faveur des tueurs de la ZAA .
En 1956, par l'intermédiaire de ses mentors de la C.I.S.L.,
il accorda son soutien logistique à l'U.G.T.A. qui organisa et
exécuta des attentats terroristes dans le Grand Alger. Cette U.G.T.A.
fonctionnait à la manière d'une organisation communiste.
Mais elle était directement financée par la C.I.S.L., une
confédération inter-syndicale américaine de droite,
je tiens à le souligner
pour la millième fois peut-être.
Et puis,
., ce fut le vide, le trou noir pour Jacques Chevallier,
pendant trois ans.
De Gaulle arrive en 1958.
De Gaulle prétend liquider l'Algérie-française tout
seul.
De Gaulle décide de se passer du concours des Américains
pour assassiner la France Sud-Méditerranéenne.
Nous savons cependant, et depuis longtemps, comment les pompidoliens
anciens
futurs
et éternels
ont actionné
et drivé l'homme de Colombey, dès 1940. Pour le compte des
chasseurs-de-têtes du néo-capitalisme financier international.
De Gaulle ne pourra pas se passer du concours de notables algériens
anti-Français pour se débarrasser du " boulet algérien
". En particulier il ne pourra pas se passer de Ferhat Abbas, dont
il est le complice depuis 1943. Depuis le M.T.L.D. Il ne pourra se passer
de Farès complice de Ferhat Abbas qui, dès 1946, s'est soumis
à l'autorité spirituelle et impérialiste d'Ibrahim
Bachir, le président de l'association des Oulémas.
Ce que De Gaulle ne pouvait pas savoir vous est précisé
dans l'information suivante :
si ces deux hommes jouissaient d'une grande liberté d'action en
Algérie, c'était grâce à Jacques Chevallier
et à son appareil logistique mis en place par ses subordonnés
de la mairie d'Alger.
Ferhat Abbas était caché rue Horace Vernet à Alger,
dans l'appartement d'un adjoint au maire d'Alger, avant de rejoindre le
FLN en 1956.
Farès, à Paris, s'est mis sous la protection de Lebjaoui,
fonctionnaire municipal de haut rang à la mairie d'Alger. Lebjaoui
était devenu, entre temps, le chef de la Fédération
de France du FLN. Pendant peu de temps d'ailleurs. Ajoutons que Farès
fut reçu à l'hôtel Georges V à Paris par Blachette,
théoriquement le mentor de Jacques Chevallier et patron du Journal
d'Alger. Je dis " mentor ", en réalité il conviendrait
de dire " instrument " de Jacques Chevallier.
Tout semble avoir été préparé et finalement
programmé, pour que fût exécutée plus tard
en 1961 une manuvre d'approche d'abord, puis de complicité
active, opérationnelle entre Jacques Chevallier et une fraction
très évolutive de l'OAS. En réalité une anti-OAS.
Une anti-OAS qui s'ignorait en tant que telle, mais c'est bien ce rôle
d'anti-OAS qu'on lui fit jouer historiquement en 1961 et 1962.
Dans le but d'aboutir à la naissance de ce que Jacques Chevallier
appela avec solennité le 3 juillet 1962, " sa jeune Patrie
".
II - QUELQUES PRECISIONS UTILES A RAPPELER
Les évènements d'Algérie ont été
officiellement identifiés à une guerre, par une loi, votée
à la demande du premier ministre socialiste Jospin. La loi du 18
octobre 1999. Donc ce que nous avons vécu, officiellement, en Algérie,
entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962, date du massacre d'Oran,
c'était une guerre.
Une guerre qui opposait qui à qui ?
Une guerre qui opposait la France aux ennemis de la France.
Conséquence logique, nous identifions :
- les partisans de l'Algérie française, aux défenseurs
de la Patrie française,
- les ennemis de l'Algérie française, de toutes confessions
et nationalités, aux ennemis de la Patrie française.
Cette loi du 18 octobre 1999, officialise certes une guerre, mais simultanément,
elle officialise UNE DEFAITE.
Une défaite que l'on imposa à la France de subir. La France
fut spectaculairement et universellement humiliée, le 19 mars 1962,
devant son ennemi historique, le FLN.
Cette humiliation de la France, risque d'être célébrée
voire exaltée, par ceux qui prétendent conférer,
en 2012, un éclat particulièrement rampant au cinquantième
anniversaire de la mort de la France Sud-Méditerranéenne.
Aujourd'hui, on m'apostrophe parfois de la façon suivante :
" L'Algérie française c'est fini
la guerre d'Algérie
c'est fini
n'en parlons plus ! Regardons l'avenir ! ".
Qui me tient ces propos ? Avant tout, ceux qui considèrent que
le phénomène historique " guerre d'Algérie "
est affecté d'un coefficient majeur dominant et surtout exclusif,
d'évènement du passé.
Ils se trompent lourdement. Car ce phénomène historique
" guerre d'Algérie " est manifestement riche avant tout,
d'un indiscutable coefficient de développement durable.
Je m'explique : ce qui fut attaqué, ce qui fut anéanti en
Algérie française, s'identifie de nos jours à ce
qui se révèle être l'objet d'une même attaque,
et d'une menace d'anéantissement identique, en France, en Europe
et en Occident.
L'Occident, nous l'avons identifié, en dernière analyse
sérieuse, à l'espace géographique à l'intérieur
duquel les chrétiens peuvent vivre libres. Libres de toute asphyxie,
de toute oppression, protégés contre les persécutions
et les assassinats collectifs. Libérés de toute menace infamante.
Dans le déroulement des opérations militaires déclenchées
contre la France, Jacques Chevallier est intervenu à point nommé,
à partir d'un poste décisionnaire au ministère de
la guerre, en accordant son appui aux premières opérations
du FLN en 1954 et en 1955.
Il assuma plus tard, en 1961 et 1962, la responsabilité d'un
risque : celui de faire rester nos compatriotes en Algérie en 1962,
facilitant ainsi des enlèvements et des assassinats de Français.
C'était un ennemi total de l'Algérie française.
Algérie française que j'ai défendue parce que c'était
une création de la France. Ce que nous avons vécu là-bas,
c'était la première phase, peut-être, d'une nouvelle
guerre de 100 ans qui nous impose aujourd'hui de défendre à
outrance et à chaque instant :
La France française,
L'Europe européenne
Et l'Occident occidental
III - DE " L'UTOPIE " DE JACQUES CHEVALIER AUX MASSACRES DES
INNOCENTS FRANÇAIS, CIVILS ET MILITAIRES, DONT IL FUT L'UN DES
INSPIRATEURS ET L'UN DES " ORGANISATEURS".
Dans un souci de clarification, mais en acceptant le grief de simplification
opportuniste, nous interprétons le phénomène historique
" guerre d'Algérie " comme la résultante de volontés
exercées, je veux dire " mises en Histoire ", par quatre
intervenants. Le premier intervenant est évidemment :
L'INTERVENANT STRATEGIQUE
C'est-à-dire l'intervenant planificateur et décisionnaire
de l'assassinat historique de la France Sud-Méditerranéenne.
L'intervenant néo-capitaliste international. Plus exactement cet
intervenant stratégique n'est que néo-capitaliste.
" La France n'a aucun intérêt économique à
garder l'Algérie ". Voilà en substance ce qu'a déclaré
un éminent pompidolien à l'écrivain Jacques Laurent.
Il s'agit en l'occurrence de Valéry Giscard d'Estaing. C'est la
notion de valeur ajoutée trop faible, ou plutôt insuffisamment
élevée, produite par les investissements constants exigés
par l'Algérie, comme par toute terre animée de la volonté
de vivre, qui devient la motivation formulée officielle de ce qu'ils
ont appelé " le délestage économique du débouché
algérien ".
" La valeur ajoutée est insuffisante, donc on largue TOUT.
La terre, le pétrole, le gaz, la tête de pont géopolitique
de l'Europe en Afrique, le peuple français d'Algérie ".
Et lorsque, en toute ingénuité nous les avons interrogés
de la façon suivante :
" Mais nous, les Français d'Algérie, à quel
destin nous condamnez-vous ? "
Ils ont répondu, en substance, mais toujours avec cynisme :
" Tout dépend de la sauce à laquelle vous voulez être
mangés ! "
" Mais nous ne voulons pas être mangés ! " avons-nous
rétorqué.
" Là n'est pas la question ! ", ont-ils affirmé,
dans un souci hargneux de clore le débat.
" La valeur ajoutée des capitaux investis est insuffisamment
élevée parce que nos investissements en Algérie,
sont devenus routiniers ", précisent -ils.
" Il faut nous défaire de l'obligation d'assumer le développement,
ou plutôt l'accession à la modernité, du peuple algérien
de confession musulmane ".
" Le pétrole
oui
mais les Arabes avec
non
! "
Voilà schématisé ou plutôt synthétisé,
le pourquoi premier et ultime de l'indépendance de l'Algérie.
Indépendance illustrée historiquement et avec éclat
par la défaite française et occidentale du 19 mars 1962
à Evian.
Mais si l'on veut qu'une stratégie ne s'identifie pas à
une nébuleuse cotonneuse inaccessible à la compréhension
du citoyen lambda, il lui faut s'exprimer concrètement dans l'histoire.
Par des tactiques.
Nous en identifions 3 principales accompagnées, chacune d'entre
elles, d'accessoires ou plutôt d'enjoliveurs historiques plus ou
moins valorisants.
L'INTERVENANT TACTIQUE N° 1
Ils vont l'inventer en Algérie. Ils vont le façonner
en conférant à l'islam algérien une identité
définitive d'arabo-islamisme fondamentaliste.
Quels sont les facteurs valorisants mis en uvre pour renforcer l'efficacité
opérationnelle de ce premier intervenant tactique ?
Ils sont illustrés avant tout et globalement, dans le racisme.
Le racisme arabe que l'on va idéaliser, que l'on va psalmodier
sans arrêt, pour en faire un atout majeur de l'action révolutionnaire
déclenchée contre la France.
" Un peuple arabe est soumis à l'autorité française
par la force
". Voilà le pourquoi du combat, tel que
vont le formuler ceux qui ont tout fait pour vaincre historiquement la
France au Sud de la Méditerranée.
Ils vont exalter l'arabité de l'Algérie en affirmant la
promotion de ce qu'ils ont appelé " leur arabité rénovée
".
Ils vont inclure l'arabité rénovée de l'Algérie
dans la mouvance arabo-islamiste universelle, très schématiquement
rendue célèbre par quatre dates au moins :
o 1928 : naissance des " Frères Musulmans " en Egypte
(Hassan Al Banna).
o 1931 : congrès panislamiste, anti-juif, convoqué à
Jérusalem par Asmine el Husseïni, mufti de Jérusalem,
conjointement avec l'émir libanais Chékib Arslan, président
de la Nahdah , ennemi de la France, déjà condamné
à mort par contumace.
o 1931
encore 1931 : installation officielle en Algérie
de l'Association des ulémas, le 5 mai de cette année-là.
o 1954 : 1er novembre : le cheikh, Ibrahim Bachir, président en
fonction de l'Association des ulémas, déclare à partir
du Caire, que le combat est engagé pour " le triomphe de l'arabisme
et de l'islam ".
Nous venons d'évoquer très schématiquement, je
le répète, et surtout très succinctement, l'intervenant
tactique n° 1 de la guerre d'Algérie, c'est-à-dire l'intervenant
arabo-islamiste fondamentaliste.
Les stratèges du délestage économique du débouché
algérien vont se trouver confrontés à une nécessité
opérationnelle. Eviter que l'on ne parlât que de Dieu.
On va donc provisoirement camoufler la motivation tactique religieuse,
la motivation arabo-islamiste. D'une manière plus précise,
on va occulter le double déterminisme tactique anti-chrétien
et anti-juif, de la guerre déclenchée contre la France,
lors de la Toussaint Rouge.
Comment mettre en uvre ce camouflage ? Comment reléguer Dieu
à un échelon subalterne de cette guerre ?
En faisant donner
L'INTERVENANT TACTIQUE N° 2
Il s'agit, en cette occurrence, d'utiliser ce conglomérat idéologique
obsolète aujourd'hui, pour ne pas dire antédiluvien, que
l'on appelait alors le marxisme-léninisme.
On a voulu faire de la guerre d'Algérie, un épisode moderne
de la lutte des classes :
- les riches contre les pauvres
- les " nouveaux damnés de la Terre " de Frantz Fanon,
soumis au joug des colonisateurs ont pris les armes contre l'oppresseur
français !
Mais quand on sait comment Benoist Frachon, secrétaire général
du P.C.F, accompagné du secrétaire général
de la CGT, Dufriche, ont été reçus clandestinement
par Krim Belkacem et Mohamed Khidder, au Champ de Manuvre à
Alger le 31 octobre 1954, la veille de la Toussaint Rouge, on comprend
à quel point le parti communiste français a été
exclu avec mépris, avec dédain, du combat déclenché
par le FLN naissant, contre la France.
Toutes les bassesses seront mises en uvre par le PCF et son homologue
algérien, pour se faire accepter par le FLN.
En particulier par Ben Khedda, chef de la ZAA en 1956. Ben Khedda était
caché à Alger, par les adjoints de Jacques Chevallier, ancien
des services spéciaux américains entre 1942 et 1945, jouissant
d'une double citoyenneté française et américaine,
maire FLN d'Alger, partisan de l'indépendance et complice actif,
je veux dire opérationnel, de la rébellion algérienne.
C'est chez son adjoint à la mairie d'Alger, Gallice, que Ben Khedda
était logé et organisait le fonctionnement opérationnel
de la zone algéroise.
Jacques Chevallier, celui que l'on appelle aujourd'hui un utopiste selon
une littérature sanctificatrice consacrée au personnage,
fut un complice actif du terrorisme FLN. Ce que nous voulons préciser
est très simple : il a les mains couvertes de sang français.
Ainsi que ses alliés progressistes, chrétiens ou non. Ils
vont s'associer au FLN et intervenir avec une redoutable efficacité,
dans des tueries dont furent victimes des Français d'Algérie
de toutes confessions, ainsi que des soldats du contingent.
En toute circonstance, les progressistes bénéficièrent
de l'appui logistique de la mairie d'Alger. C'est-à-dire de l'appui
du maire, de ses adjoints, de ses conseillers municipaux et des services
administratifs de la mairie d'Alger, véritable cellule OPA et opérationnelle
du FLN
rappelons-le.
Mais cet intervenant tactique n° 2 va se révéler
insuffisant, à son tour. Il lui faudra le concours d'un 3ème
intervenant tactique. Gardé en réserve, prévu depuis
des années. Il s'agit de
L'INTERVENANT TACTIQUE N° 3 : DE GAULLE
C'est l'intervenant choisi par le néo-capitalisme financier.
Le gaullisme était actionné en silence, mais avec vigueur
et constance, comme un outil indispensable aux objectifs de l'état-major
pompidolien, depuis 1940 au moins. Etat-major planificateur des perspectives
modernes du capitalisme financier, pour exercer le contrôle permanent
au niveau des grandes banques de tous les moyens de production ainsi que
des circuits de consommation.
Dans cette optique, ils ont prôné à outrance le délestage
économique du débouché colonial, sans se préoccuper
de l'avenir des peuples qui allaient être victimes de ce délestage.
Celui-ci n'a pas été producteur, loin de là, de la
liberté, de la paix et du bonheur qu'on leur avait promis.
Dans cette perspective, De Gaulle fut en contact permanent avec la rébellion
algérienne. Plus précisément avec l'Organisation
Extérieure de la rébellion algérienne, depuis 1956
au plus tard.
Il était animé et drivé dans cette entreprise par
le maître d'uvre Pompidou, fondé de pouvoir de la banque
Rothschild.
L'homme de Colombey noua des contacts avec des leaders rebelles de l'extérieur,
dès 1956, par l'intermédiaire de Me Boumendjel, dont le
frère, FLN notoire d'Alger, trouva la mort lors d'un interrogatoire
avec nos services spéciaux en Algérie, en 1957.
Plus tard, lors de l'hallali de l'Algérie française, De
Gaulle utilisa Farès. Celui-ci représenta clandestinement
De Gaulle, au Caire, lors de la présentation officielle du GPRA
à la presse internationale, le 18 septembre 1958.
Farès, un ambitieux, sollicita avec fermeté, en 1962, lors
de ses premiers contacts avec un membre de l'OAS, que je n'interrompisse
en aucun cas, mes opérations de guerre terroriste, " de manière
à maintenir l'OAS en position de force dans les discussions qui
étaient entreprises ". Ce message me fut transmis par son
contact. Celui-ci sollicita ainsi toute ma vigueur dans la poursuite de
cette phase ultime de notre guerre.
Je pense qu'il ne serait d'aucune utilité que je jure sur la croix
du Christ, que ce que je viens de dire est vrai. Mais je le fais, "
sans crainte du malheur, sans espérance de gloire ".
Jacques Chevallier imposa cependant le " cessez-le-feu " des
" deltas ". Qu'on le veuille ou non, ce " cessez-le-feu
" illustre aujourd'hui encore, devant l'histoire, la date officielle,
la date charnelle de la mort de l'Algérie française.
Voilà exposés les motifs qui m'imposent de rappeler la signification,
en termes de larmes et de sang français, du rôle qu'il faut
attribuer à " l'utopiste Jacques Chevallier ".
Un utopiste, oui. Mais un utopiste de la thèse ennemie, un utopiste
de l'Algérie arrachée à la France et soumise au FLN.
IV - LA REALITE " JACQUES CHEVALLIER ",
ENVISAGEE DANS LE DETAIL
Il est utile de préciser que le député-maire
d'Alger, n'était pas du tout communiste. Nous le savons très
bien. Ce qui permet de comprendre l'engagement de Jacques Chevallier,
c'est avant toute chose, son arabophilie exclusive. Son attitude est superposable
à 100 % à celle de Monseigneur Duval et du curé Scotto,
deux éminents renégats du christianisme en Algérie.
Lorsqu'il entama sa nouvelle carrière politique, peu de temps après
la fin de la seconde guerre mondiale, il nous est apparu à Alger,
comme un homme providentiel. Jeune. Courageux. Plein d'allant et de modernité.
C'était l'époque où le communisme manifestait une
solide implantation en Algérie. La crise économique de l'après-guerre,
le chômage, la pression des rouges espagnols réfugiés
en Algérie, très actifs, en apparence très organisés,
mais solidement noyautés par les services secrets franquistes,
la séduction de la victoire soviétique, avaient altéré
en Algérie, le comportement d'une fraction non négligeable
de la population française.
Malgré cette ambiance soviétophile, enrichie du lyrisme
des buveurs de sang de la Libération, j'ai entendu Jacques Chevallier,
s'exprimer ainsi lors d'une réunion électorale : "
Entre le drapeau rouge d'une part et la Croix d'autre part, j'ai choisi
la Croix ".
A cette époque, il fallait beaucoup de courage pour tenir de tels
propos. C'était l'époque ou tout comportement anti-communiste,
publiquement affirmé, était à l'origine d'une accusation
de " collabo ", voire de " nazi ".
Par la formulation de son anti-communisme et l'audace de ses convictions,
Jacques Chevallier nous a conquis.
Nous ignorions que le futur député-maire d'Alger, le futur
secrétaire d'Etat à la défense nationale, le futur
ministre de la guerre dans le gouvernement de Mendès France en
janvier 1955, jouissait d'une double nationalité. Je crois l'avoir
souligné un peu plus haut dans cette étude.
Certes il était citoyen français mais par sa mère
Texane, il était aussi citoyen américain.
Cette particularité lui permit, après le débarquement
anglo-américain du 8 novembre 1942, la très célèbre
opération Torch, de faire la guerre contre l'Allemagne, dans l'armée
américaine. Dans les bureaux des services secrets américains.
Il bénéficia d'une formation spécifique qui lui conféra
toute facilité pour mettre en uvre en Algérie, la
politique africaine chère à Franklin Roosevelt, le président
des USA, jusqu'à sa mort en 1945.
Rappelons que dans la mise en application pratique de cette politique,
le président des USA avait disposé en Algérie, depuis
octobre 1940, d'un chargé d'exécution : le diplomate Robert
Murphy.
Quoi qu'il en soit, lorsque Jacques Chevallier revint en Algérie,
après un long stage de formation dans les bureaux des services
de renseignements américains, ce ne pouvait être qu'avec
la qualité de correspondant de ces services.
Dans cette perspective, il mit ses nouvelles compétences au service
des indépendantistes anti-français d'Algérie. Ses
compétences, certes, mais aussi tout un équipement logistique
: les bureaux de la mairie d'Alger, ceux du secrétariat d'Etat
à la défense nationale, puis du ministère de la guerre
en 1955.
Son arabophilie exclusive connut son apothéose le 3 juillet 1962
à Alger. C'était le jour de la proclamation d'une naissance
: celle de la République algérienne. Au milieu du délire
anti-français, dopé pourrait-on dire par ce délire,
il éprouva le besoin de s'exclamer à radio-Alger : "
Je salue ma jeune patrie ".
Il est vrai qu'il n'était pas à une patrie près.
Ce n'était jamais que la troisième. Dans ce cri de foi était
consacré l'aboutissement de sa mission. Il l'a fait d'autant mieux
qu'il était entouré de toute une meute d'attentistes avides
de pouvoir. Anciens progressistes, anciens syndicalistes, quelques opportunistes
de l'OAS, qui ne voulaient pas rater l'occasion de réussir grâce
à lui, une carrière politique sur le cadavre encore tout
chaud de l'Algérie française.
Plus tard, lors du procès de deux responsables de l'OAS, il intervint
à leur demande, comme témoin à décharge, pour
solliciter l'indulgence des juges envers ces hommes disposés à
le suivre dans son ralliement officiel au FLN. Lors de ces audiences judiciaires,
il ne laissa pas passer l'occasion de stigmatiser l'attitude de celui
qui avait refusé de le suivre : moi en l'occurrence.
Il condamna ma ligne de conduite parce qu'elle avait été
responsable, selon ses déclarations, de " l'égarement
" des hommes en faveur desquels il témoignait.
Pendant la guerre d'Algérie, une organisation syndicale, spécifiquement
algérienne, s'est intégrée au conflit. Il s'agit
de l'Union Générale des Travailleurs Algériens, U.G.T.A.,
dont on a voulu nous faire croire qu'elle était communiste. Une
filiale de la CGT. En réalité, il n'en était rien.
Nous l'avons affirmé dès le début de cette étude.
L'U.G.T.A. était financée et dirigée en sous-mains,
mais en toute certitude, par la C.I.S.L. dont nous avons précisé
le rôle dans le déclenchement de la guerre d'Algérie,
au début de cette étude 50/38.
Ce soutien à la subversion anti-française, se manifesta
largement de la part de la C.I.S.L. alors même qu'elle eût
connaissance de la participation des communistes à cette subversion.
Elle ne répugna pas cependant à soutenir et à faire
vivre l'U.G.T.A. dans le but espéré et surtout puéril
de faire la pige aux Soviets au moment de la victoire de nos ennemis FLN.
Il ne fallait pas vous risquer à la question suivante :
" Que faites-vous du sang français ? De nos femmes, de
nos enfants, de nos soldats massacrés ? "
Vous n'auriez obtenu que la réponse suivante :
" Mais mon cher, ce ne sont là que des péripéties
des vétilles, de toutes les manières, la question n'est
pas là ! ".
Le rôle joué par cette confédération inter-syndicale,
nous permet de mieux comprendre le rôle tenu par le député-maire
d'Alger, en faveur de la rébellion algérienne. Car il est
important de souligner avec entêtement, que l'action de la C.I.S.L.,
donc de l'U.G.T.A., s'inscrivait dans le droit fil des activités
imputables aux services de renseignements américains en Algérie.
Or, Jacques Chevallier, nous l'affirmons une fois de plus, était
lui aussi un honorable correspondant de ces mêmes services.
Ces informations nous permettent de comprendre l'argumentation spécieuse
dont Jacques Chevallier a fait usage, après l'indépendance,
pour justifier son ralliement au FLN. Il fallait, prétendait-il,
empêcher l'Algérie nouvelle, de devenir soviétique
! Il fallait interdire aux forces armées du pacte de Varsovie,
d'installer des bases militaires au sud de la Méditerranée.
Il importait donc, selon son argumentation, d'abandonner au plus vite
l'Algérie, et ne pas s'entêter à la garder française.
Dans la perspective d'atténuer le contenu de ses convictions, il
proposa à un moment donné et ouvertement, une solution fédérale.
Or, cette solution ne pouvait s'appuyer sur aucune base institutionnelle
car la France n'était pas une République Fédérale.
Cette attitude correspondait à un traquenard élaboré
pour accéder à l'indépendance.
Un double leurre fut, tout le temps, agité en Algérie
par les ennemis de la France.
Le camouflage socialo-communiste, destiné à occulter
l'identité tactique majeure ethnico-religieuse du conflit qui s'y
est déroulé. Mobiliser par le biais de ce camouflage et
grâce à lui, des appuis progressistes, des appuis socialo-communistes
français et internationaux pour le bénéfice de nos
ennemis.
Paradoxalement, pour satisfaire une autre clientèle, elle-aussi
ennemie de la France, on utilisa en même temps, le leurre du danger
soviétique. Accélérer l'indépendance de l'Algérie,
dans le but d'interdire l'implantation de la " dictature des communistes
" en Algérie, telle était la motivation alléguée.
Ainsi, prétendait-on, pour éviter l'implantation des soviets
en Algérie, il faut arrêter la guerre, en acceptant de la
perdre.... Au plus vite.
V - CHEVALLIER-FARES
ET FARES-CHEVALLIER
Si nous nous intéressons à l'activité des libéraux
d'Algérie, il ne faut pas craindre de les situer à la place
réelle qu'ils ont occupée pendant la guerre d'Algérie.
Monsieur René Galice habitait en plein centre d'Alger, rue Horace
Vernet. Dans ce même immeuble, vivaient les familles complices du
FLN, Georges et Gauteron. Dans les appartements occupés par ces
différentes personnalités, ont transité à
maintes reprises, des hommes représentant la quintessence de l'anti-France.
Abane Ramdane vint y préparer le très célèbre
Congrès de la Soummam de juillet 1956, phase déterminante
de la guerre d'Algérie.
Ferhat Abbas y prépara son départ pour l'étranger,
plus précisément pour rejoindre l'Organisation Extérieure
de la Rébellion Algérienne en 1956.
Krim Belkacem, dans ces mêmes locaux, est venu s'entretenir à
maintes reprises avec les deux précédents ainsi qu'avec
d'autres responsables du FLN de haut niveau.
Ben Khedda participa à ces réunions.
Ben M'Hidi puis Bitat se réunirent aussi dans ces appartements
en tant que responsables ou co-responsables de la ZAA. Ils y préparèrent
les attentats qui ensanglantèrent la capitale algéroise.
Pourquoi évoquer avec insistance le nom de Monsieur Galice ?
Pour la raison suivante : Galice est conseiller municipal de la ville
d'Alger. Il est même adjoint au maire. Il ne fait rien sans l'aval
de Jacques Chevallier. Nous savons, mais j'estime qu'il est utile de le
rappeler sans arrêt, que Jacques Chevallier s'est inscrit dès
la première heure, dans le camp de l'abandon de l'Algérie.
Nous avons vu comment à partir de son poste de secrétaire
d'Etat à la guerre, il prévint Ben Boulaïd, par l'intermédiaire
du sénateur Ben Chenouf, de l'opération que le commandement
français s'apprêtait à déclencher dans les
Aurès pour écraser la rébellion, au tout début
de la guerre d'Algérie. Homme des services secrets américains,
il intervint à la fin de la guerre d'Algérie avec une double
mission :
- d'une part, chanter la victoire du FLN en exprimant à maintes
reprises son arabophilie exclusive,
- d'autre part, prendre le risque de faire rester quelques centaines de
milliers de Français en Algérie, après l'indépendance.
Cette dernière attitude traduisait une volonté : celle
de " cheptéliser " le peuple pied-noir. Utiliser ce peuple
comme un effectif de choix pour le bénéfice de l'Algérie
indépendante. Peuple à qui la France devait rester interdite.
Un autre personnage du monde libéral algérois, complice
actif de Jacques Chevallier, que je tiens à nommer, est le docteur
Pierre Chaulet. Accompagné de son épouse, Claudine. L'un
et l'autre ont tenu à préciser à Abane Ramdane "
qu'ils n'étaient pas pour le FLN ", mais qu'ils étaient
" du FLN ".
Ils disposèrent, pour mener leur action anti-française au
meilleur résultat possible, de la très célèbre
villa Pouillon, située à Alger, au Clos-Salembier, sur les
Hauts d'Alger, tout près de Dar el Mahçoul. Cette villa
Pouillon a joué un rôle important dans la guerre d'Algérie,
puisqu'elle servit de lieu de résidence pour tous les complices
de Jacques Chevallier, jusqu'au mois de juillet 1962. Quelques ennemis
mortels de l'Algérie française en ont joui avec abondance,
jusqu'en 1962 inclus.
Ces libéraux, se déclaraient la plupart du temps catholiques
pratiquants, disciples de Monseigneur Duval et de Scotto. Ils nourrissaient
néanmoins une ambition. Celle d'incorporer le parti communiste
algérien à la guerre qui était menée contre
la France. Pour des raisons d'opportunité tactique, de camouflage
tactique. Pour faire croire que la guerre d'Algérie était
une guerre des pauvres contre les riches.
C'est finalement vers la fin du premier trimestre 1956, que le FLN céda
à la pression du parti communiste algérien. Ben Khedda intervint
pour l'acceptation du PCA dans le dispositif de guerre du FLN. Il rencontra
le docteur Hadjeres, dans ce même immeuble de la rue Horace Vernet
où résidait René Galice. Donc, dans des locaux occupés
par des subordonnés administratifs et politiques de Jacques Chevallier.
Le PCA fut accepté dans la guerre. On lui interdit cependant de
mettre en uvre une activité politique conforme aux théories
communistes. Hadjeres accepta ce diktat, car tels étaient les ordres
de la place du colonel Fabien,
et d'ailleurs.
Néanmoins, le PCA n'accepta pas ce rôle effacé. Il
prit une initiative dans le but d'accéder à un rang privilégié
dans le combat anti-Français.
Animés de cette volonté, les communistes se rallièrent
à une décision qui fut prise dans cet immeuble de la rue
Horace Vernet, dans l'appartement de René Galice. Ce dernier ne
souscrivait à aucune initiative, rappelons-le, sans l'accord préalable
de son patron Jacques Chevallier. Cette dernière initiative fut,
cependant, à l'origine d'un épisode dramatique de la guerre
d'Algérie.
J'évoque ici l'affaire très connue de l'aspirant Maillot.
Celui-ci était un jeune pied-noir communiste, fils de communiste.
Ayant présenté le concours d'entrée à l'école
des officiers de réserve de Cherchell, il y fut brillamment reçu.
Affecté au 504ème bataillon du train de Miliana, il exécuta
un ordre de ses chefs communistes. Un camion d'armes fut détourné
par Maillot. Quelle était la destination de ces armes ? Les stocker
à Alger ? Les expédier vers des zones opérationnelles
tout particulièrement choisies ?
On en transita une première partie dans la région de Lamartine,
dans la plaine du Chelif, au sud-ouest d'Alger. Grâce à cet
armement, un maquis rouge se constitua sur ce territoire. Il était
commandé par René Laban. C'était un instituteur communiste
qui avait servi pendant la guerre civile espagnole, dans les Brigades
Internationales.
Mais quelque chose se passa.
Quelque chose que les commentateurs de la guerre d'Algérie ne veulent
pas retenir. Ce maquis communiste fut vendu par le FLN aux forces de l'ordre
françaises. Pour les fellagas, ce qui comptait c'était l'armement.
Les roumis, communistes ou non, ils s'en foutaient complètement
! Ce maquis fit l'objet d'une localisation très rapide de la part
des effectifs du bachaga Boualem. Une opération montée par
des unités du 1er REP encercla ce maquis rouge. Mais au moment
de l'hallali, on fit appel aux soldats du 504ème bataillon du train,
à qui les armes avaient été volées. Ce sont
eux, des soldats du contingent, qui, en toute connaissance de cause, anéantirent
ce maquis communiste du FLN. Ils exécutèrent Laban et Maillot.
Il est vrai que nous étions encore en 1956. Le gaullisme "
cinquante-huitard " n'avait pas encore perverti l'esprit national.
Mais un autre usage de ces armes avait été exigé
par le FLN. Celui-ci commanda en effet d'en livrer une partie à
un chef rebelle, Khodja. Le docteur Hadjeres fut chargé de transmettre
cet ordre du FLN au jeune communiste pied-noir Maillot, au cours d'une
réunion qui se tint dans cet appartement de la rue Horace Vernet
que j'ai évoqué à maintes reprises. Un appartement,
que j'ai désigné dans un de mes livres sous le terme de
" P.C. Jacques Chevallier de la rébellion algérienne
".
Khodja était le chef d'un maquis FLN implanté dans la région
de Palestro. Il était sous les ordres de Ouamrane, qui commandait
en Kabylie. Le 17 mai 1956, Khodja monta une embuscade. Grâce à
l'armement de Maillot, il y fit tomber une section de fantassins français.
Des soldats du contingent, rappelés tout récemment, et commandés
par un officier de réserve, le sous-lieutenant Arthur. Soldats
arrivés en Algérie le 3 mai 1956.
Lors de cette embuscade, le sous-lieutenant Arthur fut tué avec
17 autres soldats français. Qu'on retrouva les yeux crevés,
la gorge tranchée, le ventre ouvert, les entrailles remplacées
par des pierres, les couilles coupées, par la populace environnante
qui, terrorisée par le FLN, s'est livrée aux horreurs que
celui-ci lui avait commandé d'accomplir sous peine de mort.
Au-delà de ce drame, au-delà de l'émotion que provoque
aujourd'hui encore l'évocation de cette tuerie du 17 mai 1956,
surgit une interrogation. Et elle est de taille !
Ces armes ont bien été transportées d'Alger à
Palestro. De quelle manière ?
Grâce à deux voitures américaines. Ces voitures furent
chargées à partir de la villa Pouillon où avait été
entreposée une partie de l'armement volé par Maillot. Une
villa affectée à l'usage du maire d'Alger, Jacques Chevallier.
Une de ces deux voitures fut conduite par Madame Chaulet en personne,
celle qui n'était pas " pour " le FLN mais " du
" FLN.
Ce drame nous permet d'illustrer la complicité très active
du monde libéral, du monde chrétien progressiste, avec les
tueurs de Français. Ils ont mis la main à la pâte
dans l'organisation de massacres de soldats, de civils français
et de civils musulmans.
Il faut cesser d'en faire des idéalistes pacifistes, des philanthropes,
des défenseurs de l'égalité. Leurs mains sont couvertes
de sang. Qu'ils cessent de pontifier à l'abri du dogme des Droits
de l'Homme, du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Qu'ils reconnaissent leur co-responsabilité dans les massacres
d'Algérie.
Nous incluons parmi ces responsables de massacres, Jacques Chevallier
en personne, au poste le plus élevé. Il disposait en effet
des moyens nécessaires pour faciliter l'action des complices progressistes
du FLN, action qui fut parfois, hélas, couronnée de succès.
Une autre personnalité est venue doubler l'action mise en uvre
par le Député-maire d'Alger, Jacques Chevallier. Il s'agit
d'Abderrahmane Farès. Ancien notaire de Coléa, ancien président
de l'assemblée algérienne. Farès faillit faire partie
du premier gouvernement constitué par le général
De Gaulle, en 1958, lorsque celui-ci occupa le poste de dernier président
du conseil de la IVème République, sous la présidence
de René Coty.
Farès demanda des instructions au FLN qui lui intima l'ordre de
refuser ce poste. Ainsi, il est bien établi que Farès n'obéissait
qu'à ses chefs FLN. Mais De Gaulle l'utilisa tout de même
comme un chargé de mission officieux, dont la fonction capitale
fut d'assurer les pré-négociations entre lui-même,
Pompidou et René Brouillet d'une part, Ferhat Abbas et le G.P.R.A.
d'autre part, après la naissance de ce dernier le 18 septembre
1958.
J'ai entendu dire par quelques naïfs, ou pseudo-naïfs, que Farès
avait gardé au fond de lui-même un sentiment " Algérie
française ", particulièrement vivace. On a même
prétendu qu'en 1962, lorsqu'il exerça les fonctions de chef
de l'Exécutif Provisoire en Algérie, il nourrissait une
vilaine rancune contre De Gaulle parce que celui-ci avait trahi l'Algérie
française. Une vilaine rancune aussi contre le FLN qui n'avait
pas voulu reconnaître ses mérites, en refusant de lui réserver
une place de choix dans le futur gouvernement algérien.
Ces rumeurs sont frappées du sceau de l'irresponsabilité
la plus infantile.
Farès a toujours été un ennemi. A partir du mois
de mars 1962, il fut animé d'une ambition pour lui-même en
se servant des autres. Il fut rappelé à l'ordre par Fouchet,
Joxe et Jacques Chevallier son camarade libéral. Mais surtout par
le FLN. Il rentra dans le rang, pour disparaître pratiquement de
la vie politique à partir du 3 juillet 1962.
Entre temps, il avait réussi quelque chose : obtenir le cessez-le-feu
de l'OAS, réclamé par Jacques Chevallier.
Alors que lui-même avait déclaré, précédemment,
que les actions de guerre de l'OAS constituaient le seul moyen de conférer
à notre organisation, un statut " d'interlocuteur valable
".
J'affirme aujourd'hui que les morts imputables à l'OAS, à
partir du vendredi Saint 1962, sont de la responsabilité du négociateur
Farès et de son interlocuteur.
Farès faisait partie de ces notables algériens qui ont su
faire du " double jeu " un trait fondamental de leur personnalité
politique.
Nous savons d'une source irréfutable, puisque c'est lui-même
qui l'a écrit, qu'il entretint des relations suivies avec des chefs
terroristes. Entendez-moi bien : je dis bien " des chefs terroristes
", je n'évoque pas ici des leaders de la Révolution
Algérienne dont l'activité restait confinée dans
le domaine des aspirations revendicatives.
Il rencontra Ouamrane dit " l'égorgeur ". Il fut en contact
répété avec le cheik des oulémas, Ibrahim
Bachir, ennemi mythique de la France. Il réussit à obtenir
une entrevue avec Larbi Ben M'Hidi, chef de la ZAA.
Il prit contact personnellement, en pleine casbah, avec Yacef Saadi et
Ali la Pointe. C'était en 1956. Qu'on ne s'y trompe pas. Ces contacts
furent mis en route à la demande de Farès lui-même.
Car il lui fallait donner des gages de sa fidélité inconditionnelle.
Donner des gages, oui, mais à qui ? A ceux qui étaient capables
de tuer ou de faire tuer.
Il leur démontra qu'il se situait bien dans leur combat. Il les
supplia de bien enregistrer qu'il était en train de trahir la France.
Il faisait allégeance à la terreur.
Nous fûmes avertis de cette attitude de Farès. Nous ? "
C'est qui
nous ? ". Un réseau anti-terroriste constitué
par mes soins à Alger en 1955. Dès 1956 nous nous mîmes
en chasse de Farès. Il fut averti. On le mit donc à l'abri
dans la capitale française.
Il mit son séjour parisien à profit pour rencontrer de nombreux
chefs FLN. En particulier Lebjaoui, qui commandait depuis peu de temps,
la Fédération de France du FLN. Mais qui était Lebjaoui
?
Quelques semaines auparavant, il était encore conseiller municipal
de la ville d'Alger. Il était très proche de Jacques Chevallier.
Nous savons aujourd'hui, de sources sûres et spécialisées,
qu'il avait organisé un véritable bureau d'appui de la ZAA,
dans les locaux même de la mairie d'Alger. C'est lui qui, de la
mairie d'Alger, alimentait en fausses cartes d'identité, les tueurs
du FLN. Il le faisait par l'intermédiaire d'un appariteur, Rabah
Adjaoui . Celui-ci était chargé de transmettre ces faux-papiers
aux opérationnels du FLN. Rabah Adjaoui transmettait aussi à
Ben M'hidi et à ses agents, les noms de fonctionnaires français
à abattre. Adjaoui fut arrêté. Mais Jacques Chevallier
réussit à le faire libérer.
Pas de chance ! Une patrouille du 9ème Zouaves, mal informée
des protections dont jouissait Rabah Adjaoui, l'a flingué rue de
la Lyre, tout près de la très célèbre rue
Porte Neuve. Il était porteur des cartes d'identité qu'il
devait livrer aux tueurs de la Casbah, permettant à ces derniers
d'évoluer dans les meilleures conditions possibles en pleine ville
d'Alger.
Lebjaoui, patron de Rabah Adjaoui fut très rapidement contraint
à la clandestinité. Il quitta Alger. Ce conseiller municipal
d'Alger, ce fonctionnaire municipal de la ville d'Alger, se vit attribuer
une fonction importante de la part du FLN, en reconnaissance des services
qu'il avait rendus à la rébellion. Il fut nommé commandant
de la Fédération de France du FLN.
Dans le cadre de cette fonction, il rencontra Farès à Paris,
dans le 17ème arrondissement rue Legendre, tout près du
Parc Monceau. Farès vint se mettre à ses ordres. Il tint
à lui confirmer sa soumission au commandement FLN.
Arriva le 13 mai 1958. De Gaulle prit le pouvoir. Farès bénéficia
alors de l'incroyable privilège d'entrer en contact personnel avec
le général De Gaulle. Celui-ci en fit un chargé de
mission clandestin. Un officier de liaison entre lui-même et Ferhat
Abbas. Cependant, toujours prudent, Farès se lança dans
une entreprise permanente de nouveaux contacts avec les leaders du FLN
qui séjournaient en Europe. Car, comme à Alger, il lui fallait
donner des gages de fidélité. C'est ainsi qu'il rencontra
Ben Tobal.
Pourquoi cette débauche de rencontres de la part d'un homme
qui, plus tard, exerça les fonctions de chef de l'Exécutif
Provisoire ?
Parce que Farès avait la trouille. Il craignait de connaître
la même mésaventure tragique qu'a connue Benabyles. Celui-ci,
député élu sur une liste " Algérie française
", comprit, au lendemain du discours du 16 septembre 1959, prononcé
par le général De Gaulle, que l'Algérie française
était perdue. Il retourna sa veste. Il sollicita auprès
de Ferhat Abbas, qu'il connaissait depuis longtemps, un poste au sein
du gouvernement FLN en exil. Il s'apprêtait à rejoindre le
GPRA pour y occuper de nouvelles fonctions. Benabyles fut intercepté
dans l'Allier et tué.
Tué, par qui ?
On a voulu imputer cette liquidation aux services secrets français,
qui auraient voulu le punir de cette volte-face.
Le général Jacquin est formel et affirme en substance :
" C'est faux. C'est Ben Tobal qui l'a fait flinguer par un tueur
FLN qui, après l'opération, reste caché en France
".
Caché en France ? Mais où donc ?
Jacquin est précis :
" A Lyon, chez le primat des Gaulles, tout près de l'archevêché
".
Pourquoi l'exécution d'un homme d'une telle valeur ? Parce
que le colonel Ben Tobal a pris ombrage de ces fonctions importantes qui
commençaient à être attribuées à des
transfuges de l'Algérie française. Les places, c'était
pour les combattants des premiers jours ! Et non pour des renégats
de l'Algérie française, opportunistes et ambitieux.
Farès, dans le souci de bien montrer où étaient ses
complices, n'hésita pas à rencontrer Blachette à
l'hôtel Georges V à Paris. Nous savons qui est Blachette,
" faux mentor " et " véritable instrument de Jacques
Chevallier ".
Les promoteurs gaullistes de la nouvelle carrière de Farès,
s'inquiétèrent du sort qui pouvait être réservé
à celui-ci. Ce pion fondamental de la liquidation de l'Algérie
qu'était devenu Farès et dont de Gaulle voulait faire un
usage rentable, devait être protégé à tout
prix.
" Ils ne vont tout de même pas nous le tuer celui-là
aussi ! "
Mais comment assurer la protection de Farès. C'est tout simple.
On le fout en taule. On lui signifie, sans rire, une inculpation bidon
" d'atteinte à la sûreté intérieure de
l'Etat ". Dès le cessez-le-feu, Farès sort de la prison
de Fresnes. On le conduit d'urgence à l'Elysée. Il est reçu
par De Gaulle qui l'accueille en ces termes :
" Alors, mon cher président, bien reposé ? "
Voilà comment Farès réussit à survivre au
danger qui le menaçait. Il pourra exercer ses talents faits de
duplicité et de roublardise à Alger, lorsqu'il occupera
les fonctions de président de l'Exécutif Provisoire. En
accord total avec Jacques Chevallier
et les sous-ordres de celui-ci
récemment recrutés pour mener à son terme, enfin,
la mort de l'Algérie française.
VI - OU ME SITUER DANS " TOUT CA " ?
Dans ce fragment d'étude qui va suivre, j'éprouve la nécessité
de faire intervenir un personnage que vous avez peut-être rencontré
dans mes deuxième et troisième livres. Il s'agit d'un colonel
des services spéciaux espagnols.
J'ai tenu et je tiens encore à occulter sa véritable identité.
Il m'a informé, au fil des années, de quelques dessous "
noirs " du rôle joué par l'Espagne franquiste, dans
les évènements que nous avons connus en Algérie.
Pendant longtemps, il s'était considéré redevable
à mon père d'un appui que celui-ci lui avait apporté
en 1936. Phalangiste militant, Antonio Mun?oz Cabanillas, avait fui la
zone rouge valencienne au tout début de la guerre civile espagnole.
Il avait rejoint Alger, où il fut pris en compte, par erreur, par
des rouges espagnols d'Alger, qui pensaient avoir affaire à un
militant dont l'ambition était de rejoindre la catalogne que les
rouges tenaient entre leurs mains, depuis le fiasco du coup de force tenté
par le général Goded .
Etudiant en " lettres et philosophie ", Antonio s'exprimait
dans un français excellent. Il réussit à donner le
change à ceux qui l'accueillaient. Or, l'un d'entre eux, personnalité
rouge très importante de Bab-El-Oued était le frère
de ma grand-mère, l'oncle de mon père donc, Manuel Escobedo
Pla.
Quand celui-ci éprouvait une difficulté pour accorder son
aide à un réfugié, il avait le plus souvent recours
à son neveu, mon père, pour trouver les solutions adéquates
qui allaient permettre à ces réfugiés de vivre dans
les meilleures conditions possibles, à Alger.
Mon père, citoyen français par la naissance et surtout
par choix effectué en 1916, était un franquiste enthousiaste.
Il réussit, après avoir détecté les véritables
convictions politiques d'Antonio Mun?oz Cabanillas, à le faire
prendre en charge par un réseau de soutien de Bab-El-Oued. Antonio
fut acheminé vers l'Oranie puis le Maroc espagnol. Il rejoignit
les troupes franquistes du général Yagüe, qui opéraient
dans le sud de l'Espagne à cette époque. Il devint officier
très rapidement et participa à la guerre civile du début
à la fin.
Sa connaissance de la langue française en fit l'objet d'un recrutement
de choix pour les services spéciaux espagnols. Il devint un officier
de la célèbre Segunda bis. Il participa au noyautage de
tous les réseaux de refugiés communistes qui vivaient en
Afrique du Nord. Ceux-ci furent pris en mains par des officiers de renseignements
espagnols qui se faisaient passer eux-mêmes pour des réfugiés
rouges. Ils recrutaient ainsi des agents parmi les rouges espagnols d'Algérie,
qui, contre une promesse d'amnistie, se livraient à des activités
pour le compte des services spéciaux espagnols.
Pendant la guerre d'Algérie, " ces rouges espagnols "
intervinrent donc bien en faveur du FLN. Mais, par dessus tout, et cela
nous l'ignorions, ils agissaient dans le cadre des recherches et opérations
mises en uvre par les services spéciaux franquistes.
Si cet aspect de notre histoire vous intéresse, je vous invite
à prendre connaissance de mes livres " Debout dans ma mémoire
" et " Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre
d'Algérie ". J'y explique, en particulier, comment cet officier
m'avait détecté comme le fils de celui qui lui avait apporté
un concours décisif en 1936 à Alger, à travers les
différents rôles que j'ai tenus dans l'action anti-terroriste
de 1955 à 1962.
Il n'avait jamais repris contact avec mon géniteur, qui l'avait
oublié. Et lorsque je rejoignis l'Espagne, au mois de juin 1962,
il prit l'initiative d'un contact avec moi, dans l'espoir de s'affranchir,
si possible, de la dette qu'il avait contractée vis-à-vis
de mon père.
Je l'ai revu à Madrid en 1993. Il souffrait d'un cancer arrivé
à la phase terminale. Il avait manifesté la nécessité
de me voir. Comme s'il voulait me transmettre un testament avant son départ
dans l'autre monde. Ce fut une rencontre de quelques jours, très
riche en un enseignement que je tiens à partager avec vous.
Jusqu'à nouvel ordre, je donne la parole à Antonio Mun?oz
Cabanillas, qui s'exprima ainsi :
" J'ai remarqué dans tes ouvrages, que tu évoques
avec abondance, le martyre de Ramon LLULL, ce génie du XIIIème
et XIV siècle, qui avait proposé un dialogue entre le Judaïsme,
le Christianisme et l'Islam. Il a été lapidé dans
ta ville natale de Bougie, au début du XIVème siècle,
parce qu'il proposait le recours à la " sagesse unitaire de
Dieu " pour parvenir à une convivialité spirituelle
nécessaire à la paix du monde.
Cinq siècles plus tard, en 1830, la France a pris pied en Algérie.
Puis survint l'abandon.
Tu sais qu'à cette époque, j'étais astreint au devoir
d'obéissance inhérent à tout militaire.
Aujourd'hui, avant mon départ définitif de ce pauvre monde,
je tiens à te dire que nous, Espagnols, nous nous sommes trompés.
Notre crétinisme, notre trahison même furent de ne pas voir
dans la bataille de l'OAS, un combat ultime pour la défense d'une
position chrétienne et occidentale en Afrique du Nord. Les combattants
de l'OAS, en voulant maintenir cette tête de pont de la France et
de l'Europe qui s'enfonçait jusqu'au fin fond du Sahara, se battaient
en réalité pour la Liberté.
La liberté du christianisme et aussi, paradoxalement, la liberté
de l'Islam.
Ces deux religions, en effet, auraient pu trouver là-bas, enfin!,
l'occasion de créer et de consolider pour les temps à venir,
un " vivre ensemble " qui aurait été élaboré
à partir d'une victoire.
Sur un territoire où le génie français, aidé
du génie européen, aurait conféré à
ces deux cultes, la possibilité d'un " avenir géant
", comme on le dit aujourd'hui.
Un avenir qui se serait construit grâce à la paix et la liberté
françaises. C'était le but du combat que tu as mené,
avec d'autres trop peu nombreux hélas.
Voilà pourquoi je suis fier de t'avoir chez moi et pourquoi je
te remercie encore de ton amitié.
Vous avez perdu l'Algérie. C'est vrai. Malgré les victoires
indiscutables de son armée, la France s'est mise en situation de
vaincu historique, vis-à-vis des pays du Maghreb.
Cette défaite, c'est toute l'Europe qui devra néanmoins
l'assumer. L'Europe ! Cette petite presqu'île occidentale, cernée,
depuis la mort de l'Algérie française, par le fanatisme
religieux. L'Europe, infectée, viciée, gangrénée
par l'horrible virus de l'irresponsabilité.
Mais je te le dis, parce que c'est ma conviction, le peuple pied-noir
que tu évoques tout le temps comme le peuple oublié, a gagné
la France.
C'est à lui qu'appartient l'obligation du nouveau combat qu'il
faudra mener : ne pas subir demain la loi des fanatismes.
Tu connais, car tu l'as expérimentée à tes dépens,
la rigueur de notre police espagnole. Ainsi que l'efficacité de
nos services spéciaux. Tu te souviens qu'en 1960, l'Espagne franquiste
soutenait à fond le FLN. En particulier, le président du
GPRA, Ferhat Abbas. En réalité le soutien espagnol s'était
manifesté dès le début de la guerre d'Algérie.
Un de mes chefs, le général Garcia Valin?o, au nom du général
Franco, a rencontré Ferhat Abbas. Cet officier avait réceptionné
à maintes reprises les armes destinées aux rebelles algériens.
C'était sur les plages de Tétouan et de Nador. Elles étaient
véhiculées par la suite en Algérie, par la frontière
algéro-marocaine.
A la même époque, toutes les facilités furent accordées
aux chefs FLN de circuler et de séjourner dans notre pays. De comploter
contre la France à partir de l'Espagne. En particulier Yazid, qui
semble avoir été, à un moment donné, le préféré
du gouvernement franquiste.
Tu rappelles souvent, dans tes écrits, qu'au tout début
de l'été 1958, la ville de Barcelone avait été
choisie par Pompidou. Bien avant le retour au pouvoir du général
De Gaulle. Pompidou fut le premier chef de cabinet du général,
en particulier lorsque celui-ci devint le dernier président du
conseil de la IVème République.
Barcelone, choisie, pourquoi ?
Pour y entamer des négociations avec l'Organisation Extérieure
de la rébellion algérienne. Les historiens évoquent
trop peu ce projet, parce qu'il démontre qu'il existait un accord,
bien avant 1958, entre De Gaulle et Ferhat Abbas. Un document fait foi
de cette réalité : c'est le célèbre document
Pompidou.
Barcelone fut donc choisie pour y rechercher les moyens d'aboutir à
un cessez-le-feu en Algérie. Le gouvernement espagnol avait donné
son assentiment. Il s'était porté garant de la sécurité
personnelle des représentants du FLN qui auraient participé
à ces négociations car, évidemment, chez mes confrères
gaulois, nombreux étaient ceux qui ne voulaient pas souscrire à
ce qu'ils considéraient comme une capitulation.
Aujourd'hui je les comprends !
Pour les organisateurs franquistes de ces négociations, il fallait
empêcher à tout prix, le déroulement d'une opération
identique à celle que ces mêmes services français
avaient montée le 22 octobre 1956. Quand fut organisée l'affaire
de l'avion dévié sur Alger, dans lequel voyageaient Ben
Bella, Kidder, Aït Hamed, Boudiaf, c'est-à-dire une brochette
représentative de personnalités révolutionnaires
algériennes.
Tout cela démontre, et tu ne l'ignore pas, qu'en 1960, il n'était
pas question pour le gouvernement espagnol de soutenir les partisans de
l'Algérie française. A plus forte raison, de s'incorporer,
plus ou moins officieusement, à un complot contre le général
De Gaulle.
Les partisans de l'Algérie française ont entrepris, cependant
et en plusieurs occasions, un travail d'approche auprès du gouvernement
franquiste. Ils le faisaient au nom de l'anti-communisme. Mais tu le sais,
peut-être mieux que les autres : le danger communiste était
un leurre en Algérie. Nous savions que la motivation fondamentale
de la guerre d'Algérie, était raciste et religieuse. Raciste
" arabe " et " islamiste-fondamentaliste ".
Nous avions, nous aussi, dans l'oreille, le message du Cheik Ibrahim
Bachir, président de l'association des oulémas d'Algérie.
Il avait proclamé que le combat était engagé pour
" le triomphe de l'arabisme et de l'Islam ".
J'ai noté avec quelle vigueur tu insistes sur ce fait historique
que l'on s'attache à occulter aujourd'hui . Avec une constance
qui en dit long sur son importance.
Cependant, il n'était pas question, pour nous, les services secrets,
de neutraliser les partisans de l'Algérie française. Ceux
qui faisaient le siège de certains hommes influents du franquisme.
Il fallait au contraire, les circonvenir, les contrôler, bref les
rouler.
Parmi ces partisans affirmés de l'Algérie française,
se comptaient des " purs ", des hommes sincères pour
lesquels j'éprouvais beaucoup de sympathie. Mais certains d'entre
eux, une minorité, étaient parfaitement informés
du camp choisi par le gouvernement franquiste.
Cette connaissance qu'ils avaient de la réalité, permet
d'affirmer qu'ils se soumettaient de facto au gouvernement français
par Franco interposé.
En 1960, le général Salan s'est replié en Espagne.
Il fut l'objet de contacts de la part de notre gouvernement. Car il nous
fallait évaluer ses intentions et surtout ses moyens d'action.
Nous nous sommes aperçus que, jusqu'au procès des barricades,
il ne disposait de rien. Quelques contacts à Paris, au Pays basque
ainsi que dans le sud-ouest de la France, à Bayonne, à Libourne,
tout particulièrement. Voilà ce qu'étaient à
cette époque les " biscuits " du général
Salan.
Auprès de lui séjournait ce que j'appelle " un poisson
pilote ", Ferrandi. Un homme très fin, très cultivé,
brillamment intelligent. Lui, n'était pas dupe de l'orientation
prise par le gouvernement espagnol dans le conflit algérien. C'était
par excellence, un homme de cabinet. Il fut l'objet de nos contacts, dont
la police de renseignements généraux française fut
évidemment informée par nos soins. Ferrandi ne pouvait pas
l'ignorer, compte tenu de sa finesse politique.
Quand arrivèrent les autres, Lagaillarde tout d'abord puis Susini,
Feral, Demarquet et Ronda, nous nous sommes interrogés. Qui, parmi
ces nouveaux arrivants, allaient se brancher sur Salan et sur Ferrandi
? C'est-à-dire, à son insu, sur les services français.
Lagaillarde ? Certainement pas, car il aspirait à être le
chef et n'acceptait pas de bonne grâce une éventuelle subordination
à Salan.
Feral, Ronda ? C'était des militants sincères, courageux,
des purs. Des hommes sur lesquels nous avions les meilleurs renseignements.
Demarquet ? Un fonceur, au profil caractéristique de " bon
soldat ". Un pur.
Susini ? Il n'eut de cesse que de séduire Ferrandi d'abord et Salan
ensuite. Celui-ci va tomber sous son charme. Il va se laisser littéralement
envoûter. Ces hommes vont bénéficier rapidement d'un
contact privilégié auprès de celui qui jouera le
rôle officieux, mais ô combien réel, de notre honorable
correspondant auprès des activistes de l'Algérie française.
J'évoque don Ramon Serrano Suner, le propre beau-frère du
général Franco.
Don Ramon était indiscutablement fidèle au général
Franco. Jamais il n'aurait accepté de s'engager dans un parti qui
irait à l'encontre de la politique algérienne du chef de
l'Etat espagnol. Les franquistes ne trahissaient pas Franco, de son vivant.
Ne trahissaient pas la politique de Franco. Serrano Suner, moins que les
autres. Il s'est contenté d'offrir un concours dosé, contrôlé
sur instructions, à ceux qui allaient comploter contre De Gaulle.
Mais Serrano Suner se prêtait à ce jeu avec un immense plaisir.
Car il était violemment anti-gaulliste et cette pseudo conjuration
lui permettait de se livrer à de violentes critiques verbales contre
le général De Gaulle, qu'il détestait.
Sur instructions donc, il a apporta son concours à Salan et à
ceux qui gravitaient autour de lui. Il leur a fait connaître des
militants phalangistes, que toi-même a connus par la suite et que
tu as fréquentés dans leur intimité pendant plusieurs
années.
Ces hommes étaient sincères. Ils n'étaient pas du
tout informés des secrets de la diplomatie espagnole. Ils étaient
vos partisans, parce qu'ils vous identifiaient aux fils spirituels de
Pelayo qui, à partir de Covadonga, a déclenché le
combat conquérant de l'Espagne contre les Maures dès le
début du VIIIème siècle.
Le départ du général Salan pour Alger en avril 1961,
après le début du putsch d'Alger, ne s'est pas opéré
à l'insu de nos services. Nous contrôlions tout. Les instructions
étaient de laisser filer le général Salan. Le gouvernement
du général De Gaulle, évidemment averti, ne nous
a pas tenu rigueur du départ de Salan. Car son action après
le putsch, dont tout le monde savait qu'il allait échouer, aurait
été peut-être plus gênante pour les gaullistes
à partir de l'Espagne ou du Portugal, dans l'éventualité
où Salan serait resté ici.
Je soupçonne que la compréhension des gaullistes à
l'égard de l'Espagne en 1961, était motivée par un
espoir qu'ils nourrissaient à cette époque. Celui d'une
opposition entre Challe et Salan. Une opposition qui allait accélérer
la déstabilisation de ce putsch qui partait d'un très mauvais
pied. Il fallait conserver le ver dans le fruit. En l'occurrence Ferrandi,
le " poisson pilote " du général Salan.
Tu as dit récemment que l'OAS avait été l'objet d'une
tentative de noyautage. Je préfère dire qu'elle a été
fréquentée par des hommes qui allaient se vanter plus tard,
d'avoir joué un double jeu.
Aujourd'hui, en 1993, nous n'en sommes plus très loin. Pour obtenir
le droit de devenir éventuellement des hommes publics, il leur
faudra soutenir qu'ils étaient à l'OAS pour la freiner,
la contrôler, l'empêcher d'aller trop loin.
Tes dispositions naturelles à la violence, ton intransigeance doctrinale,
ton refus de t'inclure dans une formation politique, la pureté
de tes convictions, feront de toi un gêneur. Eventuellement, un
homme à abattre. En tout cas, un homme à salir, à
démolir, après le 26 avril 1961.
Chose curieuse, tu as tenu bon, comme un roc au sein d'une organisation
faisandée au départ. Une organisation qui finalement, résista
contre l'adversité, au-delà des délais prévus.
Une organisation qui, pendant 90 % de son temps de vie, a résisté
au reniement. Je suis certain que, grâce à tes appuis populaires,
à ces hommes qui se sont mis à tes ordres, à ces
hommes qui auraient tué n'importe qui pour toi, tu es devenu intouchable.
Les autres se sont méfiés de toi et finalement, ils t'ont
ménagé. Puis ils t'ont obéi, quoi qu'ils en disent
aujourd'hui, quoi qu'ils disent éventuellement plus tard, pour
un grand nombre d'entre eux.
Crois-moi, à la lecture du " Sang d'Algérie "
je comprends à quel point tu as su manuvrer à la fin,
lorsque tu t'es rendu compte que tout était perdu.
Tu as accepté un contact que des Kabyles avaient demandé
à des agents du BCR, à partir de la zone d'implantation
de la Wilaya III. Ces kabyles ne voulaient pas de Ben Bella qui était
l'homme choisi par le gouvernement français pour prendre le pouvoir
en Algérie, après le référendum qui allait
consacrer l'indépendance du pays.
Tu as donc demandé à Susini, le samedi de Pâques,
c'est-à-dire le lendemain de l'arrestation du général
Salan, dans l'appartement d'un chirurgien de tes amis situé au
Boulevard Saint-Saëns à Alger, d'engager des négociations
avec Farès.
C'est-à-dire que tu t'es finalement incorporé à des
négociations qui allaient bon train depuis longtemps entre une
aile de l'OAS et le pouvoir exécutif algérien provisoire.
Des négociations qui allaient bon train entre l'ancien maire
d'Alger, Jacques Chevallier et cette même aile de l'OAS qui était
en contact avec Farès.
Au sein des deltas Chevallier était représenté par
un de ses hommes de confiance, Caruana. Par ailleurs, Chevallier était
représenté dans une autre branche importante de l'OAS, par
le neveu de l'ancien maire de Blida, partisan de la politique d'abandon
prônée par Jacques Chevallier. Tu savais tout cela. Tu l'as
toléré, tu me l'as maintes fois précisé, pour
des raisons rigoureusement pratiques et surtout sentimentales : éviter
par tous les moyens un massacre des Pieds-Noirs.
J'imagine aujourd'hui le soulagement de ceux qui ont reçu ton aval.
Ils n'avaient pas osé te le demander auparavant. Ils se méfiaient
de tes réactions expéditives. Ce qu'ils ignoraient, c'est
que ton aval avait pour objet d'éviter par tous les moyens, je
le répète en insistant, le génocide des Français
d'Algérie".
Antonio s'arrête de parler. Il reprend son souffle. Je le perçois
très éprouvé par l'interprétation qu'il me
donne de ce qu'il croit avoir compris de notre combat. En réalité,
il m'offre son récit comme un gage d'adhésion, une adhésion,
déjà posthume, à notre lutte. C'est son cadeau d'agonie.
Son exposé m'a néanmoins replongé dans ce passé
encore tout riche de son contenu douloureux, tragique. De sa vitalité
pleine de doutes, pleine de sang.
Effectivement Jacques Chevallier était présent dans notre
structure de combat. Le Journal d'Alger, son quotidien, dont il assumait
la publication avec Blachette, côtoyait l'un d'entre nous, dont
nous pensions qu'il était un frère d'armes, par l'intermédiaire
du rédacteur en chef de ce même quotidien.
Dès le mois d'octobre 1961, Susini, Degueldre et Caruana avaient
rencontré l'ancien maire d'Alger, dans sa magnifique villa du Balcon
Saint-Raphaël à El-Biar. Caruana était l'émissaire
constant de Jacques Chevallier. En réalité, ce qui fut fomenté,
c'était une tentative de putsch à l'intérieur de
l'OAS. Dont je n'ignorais rien. Ce qui m'a conduit, nécessairement
à structurer ma prudence. Organiser un appareil de surveillance
à l'intérieur de l'OAS. Ne confier ma sécurité
à personne d'autres qu'aux miens.
Surveiller et contrôler tous les autres et surtout, ne dénoncer
personne. Eviter une épreuve de force. Patienter. Attendre que
la logique, sans parler de l'honneur et de la fidélité,
puis de la camaraderie et de l'estime, inspirent à nouveau ces
imprudents comploteurs.
En quelques semaines, bien avant l'été 1961, tout finit
par s'arranger avec Degueldre. Caruana me dira plus tard à Paris,
en 1972, devant témoins, que Degueldre s'était rendu à
contrecur à cette réunion d'octobre 1961 avec Jacques
Chevallier. Finalement, Roger accepta son rôle dans l'ORO , au poste
qui lui avait été attribué. Parce que l'appareil
dont j'avais la responsabilité, fonctionnait remarquablement.
Tous les jours nous mettions au point nos directives opérationnelles.
Et tout a évolué normalement, jusqu'à son arrestation
comme je l'ai relaté dans une étude récente.
Antonio, après avoir dominé son essoufflement, reprend
son récit. Il veut me raconter l'OAS. Il veut me faire sentir qu'il
est devenu un partisan de l'OAS. Et le vieux guerrier se remet à
parler.
" Ces négociations entre le FLN, les gaullistes, Jacques
Chevallier et une fraction de l'OAS, ont pris rapidement une orientation
radicalement opposée à celle que tu espérais. C'était
un ralliement à Ferhat Abbas, à Fouchet et à Joxe.
Avec Farès, qui n'avait fait que reprendre son rôle d'officier
de liaison auprès du général De Gaulle, comme il
l'avait fait en 1958, pendant l'été, entre De Gaulle et
Ferhat Abbas.
Lorsque tu as été informé de cet aspect des tractations
engagées, du risque que l'on s'apprêtait à faire courir
au peuple pied-noir, tu as manifesté des réserves. Car ce
que voulaient les négociateurs, se résumait dans la volonté
de faire rester en Algérie le maximum de Pieds-Noirs. C'était
prévu dans les accords d'Evian.
Tu étais sur la réserve. Tu as réuni tes fidèles
pour connaître leur avis. Et c'est alors que l'on t'a coupé
l'herbe sous les pieds, par le cessez-le-feu des Deltas. Cessez-le-feu
décidé à la demande de Jacques Chevallier.
Le reste des combattants n'étaient pas encore disposés
à se soumettre à ce qu'ils considéraient comme une
capitulation. Tu as été soumis de leur part à de
fortes pressions pour contrecarrer ce plan. Si tu réagissais dans
leur sens, cela faisait de toi une brute, un jusqu'au boutiste, un fanatique
inconséquent.
Tu n'es pas tombé dans ce piège.
Tu as réussi à leur faire entendre raison. Tu as rédigé
ton ordre du jour et tu es parti car ta mort devenait dès lors
une nécessité. D'autant plus que Farès n'ignorait
pas qu'en 1956, tu lui avais donné la chasse.
A cause de cette interruption opérationnelle, plus aucun moyen
n'existait pour protéger les Pieds-Noirs contre les massacres et
les enlèvements.
Le cessez-le-feu de l'OAS allait révéler une vérité
qui jusque là était encore remarquablement occultée.
Celle de sa faiblesse. Celle du bluff qu'elle représentait. Bluff
nécessaire à la protection des Français d'Algérie.
Il aurait fallu que se constituât cette force locale européenne,
armée en guerre dont tu avais exigé la création,
comme préalable à ton accord aux négociations qui
étaient engagées.
On t'a laissé croire que c'était possible, que c'était
raisonnable
et puis plus rien.
Tu as donc bien fait de ne rien tenter. Ne te reproche rien. Je conçois
que ce drame te ronge encore. Tu avais prévu en effet un dernier
combat. Tu aurais voulu mettre en pratique, si possible, cette maxime
de Duguesclin " Mieux vaut terre brûlée que sol abandonné
". Mais tu as fait le constat d'une insuffisance de moyens pour l'accomplissement
de ce projet.
A cause de toi, je me suis intéressé comme le spécialiste
que je suis, à la vie de l'OAS. De toutes les organisations clandestines
que j'ai pu connaître, il n'en existe aucune qui n'ait été
autant trahie de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle j'exprime
mon admiration pour la vigueur des combattants que tu commandais, qui
malgré la trahison ont résisté pendant 15 mois. Alors
que le monde entier était contre vous, à l'exception du
Portugal.
Il n'en reste pas moins vrai que le combat de l'OAS restera le dernier
combat qui fut mené contre les Maures, un combat trahi par la chrétienté
et tous les autres.
A quelques jours de la mort, je voudrais répéter ce que
je t'ai déjà dit : " le peuple pied-noir auquel tu
as tout sacrifié, était trop civilisé pour cette
guerre ".
Il aurait fallu vous comporter en véritables sauvages dès
le début de la guerre, car c'était à une guerre de
sauvages que vous étiez confrontés. Ou alors, il fallait
partir.
Je te dis aujourd'hui, que tu as bien fait de faire ce que tu as fait,
car il n'y a pas de pire individu que celui qui refuse de défendre
sa Terre, sa Patrie, sa Nation.
Nous allons nous dire adieu. Je t'expédierai certainement un courrier
avant ma mort pour te soumettre des questions auxquelles tu devras répondre
dans l'espace de temps qui te conviendra pour le triomphe de la vérité.
Je tiens à affirmer que nous, Espagnols, franquistes ou non,
communistes, socialistes, anarchistes ou séparatistes, en ayant
refusé de soutenir l'Algérie française, nous avons
renié Covadonga. Notre merveilleuse épopée de Govadonga.
Nous avons trahi le message de Pelayo. Car nous nous sommes dérobés
au combat contre les Maures.
C'est là que se situe la vérité.
Tout le reste n'est que littérature politique, économique
ou philosophique. Nous avons déserté la bataille du XXème
siècle contre les Maures "
VII - CONCLUSIONS
Je ne suis victime d'aucun état d'âme particulier. Enrichir,
éventuellement, votre information, tel est le but de cette rédaction.
Mes angoisses et mes espérances, mes doutes parfois, ne constituent
pas, loin de là, des sujets à développer publiquement.
Je me suis engagé dans cette bataille dès 1955 et les
nécessités de son déroulement m'ont projeté
finalement à un poste décisionnaire de tout premier ordre.
Le comportement désinvolte parfois de quelques-uns parmi nos opérationnels,
qui ne semblaient pas tous informés du niveau historique de la
cause qu'ils défendaient, le comportement critique et chauvin de
quelques militants éloignés d'Alger à l'égard
du commandement central, ont fragilisé certainement notre appareil
de combat.
Ces insuffisances ont ouvert la voie à quelques comploteurs pour
développer leur jeu personnel. Ne pas rater l'occasion d'être
détectés comme ce qu'ils croyaient être : des individus
capables de tenir un rôle de dimension internationale. Fabriquer
un prestige qui allait les placer tout le temps à un poste privilégié
dans le mercenariat politique, tel était le motif réel de
leur participation à l'OAS.
Degueldre fut le premier à être tombé, pendant
un laps de temps court, très court, entre les mains de ces intrigants
perpétuels. Il lui a fallu quelques semaines pour s'en extirper
et pour apprécier à sa juste valeur, l'attitude de ceux,
les plus nombreux, qui n'étaient animés que de cette ambition
:
Algérie française.
Degueldre avait jugé et apprécié la vigueur et
la discipline avec lesquelles j'organisais l'ORO. Il savait que je ne
poursuivais aucune perspective de carrière. Sauver cette terre
africaine française, c'était mon but. Ma passion. Ma seule
passion.
J'ai assumé des décisions terribles que je ne renie pas.
J'ai eu, sous mes ordres, des hommes de toutes origines politiques et
sociales, de niveaux intellectuels différents qui m'ont écouté.
Je n'ai jamais accepté d'être contrôlé par un
homme politique. J'ai été très attentif à
protéger l'appareil que je commandais contre une prise en mains
extérieure, à l'initiative d'une structure qui ne serait
pas en harmonie avec notre but de guerre : la victoire pour l'Algérie
française.
Aujourd'hui, je n'éprouve aucun scrupule à dire que
j'accorde un grand intérêt à tout travail historique
consacré à la gloire de nos ennemis les plus féroces
: Krim Belkacem, Ben Tobal, Khodja
parmi beaucoup d'autres.
Je comprends que nos ennemis éprouvent la nécessité
de glorifier ceux qui se révélèrent parmi les plus
déterminés à tuer la France Sud-Méditerranéenne.
Cependant, il m'est difficile d'accepter l'attitude suivante : l'éloge
ou plutôt la sanctification des traîtres à la patrie
française, prononcée par quelques anciens parmi les nôtres.
Traîtres qui ont obéi aux ambitions géo-politico-économiques
d'une fraction perverse, inculte et mal informée, pour ne pas dire
ignare, du capitalisme financier moderne. Traîtres qui ont apporté
un concours opérationnel majeur à l'action de nos ennemis
les plus déterminés.
Je n'accuse pas Jacques Chevallier et ses partisans de désertion
devant l'ennemi.
Je les accuse, et l'ancien ministre de la guerre député-maire
d'Alger en tout premier lieu, d'avoir renforcé en moyens de guerre,
ceux qui tuaient nos soldats, nos femmes et nos enfants. De les avoir
enrichis en renseignements, en soutien logistique, en armement et en moyens
de propagande nationale et internationale.
Je les accuse d'être intervenus dans cette guerre dans le camp de
nos ennemis, alors que l'identité idéologique de ce conflit
était connue : car on ne peut nier que l'identité véritable
de la guerre d'Algérie était avant tout et universellement
anti-chrétienne. En analyse extrême et définitive,
c'est la Croix qui était l'objectif à abattre au sud de
la Méditerranée. Quitte pour nos ennemis à prendre
un risque opérationnel d'une importance très actuelle :
le risque de conférer une vigueur invasive, par le biais d'une
perversion orchestrée et sournoise des mentalités occidentales,
à l'arabo-islamisme fondamentaliste révolutionnaire. Arabo-islamisme
qui jouit d'un avantage inappréciable illustré par l'affirmation
suivante : il n'est pas pressé.
L'appauvrissement spirituel des esprits occidentaux définit en
effet le véritable allié opérationnel de ce nouvel
envahisseur. Il s'agit d'un vide spirituel, d'un gouffre, que l'arabo-islamisme
fondamentaliste va combler au grand dam, souvent et curieusement, de ceux-là
mêmes qui ont apporté tout leur concours à cette déliquescence
spirituelle de l'Occident.
Notre génération, celle de nos enfants, ne subiront pas
encore les effets immédiats de cette révolution arabo-islamiste.
Mais les générations futures
Tout dépend en réalité, du front que le christianisme
sera capable d'opposer grâce à une union universelle et nécessaire
des chrétiens.
Union des chrétiens, oui, mais dans quelle perspective opérationnelle
?
- faire la guerre à l'islam ?
- lancer un nouveau manifeste : " Chrétiens de tous les pays
unissez-vous " ?
Certainement pas.
Je ne confonds pas la religion musulmane d'une part et le fondamentalisme
arabo-islamiste d'autre part.
Je suis convaincu qu'une possibilité de vie harmonieuse existe
entre tous les croyants en Dieu d'une part, et entre les croyants et les
non-croyants d'autre part.
Le véritable révolutionnaire moderne s'identifiera à
celui qui saura défendre à outrance la cause de la convivialité
spirituelle universelle.
Nous ne perdons pas de vue, pour autant, les inégalités
qui existent entre les hommes à l'échelon national, continental
et universel. Des inégalités qui n'ont pas été
résolues et qui, tout au contraire, ont été aggravées
par la décolonisation. Il existe des espaces de faim
de violence
de haine
et de mort. Tels apparaissent, illustrés
avec une vigueur indubitable, les " bienfaits " de la décolonisation.
Nous vivons dans un espace impitoyablement clos. Et c'est, qu'on le veuille
ou non, à l'intérieur de cet espace clos, le globe terrestre,
que nous devons rechercher, trouver et emprunter le chemin d'accès
à l'harmonie, à la convivialité des intelligences
et des passions humaines.
En refusant de nous croiser les bras, en analysant le passé avec
les yeux bien ouverts. " Le passé, la seule vérité
humaine " . C'est lui qui nous permettra de comprendre le présent,
de prévoir l'avenir et peut-être de le contrôler.
Cette conviction m'impose, de revenir aujourd'hui encore, sur le passé
" Algérie française ". Sur la thèse historique
" Algérie française " qui mérite d'être
comprise et enseignée comme la grande idée des temps modernes.
Je précise la grande idée du siècle. Une occasion
ratée
oui, mais de quoi.
Une occasion ratée d'avoir fait de ce territoire, grâce à
la France, un espace privilégié capable de donner vie à
une convivialité inter-religieuse nécessaire à la
paix et à la survie du monde moderne.
Tous les gargouillis politiques dont nous régalent les leaders
de la Vème République, détenteurs du pouvoir, ou
d'opposants aspirant à le prendre dès que possible, n'y
changent rien. Tous sont riches, avant tout, d'un vide idéologique
abyssal. Un vide idéologique porteur d'un risque complémentaire
: celui d'être à l'origine par imprudence ou par imprévision,
d'un ou de plusieurs drames
" néoruandais ", avec
leurs montagnes de cadavres.
Revenons à l'Algérie. A l'occasion ratée
Algérie
française
La grande idée du siècle.
Oui, j'étais convaincu que l'Algérie devait rester française.
Comme je suis convaincu aujourd'hui que la France doit rester française,
que l'Europe doit devenir européenne et que l'Occident doit aspirer
à devenir occidental.
Oui j'ai affronté beaucoup de drames dans ma vie personnelle.
" Alors ? " m'a-t-on déclaré un jour " Pourquoi
n'as-tu pas fait exécuter Jacques Chevallier parmi d'autres que
tu as fait tuer et qui, sans aucun doute, étaient moins dangereux
que lui ? "
Voilà une question qu'il faut laisser sans réponse
aujourd'hui encore.
Proposer une réponse, c'est prendre le risque de révéler
au public, qui ne sait rien, mais qui juge tout et qui condamne ce qui
lui plaît, certaines ambiguïtés apparentes de comportement
opérationnel au sein de cette belle aventure que fut l'OAS.
Il est absolument sûr que l'un d'entre nous a pris contact avec
Jacques Chevallier dès le mois d'octobre 1961. Je n'éprouve
aucun plaisir à vous le confirmer une fois de plus. Si vous avez
lu ce que je viens d'écrire tout au long de cette étude
50/38, vous le savez déjà.
Alors, posons une autre question : ceux qui ont contacté, sur leur
initiative, Chevallier en 1961, au mois d'octobre, dans une villa du Balcon
Saint-Raphaël à El biar, ont-ils trahi ?
Ma réponse est nette : non, ils n'ont pas trahi, en 1961 et
au début de l'année 1962.
" Pourquoi cette indulgence de votre part ? " me rétorque-t-on.
Pour la raison suivante : ils n'ont pas trahi jusqu'au Vendredi Saint
1962. Jusqu'à cette date, ils m'ont soutenu dans les actions que
j'ai ordonnées. Ils m'ont transmis des identités d'individus
à abattre. Ils ont applaudi aux opérations dont j'assumais
hiérarchiquement la responsabilité. Ils m'ont soutenu aussi,
dans l'organisation des zones opérationnelles voisines du Grand
Alger. Ils ne m'ont pas vendu aux forces de l'ordre.
" Alors, pourquoi ont-ils exploité pour leur compte les contacts
qu'ils avaient pris avec Jacques Chevallier et à travers lui avec
Farès et beaucoup d'autres ennemis de l'Algérie française
? "
Cette dernière question est la bonne question.
A double titre.
Voici ma réponse.
- C'était tout d'abord, pour eux, le moyen de sauver leur vie
en cas de défaite envisageable de l'OAS.
- En second lieu, c'était se libérer pour conduire leur
nouvelle mission à bonne fin, de toute co-responsabilité
dans les opérations que j'ai décrites dans une étude
récente, sous la rubrique " la fureur ultime de l'OAS ".
Ce comportement leur a permis d'adopter la position suivante : "
ce n'était pas nous, c'était lui ".
Aujourd'hui certains anciens de notre combat se laissent aller à
une initiative assez difficile à accepter. Ils veulent justifier
les trahisons de Jacques Chevallier. Je ne peux les comprendre que dans
la mesure où ils ont changé d'identité. Que dans
la mesure où ils se sont ralliés à l'ennemi FLN.
C'est une raison suffisante pour refuser de dialoguer avec eux. Je suis
convaincu d'avoir plus de chances de m'entendre avec un chef FLN qu'avec
un renégat de l'Algérie française.
C'est la raison pour laquelle je crois opportun d'arrêter là
cette étude n° 50/38 que j'ai rédigée, j'insiste
encore, pour votre information.
" Sans crainte du malheur, sans espérance de gloire "
Jean-Claude PEREZ
Nice, le 18 septembre 2010
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