EXIL
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RÊVE D'ORAN
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Voici des pavés noirs qui luisent Voici l'averse froide qui tinte Et mon regard vain qui s'épuise Sur une monotonie qui suinte Et cette âme, dans le même temps, boit Jusqu'à l'horizon étendue. L'ample échine marine qui ondoie Sous le mufle puissant des nues Par myriades ces miroirs y courent Et se fondent, sous l'astre de feu, En un lac ardent que parcourt Le seul frémissement de Dieu. Entre cette pluie de mes pleurs Et l'ancien rivage qui me hante La plage déserte et blanche des heures S'étend, fragile et vigilante. Etre là aussi bien qu'ailleurs, Sous le soleil doré du naître Ou contre un mur glauque où je meurs, Est-ce le temps qui ravit mon être? |
L'odeur d'une ruelle, Défiant ma raison, Se montrant très cruelle, Evoqua ma maison. Car je courus souvent Entre d'autres murs bruns Où se coulait un vent Assez chargé d'embruns. Un rouge limon de terre Cachait mal les éclats D'un squelette de pierre Fait de pavés ingrats. Sur des portails branlants, Masquant bien mal les seuils De taudis odorants, Je reposais mon il. Au bout de mes sandales, la mousse entre les pierres, Au fond de ce dédale, Santa-Cruz sur la mer. |
PARADIS PERDU...
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Au milieu des turbans En vrais Grecs nous vivions, Puisque, au creux d'Oran, Appolon adorions ; Même si Dimanche baisions, Au doigt de Monseigneur, Pour une confirmation, Son anneau du pêcheur. Lorsque régnait l'été, Nous voguions vers Falcon Sur un glisseur ailé A l'acajou profond. Puis revenait Décembre Et chrétiens revenions Devant la crèche d'ambre Avant le Réveillon. Bientôt l'astre du jour Pour Pâques nous appelait A M'sila, comme toujours, La Mouna se rompait. Car la Résurrection Aux Andalouses, le soir, Suivait nos dévotions Aux pâles reposoirs. |
Enfin, nos élégantes,
Au mois de Mai joli, Croisaient la soie luisante De leurs jambes, au Clichy ; Et Juillet, un peu fou, Forçait leur grâce innée A incliner le cou En vestale dénudée. La fournaise, au 15 Août, Enfin nous échouâmes |
Georges CLEMENT est né à Oran dans le quartier de la Marine. Homme engagé dans le combat de la vérité historique, il est aussi un poète de qualité. Sa ville natale, la notre, est au coeur de son inspiration. Sa poèsie porte témoignage et dit la souffrance des amères désillusions, mais aussi souvent, un chant d'espoir, un ton original, une musique personnelle donc universelle. Ces trois poèmes sont tirés de son livre "Exil" |
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