Etude n° 33

Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres :

" Le sang d'Algérie "
" Debout dans ma Mémoire "
" Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie "
" L'Islamisme dans la guerre d'Algérie "
" Attaques et contre-attaques "

aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX
Tel. : 01.64.65.50.23
Primatice Diffusion - distribution - 10 Rue Primatice 75013 Paris
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NOUS COMMUNIQUE SOUS LE N° 33 L'ETUDE SUIVANTE


" LE PRINTEMPS NOIR
7 avril 1962 "



7 avril 1962. Jour tragique dans l'histoire de l'O.A.S.

Je me trouve dans l'un de mes P.C., au premier étage d'un des quatre immeubles de la Robertsau, boulevard du Télemy à Alger. C'est un appartement de trois pièces, dont le vestibule d'entrée est assez spacieux. Quand on y pénètre, on remarque à gauche de la porte d'entrée, un placard très profond. Mon cousin Cavallo l'a divisé en deux parties, grâce à une cloison de contreplaqué, qu'il a peinte en blanc et contre laquelle il a disposé des étagères. De cette façon rudimentaire, est aménagée une cache, pour des armes, des documents et en cas d'urgence, pour des personnes.

Ce jour-là, et ce ne fut pas la seule fois, une cache me sauva la vie. La cache de la Robertsau. Celle-ci a sauvé aussi, et c'est important de le souligner, la liberté de quatre de mes frères d'armes. Elle aurait vraisemblablement sauvé la vie de Degueldre s'il avait pris le parti d'en faire usage.

Il est environ deux heures de l'après-midi, ce 7 avril 1962. J'ai convoqué, et j'attends plusieurs adjoints importants, pour une réunion de travail dont l'urgence est imposée par les évènements très graves des semaines précédentes :
- le siège de Bab-El-Oued,
- la fusillade de la rue d'Isly,
- l'implantation d'un maquis O.A.S. dans l'Ouarsenis,
- l'arrestation à Oran de Jouhaud, Camelin et Guillaume,
- et surtout, le " cessez-le-feu du 19 mars ".

J'attends Roger Degueldre. En temps normal, nous nous voyons chaque jour pour une séance de travail d'environ deux heures, sauf le dimanche.

Je précise que cette interruption de contact dominical n'est pas motivée par le besoin d'un repos hebdomadaire. C'est en effet pour moi, la journée idéale pour faire le point de la semaine écoulée et pour préparer les directives générales dont seront destinataires les chefs des trois sous-branches de l'O.R.O. :
- le B.A.O. (Bureau d'Action Opérationnelle) dont Degueldre est le chef,
- le B.C.R. (Bureau Central de Renseignement) dont le chef est " Lima ",
- le B.A. (Bureau d'Appui) de création récente, dirigé par Nicolas Gely.

Le dimanche est aussi l'occasion d'exceptionnelles prises de contact avec des personnalités qui, la plupart du temps, viennent de métropole.
Parmi celles-ci, Raoul Mounet, ancien de l'E.N.A., ancien sous-préfet, ancien F.T.P. , " ancien " des services spéciaux. Il était donc venu me proposer, en plus de ses propres services qui étaient déjà acquis, ceux du Colonel F., ancien patron du S.D.E.C.E. Cet officier, dont nous dirons selon l'usage, qu'il faisait partie du cadre de réserve, prétendait rejoindre l'O.A.S. au début de l'année 1962. Raoul Mounet m'était adressé par une équipe parisienne que je connaissais bien et en laquelle j'avais toute confiance. Cette proposition était donc sérieuse. J'en informai Godard qui ne s'opposa pas à une prise de contact. Mais l'affaire tourna court en raison des réticences affolées de Ferrandi et autres, qui entraînèrent une réponse évasive et finalement dilatoire de la part de Salan.

Revenons au 7 avril 1962.
J'attends aussi Nicolas Gely. C'est un ingénieur agronome, mon cadet de six mois, ancien directeur du célèbre Domaine de la Trappe. Dans le cadre de l'O.A.S., il commande le secteur du Sahel, c'est-à-dire la zone rurale située à l'ouest d'Alger, qui va bien au-delà de Zéralda. Ses compétences techniques, son remarquable sens de l'organisation m'ont conduit à lui attribuer, comme je l'ai signalé, des fonctions importantes au sein de l'O.R.O.

J'ai évoqué les noms de ces deux hommes, Gély et Degueldre, car le 5 avril 1962, ils prirent tous les deux une initiative inhabituelle. En fin d'après-midi, presque à la tombée de la nuit, ils prirent contact avec moi en utilisant une procédure d'urgence. Ils vinrent me trouver, dans cet appartement de la Robertsau, accompagnés d'un légionnaire " en cavale ". Celui-ci ne savait pas qui j'étais et personnellement, je n'ai pas voulu connaître son nom. Il avait déserté le maquis de l'Ouarsenis. Il était venu se plaindre auprès de Gely qui l'avait conduit à Degueldre. Se plaindre de quoi ? " Des revues de paquetages ", disait-il, imposées par Montagnon aux hommes du maquis.
Cette information ne me paraissait pas justifier un contact à mon échelon. Je demandai à Degueldre :
" quelle est, d'après toi, l'importance de cette information ? "
" Elle signifie que ce maquis ne tiendra pas longtemps ", répondit Degueldre.

Je lui fis savoir que nous nous tenions informés du mieux possible de l'évolution de ce maquis. Je lui demandai dans l'immédiat, de prendre les mesures, adéquates et définitives, qui s'imposaient afin que son légionnaire ne fût pas " nuisible ". La suite des évènements prouva qu'il n'en fît rien.

Une fois de plus, revenons à la réunion du 7 avril 1962.

Jacques Achard était attendu à cette réunion. Il devait présenter un rapport sur la situation du secteur Alger-Marine après l'affaire de Bab-El-Oued.

Le capitaine Mura était convoqué parce que je voulais savoir comment se déroulait son nouveau commandement dans le sous-secteur d'El-Biar-Bouzaréah.

J'avais demandé à Norbert Phal d'être aussi présent à cette réunion. Avec Serge Jourde, il dirigeait, avec compétence et efficacité, le secteur ouest-Mitidja. Ce territoire, centré sur Blida, s'étendait vers l'ouest jusqu'à la limite de la Z.O.A. (Zone Ouest Algéroise ).

Cette dernière était dirigée et organisée de main de maître par Georges Robert, alias " le Chinois ".

Je ne laisse pas passer l'occasion d'une digression et de raconter une anecdote à son sujet. Il disposait d'une fausse identité, empruntée à une personne existante dont il ignorait tout, évidemment. Grâce à des complicités municipales et administratives, il avait pu établir de faux papiers, qui offraient toutes les garanties d'authenticité. Ce qui lui permettait d'exercer son commandement en toute sécurité.

Un jour, catastrophe !

Au cours d'un contrôle de police, contrairement à toute habitude, il fut arrêté à cause de cette identité. Cette arrestation était tout à faire étrangère à son rôle de chef de zone de l'O.A.S. Il s'agissait tout simplement de l'exécution par les gendarmes départementaux, d'un mandat d'arrêt délivré par le Parquet d'Orléansville contre le véritable titulaire de l'identité qu'utilisait Georges Robert. Il s'agissait d'un escroc recherché par la police judiciaire. Georges Robert fut donc incarcéré à la prison d'Orléansville. Quand les magistrats furent informés de la véritable identité de celui qu'ils avaient mis sous mandat de dépôt, ce fut l'affolement. Mais tout fut mis en œuvre pour une levée d'écrou dans les plus courts délais.
Cette anecdote démontre l'énorme réseau de complicités que Georges avait su organiser, non seulement dans les milieux administratifs, mais aussi dans le monde judiciaire.

Enfin, le capitaine Branca était lui aussi attendu à cette réunion du 7 avril 1962.

Nous le sûmes au dernier moment, car, en principe, il devait commander notre tentative d'implantation d'un maquis dans l'Ouarsenis.

En cours de route, il donna une autre orientation à sa mission. Le bruit courait en effet que le colonel Dufour, ancien commandant du 1er R.E.P. était sur le point de rejoindre l'O.A.S. en Algérie. Cette adhésion tardive, qui s'est vérifiée quelques semaines plus tard, laissait espérer que des évènements sérieux se préparaient au sein des unités de la Légion Etrangère. Certains officiers du 1er Régiment d'Infanterie avaient fait savoir à Branca que sa présence était nécessaire à Sidi-Bel-Abbès pour entraîner l'adhésion de leur colonel à un mouvement insurrectionnel contemporain de l'opération de l'Ouarsenis. Un mouvement insurrectionnel dirigé contre l'A.L.N.

Capitaine ancien, exceptionnellement décoré, personnalité légendaire dans la Légion, Branca était tout indiqué pour prendre contact avec le colonel commandant d'armes à Sidi Bel Abbès. Il ne fut pas reçu et cette démarche fut un échec.

Cette péripétie appelle de ma part une mise au point. Il ne faut pas s'étonner qu'un responsable de l'O.A.S. pût sortir du cadre des directives reçues et pût changer de cap en cours de mission. N'oublions pas que c'était une organisation clandestine, lourde, difficile à diriger et qu'elle était l'objet d'une chasse impitoyable.
La discipline militaire, au sens strict du terme, ne pouvait lui être applicable. Dans le cadre des directives générales, un responsable pouvait prendre des initiatives. Il lui était loisible de ne pas exécuter un ordre si, une fois sur le terrain, celui-ci lui paraissait impossible à exécuter, voire tout banalement inopportun. Parfois, se présentait l'occasion d'une initiative imprévue dont le responsable avait décidé qu'elle devait être tentée. La difficulté des liaisons rendait inéluctable cette façon d'opérer.

L'absence de Branca, à la tête du commando de l'Ouarsenis était donc parfaitement légitime. D'autant plus que le capitaine Montagnon jouissait de toutes les compétences, de toues les qualités pour mener du mieux possible cette opération. Il n'aurait pas manqué de le faire, avec un résultat différent, si tout s'était déroulé comme prévu, et s'il n'avait pas été privé des appuis militaires que l'on nous avait promis de faire intervenir.

Nous sommes donc, ce 7 avril 1962, au Telemly, dans le centre d'Alger, sept présents autour d'une table rectangulaire. Dans cet appartement du 1er étage d'un immeuble de la Robertsau.

Au bout de la table, face à l'une des deux fenêtres, celui qui a convoqué la réunion et qui la dirige : moi-même.
A ma gauche, Degueldre et Norbert Phal, à ma droite Gely, Mura, Achard. En face de moi, debout, Branca : celui-ci s'asseyait rarement.

Avant d'entrer dans le détail du déroulement de cette réunion, il me paraît encore indispensable d'évoquer quelques absents. Parmi les chefs de l'O.R.O., je rappelle l'existence de celui qui était mon second, Gérard Dufour. Nous étions convenus qu'il devait se ternir à l'écart des réunions quand le nombre des participants était important. Mais il était toujours tenu informé, dans le détail, de ce qui s'y décidait et cela, dans les plus brefs délais. C'est lui en effet, qui, en cas de malheur, devait me succéder.

A propos de Gérard Dufour, voici une anecdote qui illustre d'une manière significative le drame quotidien que nous vivions.

Vers la fin de l'année 1961, une équipe de policiers métropolitains, volontaires de la lutte anti O.A.S., fut mise à la disposition du Délégué Morin. Ils formèrent une brigade qui fonctionnait à l'échelon de la Délégation. Le service de l'identité judiciaire d'Alger leur avait préparé des cartes de fonction, de forme particulière, qui leur donnaient des prérogatives de commandement sur les autres formations policières traditionnelles. Quelques heures plus tard, nous sûmes tout sur ces documents. Grâce à notre " réseau police ", il fut possible à plusieurs d'entre nous, de s'attribuer une de ces cartes, porteuses de tous les détails d'état civil concernant ces volontaires de la lutte anti O.A.S. Seule la photo différait. Chacun de ces fonctionnaires avaient en somme un double au sein de l'O.A.S. Personnellement, j'étais le double d'un fonctionnaire originaire du Mans, et pour compléter ma couverture (l'une parmi tant d'autres), je pus me faire adresser de métropole un extrait de naissance de l'officier de police dont je m'étais attribué grade et qualité. Mon second, Gérard Dufour, jouissait d'une couverture analogue.

Un jour, je vis arriver Gérard à notre séance de travail du matin. Taciturne, la mine allongée, bouche crispée, bref une sale tête pour ne pas dire une sale gueule. Le Gérard des mauvais jours.
- " ça ne va pas, lui demandais-je ?
- Pas du tout !
- Puis-je savoir ce qui cloche ?
- Je suis mort ! "
me dit-il, en lançant rageusement un quotidien sur la table.

L'explication de sa tête d'enterrement était évidente. Le policier dont il portait le nom, avait été tué la veille dans le quartier de Belcourt, alors qu'il serrait de trop près le commandement de l'O.A.S. de ce quartier. Cette opération privait donc Gérard d'une excellente couverture dont il avait appris à se servir avec beaucoup d'aisance.

Etait aussi absent, comme toujours, le chef du B.C.R., " Lima ". C'était le chef de la deuxième branche de l'O.R.O.. " Lima " était un ancien parachutiste, héros de la deuxième guerre mondiale. Il n'était point besoin de lui prescrire la prudence. Il organisait son bureau d'analyse et ses filières de renseignement de main de maître. Seuls, quelques membres peu nombreux du B.C.R. étaient clandestins. Le reste de son effectif opérationnel était constitué dans sa grande majorité, de militants clairs et non identifiés. Pour illustrer l'efficacité de Jean, voici une anecdote fort instructive.

Au mois d'avril 1962, les forces anti-O.A.S. utilisaient comme technique de contrôle le ramassage de tous les automobilistes sur un trajet donné. Tous les conducteurs et passagers étaient conduits dans des baraquements prévus à cet effet. Pendant deux jours, les identités étaient passées au peigne fin. Lima fut arrêté de cette manière, au boulevard Galliéni. Il resta deux jours entre les mains de la gendarmerie. Il s'en tira néanmoins sans encombre, comme tout bon citoyen doté de documents d'identité irréprochables. Ainsi, les forces de l'ordre avaient tenu entre leurs mains, pendant quarante huit heures, et sans le savoir, le chef du service de renseignement de toute l'O.A.S.

Je ne sais s'il est important de revenir sur le déroulement de cette réunion du 7 avril 1962. Nous étions encore sous le choc, comme la population, d'une série de coups durs d'une importance dramatique :
- la fusillade du 26 mars qui remontait à quelques jours,
- l'arrestation à Oran de Jouhaud, Camelin, Guillaume,
- surtout, le cessez-le-feu du 19 mars qui avait radicalement modifié les données du problème,
- enfin, les enlèvements d'Européens qui avaient débuté en février, devenaient de plus en plus nombreux et étaient très mal vécus par la population et par nous-mêmes.

Tout cela explique peut-être que notre vigilance ait été mise en défaut. A un moment donné, la décision fut prise de mettre fin à la réunion. Comme chaque fois, les départs s'effectuaient un par un, de dix minutes en dix minutes.

Le premier à sortir fut Achard, accompagné à la porte par l'une de nos deux hôtesses, Edmée. Celle-ci revint, secouée par un rire nerveux : " il y a deux gendarmes sur le palier, ils ont laissé passer Achard ". Il faut souligner ici le sang froid d'Achard qui ne marqua aucune surprise à la vue des deux gendarmes et qui continua son chemin avec une tranquillité impressionnante.
" Ils ne sont que deux, c'est tout ? " questionna Degueldre, en riant, mais d'un air plein de mépris.
Il n'avait rien compris. Nous non plus.

Deux secondes plus tard, il nous suffit de regarder prudemment à travers les fenêtres pour nous convaincre que nous étions cernés, le quartier étant bouclé par des véhicules de la garde mobile.

On ne peut dire qu'il y avait eu imprudence de notre part.

En effet, habituellement, chaque fois qu'un élément de gendarmerie mobile faisait mouvement, il était accompagné tout le long de son trajet de coups de sifflets avertisseurs qui partaient des fenêtres et des terrasses voisines, sur le tempo Al-gé-rie-fran-çaise. Or, cette fois, les sifflets étaient restés silencieux parce que les véhicules s'étaient approchés un par un, en catimini. Ajoutons que les évènements tragiques, que nous avons relatés plus haut, avaient atténué le mordant et l'esprit de vigilance du peuple d'Alger.
Bref, nous étions coincés. Il fallait prendre des décisions d'urgence. Les documents furent jetés dans des seaux remplis de javel pure. Les fenêtres furent ouvertes. Edmée et sa sœur Annie mirent de la musique. Pendant que la boue des documents était évacuée par la cuvette des cabinets, l'appartement était ventilé et une belle musique viennoise s'échappait par les fenêtres. Tout cela fut réalisé en quelques secondes.

Mais le geste le plus important fut l'ouverture de la cache.

On l'a souvent décrite : une fausse cloison avec une trappe à sa partie inférieure, permettant de passer en rampant. Degueldre refusa d'y entrer. Je dis bien, Degueldre refusa d'entrer avec les autres, alors que l'opération de gendarmerie n'avait pas encore commencé. Elle n'en était qu'à la mise en place de son dispositif. Il exigea d'Annie qu'elle ouvrît la porte palière et sortit.

Il n'y avait plus, cette fois de gendarmes sur le palier.
Nos hôtesses, avec beaucoup de sang froid, achevèrent le nettoyage de l'appartement. Elles changèrent de vêtements, se mirent en robe de chambre comme si elles se levaient d'une sieste. L'une d'elles fit couler un bain et elles ne cessaient de s'interpeller à voix haute, d'une pièce à l'autre. Elles furent admirables de courage et de calme.

Nous étions donc cinq dans la cache : Branca, Mura, Gely, Phal et moi-même. Il y avait encore de la place pour au moins deux personnes, même si l'exiguïté du local nous contraignait à rester debout et à réduire l'amplitude de nos respirations. Les jeunes filles, se mirent à garnir les étagères du placard de lingerie féminine et intime selon un plan d'action préalablement établi.

C'est à la sortie de l'immeuble que Degueldre fut arrêté. Nous savons que, lorsqu'il fut interpellé, jouant un rôle d'homme galant, il refusa de dire d'où il venait. Nous savons aussi qu'il fut immédiatement identifié mais qu'afin d'éviter de sa part un geste désespéré, les gendarmes firent mine de croire, avec un acquiescement bonhomme, à l'identité qu'il déclina :
- mais oui, Monsieur Esposito. Venez par ici, Monsieur Esposito ; il n'y en aura pas pour longtemps.
Et Degueldre se laissa tromper par le caractère apparemment routinier de son interpellation.

Ce n'est qu'après avoir neutralisé le chef du B.A.O. que les gendarmes commencèrent la perquisition.

En commençant … par l'appartement voisin.

C'était logique.

Le nôtre était habité. Cela se voyait, cela s'entendait, alors que l'autre appartement, avec ses volets clos et son silence absolu, pouvait paraître plus suspect. Ils fracturèrent donc la porte à grand bruit, fouillèrent l'appartement voisin et, n'y trouvant personne, se dirigèrent vers le nôtre.

Nous les entendîmes sonner et entrer dans l'appartement.

Je précise qu'à ce moment-là, je ne me sentais rien de commun avec un Bayard ou un Duguesclin, car je n'étais séparé des fossés de Vincennes ou de Montrouge, que par une simple planche de contreplaqué.

La perquisition ne donna rien et la maréchaussée s'en fut.

Je me souviens encore de l'expression de Branca : " pour eux c'est branlé ". Quand les camions et les jeeps furent partis, les jeunes filles ouvrirent le placard ; nous étions de nouveau à l'air libre. Nous apprîmes alors l'arrestation de Roger. Nous étions dans une telle série noire, que nous n'eûmes pas le temps de nous lamenter.

Voilà comment s'est déroulée dans les faits, l'arrestation de Degueldre.

A qui la faute ?

Au légionnaire qui avait été amené dans cet immeuble deux jours plus tôt. Il avait été arrêté et il avait parlé. Il avait pu localiser l'immeuble mais non l'appartement.

A Degueldre lui-même, parce qu'il refusa d'entrer dans la cache.

Aujourd'hui encore, j'ai l'intime conviction que le lieutenant Giudicelli qui dirigeait l'opération de police ne l'aurait pas cherché par tous les moyens.


Le sort qui fut le nôtre, celui des 5 rescapés et quels rescapés ! démontre que la procédure de " cache " était logique, judicieuse et intelligente, puisque je suis en mesure, aujourd'hui, de vous relater l'événement.


Jean-Claude PEREZ
Le 26 juin 2010

D'après " le Sang d'Algérie " et " Attaques et contre-attaques "
Aux Editions Dualpha
Disponibles à Primatice Diffusion

 
 
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