CELA SE PASSAIT LE 5 JUILLET 1962 A ORAN
Beaucoup d'oranais et surtout des femmes et des enfants avaient quitté
la ville durant les trois mois précédents, mais on ne vide
pas une ville de 400.000 habitants et de plus de nombreux habitants du
bled s'y étaient réfugiés après l'abandon
par l'armée française des villages et les exactions dans
les fermes.
Du 1er juillet, date du vote de l'indépendance, jusqu'au 4, il
n'y eut en ville que quelques défilés de voitures surchargées
d'arabes, hommes et femmes hurlant des slogans et des you-you, mais en
sommes, plutôt bon enfant
Le 5, ordre avait été donné par radio d'ouvrir les
magasins, les bureaux et de reprendre le travail. Or une foule déferla
des quartiers arabes vers les quartiers européens dés le
matin, par la Place Kargentah vers la Place d'Armes "pour un défilé
pacifique". Comment, alors, expliquer que les hommes étaient
presque tous armés, et que beaucoup de femmes dissimulaient un
couteau sous leur voile ?
A 11 heures un coup de feu retentit sur la place d'Armes, un signal sans
doute, des cris jaillirent : " l'OAS, c'est l'OAS qui nous tire dessus
".
Tout le monde savait que les commandos avaient quitté la ville
fin juin. Et qui aurait été assez fou pour provoquer une
foule déjà surexcitée ?
En tous cas, ce fut le début de l'horrible carnage : une chasse
à l'Européen commença sauvage, systématique.
On égorgea, on tua au revolver ou à la mitraillette, on
prit des rues en enfilade, tuant tout ce qui bougeait. On pénétra
dans les restaurants, les magasins, les appartements, assassinant les
pauvres gens avec des raffinements de cruauté, arrachant des yeux,
coupant des membres. On vit même des femmes musulmanes dépécer
des vivants avec les dents.
Les auxiliaires de l'armée algérienne, les A.T.O. emmenaient
les Européens prisonniers par longs cortèges vers le commissariat
central où ils étaient battus et tués, ou vers le
Petit Lac, ou vers la Ville Nouvelle. Pourtant dans cette folie sanguinaire,
des arabes sauvèrent des européens, d'autre intervinrent,
et permirent de délivrer des prisonniers.
Le général Katz avait donné l'ordre de ne pas bouger
et les 18.000 soldats français qui se trouvaient à Oran,
restèrent cantonnés dans les casernes sans intervenir.
Katz téléphona à de Gaulle pour l'informer de l'ampleur
du massacre. Le chef de l'Etat répondit " ne bougez pas ".
C'est le seul exemple dans l'histoire d'un massacre perpétré
sur une communauté sans défense, en présence d'une
armée qui laisse assassiner ses ressortissants sans intervenir.
La tuerie dura près de six heures. Lorsque à 17 heures les
gendarmes français sortirent de leur trou à rats, le calme
revint aussitôt.
Les cadavres jonchaient la ville, on en trouva pendus aux crochets des
bouchers, dans des poubelles
Dans la chaleur de juillet, la puanteur
était horrible. Les soldats français et algériens
déversèrent par camions les cadavres dans le Petit Lac et
les couvrirent de chaux vive. Nul ne sait le bilan exact de cette Saint-Barthélemy.
On parlait dans les semaines qui suivirent de 3.000 morts et disparus.
C'est le chiffre que donna le sinistre De Broglie et que reprit le ministre
André Santini.
Ce qui est sûr, c'est que le massacre était prémédité
car les tueries commencèrent à la même heure aux quatre
coins de la ville qui était vaste. On peut presque dire que les
morts eurent de la chance, car le sort des disparus qui furent signalés
par des témoins dans les mines de l'Algérie, dans des prisons
sordides, dans des maisons closes et des bars à soldats, traités
en esclaves ou torturés fut sans nul doute pire encore.
La France vient de reconnaître le génocide des Arméniens
par les Turcs. Elle nous doit de reconnaître la responsabilité
de de Gaule et de son gouvernement dans le massacre des oranais le 5 juillet
1962.
Sans haine, sans amertume mais avec détermination nous demandons
que soit proclamée la vérité.
Geneviève de Ternant
Eglise du Voeu, Nice le 05 juillet 2001
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Cinq Juillet 1962 .Cette date est celle de l'indépendance pour
les Algériens. Cependant pour les Français d'Oran,seule
ville où ils étaient majoritaires, elle évoque une
journée d'horreur où près d'un millier d'entre eux
furent massacrés en présence d'une garnison Française
de 18000 hommes strictement consignée dans ses cantonnements.(1)
(2) Ces forces Françaises avaient cependant un rôle théorique
de protection de leurs ressortissants d'après les déclarations
publiques et les promesses faites par écrit et diffusées
en Algérie comme en métropole. Les accords d'Evian prévoyaient
la remise des pouvoirs à " l'exécutif
provisoire " mis en place depuis le 19 Mars 1962 .Celui-ci devait
maintenir l'ordre avec une " force locale " quasiment volatilisée
à Oran assistée de l'Armée Française ;et ce
en principe jusqu'à la transmission de ses pouvoirs à une
assemblée nationale élue au suffrage universel . Ceci ne
fut effectif que le 27 Septembre 1962. Mais les accords d'Evian ne faisaient
nullement référence au GPRA et à l'ALN dans ce processus
Les dits accords ayant été ratifiés par la population
Algérienne dans la question posée au référendum
du 1er Juillet 62 cela déterminait le droit y compris sur le plan
international puisqu'ils figurent au rang des traités internationaux
à l'ONU; ils contenaient aussi une clause d'amnistie générale
réciproque qui fut violée sous la responsabilité
du FLN pour les harkis. En réalité l'indépendance
de l'Algérie fut proclamée officiellement le 3 Juillet 1962
avec l'arrivée du GPRA et de son président Ben Khedda à
Alger .Ce dernier entérina la date historique du 5 Juillet (prise
d'Alger en 1830) qui avait été choisie par le comité
inter-willayas de l'intérieur (la willaya V d'Oranie étant
volontairement absente) opposé à l' État-major de
l'ALN extérieure basée à Oujda au Maroc et à
son chef le colonel Boumédiène. Le 30 Juin cet état
-major avait été dissous et son chef destitué par
le GPRA mais rejoint par Ben-Bella lui aussi opposé au GPRA d'Alger.
La lutte pour le pouvoir commençait.
Selon Mohamed Harbi ;historien et ex-responsable FLN " avec la
France ;la Tunisie et le Maroc; il faut bien manuvrer car si ces
États apportent leur soutien au GPRA et bloquent l'ALN à
l'extérieur ,c'en est fini de la coalition benbelliste ".
En Oranie la willaya V appendice de l'ALN d'Oujda, était surtout
composée de ralliés de la dernière heure et de déserteurs
de la Force locale musulmans. Il faut souligner qu'en Oranie les katibas
de l'intérieur avaient été pratiquement anéanties
par l'Armée Française .Le chef de cette willaya le colonel
Othmane acquis à Boumédiène; préconisa des
défilés de manifestations encadrés dés le
3 Juillet; y compris à Oran où 4 à 5 katibas(compagnies)
de l'ALN locale reconstituée après le 19 Mars, défilèrent
à la limite des quartiers musulmans. Il en fut de même dans
toute l'Oranie sans incident notable.
A Oran un "comité de réconciliation " avait été
créé avec des notables Européens et les derniers
commandos de l'OAS voguaient vers l'Espagne avec l'accord tacite des autorités,
tandis que les Européens résignés participaient en
majorité au référendum du 1er Juillet pour des raisons
évidentes de sécurité.
Armée des frontières contre GPRA
Mais pour radio Alger, de nouvelles manifestations furent demandées
par le GPRA pour le 5 Juillet ;destinées à le " faire
valoir " cette manifestation à Alger devait être présidée
par Ben Khedda et Krim Belkacem les ennemis jurés de Boumédiene
et de Ben Bella . Pour les conjurés d'Oujda qui allaient ensuite
s'installer à Tlemcen; cela ne pouvait se passer ainsi; ils leur
fallait démontrer que les partisans du GPRA n'étaient pas
capables d'assurer l'ordre tout en conjurant le risque d'une enclave européenne
dans la zone Oran Oran-Mers-el-Kébir. Mais surtout ils préféraient
avoir un prétexte pour faire intervenir massivement cette armée
des frontières sans paraître faire un coup d'État.
Bien sur la population ne comprenait rien à ce qui se passait
et nous l'avons vue après le 5 Juillet, le long de la route Tlemcen
Oran, acclamer ces troupes,casquées,équipées de neuf
;qui étaient supposées " aller combattre l'OAS à
Oran ". Mais une fois sur place; elles mirent surtout au pas leurs
opposants et les éléments musulmans perturbateurs que la
provocation avait déchaînés (3)
Au départ un défilé pacifique
Il faut signaler qu'à l'intérieur de l'Oranie :bien tenue
en main par les Ben-bellistes ;aucune manifestation pour le 5 juillet
n'était prévue ;mais difficile de contrecarrer l'appel du
GPRA diffusé par Radio Alger ;surtout à Oran ;où
les éléments anti-État-major étaient influents
parmi certains cadres ;intellectuels FLN ;syndicalistes UGTA et scouts
Musulmans avec un vieux fond messaliste persistant et une question lancinante
:où "était cette armée de parade pendant les
années de braises ? " Aussi ces responsables s'empressèrent-ils
de suivre les consignes d'Alger ;alors que le capitaine Bakhti représentant
la willaya V et parachuté à Oran après le 19 Mars
;avait prétendu " que rien n'était prévu à
Oran " où l'activité reprenait.Des banderoles significatives
furent préparées, telles "Non au culte de la personnalité
. Un seul héros le peuple " parmi les slogans habituels aux
"martyrs de la révolution " allusions a peine voilées
contre le groupe dissident d'Oujda ;sibyllines pour la population mais
moins pour les journalistes qui couvraient l'événement dont
beaucoup se réfugièrent ensuite dans le bâtiment de
" l'Écho d'Oran " durant le reste de la journée.
Une provocation qui conduira au massacre des Européens
Il est aujourd'hui acquis et nos enquêtes le prouvent que les agents
de Boumédienne et certains partisans de Ben Bella eurent pour mission
de saboter cette manifestation par des tirs venant de certaines terrasses
sur le défilé dès sont arrivée au centre ville
/un scout musulman sera tué ;d'autres sont blessés ;dont
un agent temporaire ATO .Des comparses se répandent alors dans
la foule en hurlant "C'est l'OAS ! c'est l'OAS ! " (4).
Et le massacre des Européens commence, anarchique ou structuré
après enlèvement vers les quartiers périphériques
. .
Il n'est pas possible, dans cet article de démonter entièrement
le puzzle de cette tragédie .Mais nous l'avons fait avant d'autres
, dans un ouvrage, L'Agonie d'Oran, ignoré des médias depuis
près de vingt ans et dont le troisième volume, qui contient
le rappel des faits, de nouveaux témoignages et les résultats
de l'enquête qui fut menée sur le terrain et poursuivie jusqu'à
nos jours .
Nous avons pu éliminer la cause purement fortuite de la provocation
en nous basant sur l'analyse des témoignages, y compris de militants
algériens, sur les rares archives militaires, sur le déroulement
des incidents et sur quelques images filmées au début de
la provocation. De source privée, nous avons aussi eu accès
à des textes inédits, classées " secret confidentiel
" par l'armée française et émanant de l'État
Major de l'ALN ,datés du 5 juillet 1962 , jour du drame. Des textes
qui démontrent la virulence de l'opposition avec le GPRA et préparent
les troupes à intervenir , pour rétablir l'ordre, alors
que personne ne savait ce qui se passait à Oran ! (5)
Les pompiers pyromanes de l'ALN
Bien sûr , nous n'aurons jamais un ordre de mission signé
de Boumédienne. Mais Mohamed Harbi a écrit : L'État
-major a une vue cynique des choses ; il désire ruiner l'autorité
du GPRA; avec Ben Bella, il ne reculera devant aucun procédé
pour se saisir du pouvoir. Et le garder
La suite l'a prouvé
!S'il était besoin d'autres preuves de ces assertions, la crise
ayant éclaté au grand jour, nous avons retrouvé dans
la presse des communiqués moins confidentiels que le notre: tandis
que le " groupe de Tlemcen " faisait appel à l'État
major " pour rétablir l'ordre et la sécurité
à Alger , un communiqué des willayas III et IV " accusait
un réseau dirigé par Yacef Saadi " de " tirer
sur les djounouds, espérant profiter de la confusion pour occuper
la capitale et préparer l'arrivée des bataillons de l'ex
État major "(Le Monde). Ils ne purent y pénétrer
que le 9 septembre. Idem un message " géné-super "
de l'armée française signale des tirs et des provocations
dans les quartiers de l'Agha et des facultés à Alger ; des
cris incriminant l'OAS auraient aussi été entendus ! Mais
le procédé qui avait si bien réussi à Oran
fit long feu
Dans cette ville, l'avancée de l'ALN du Maroc
(qui dut cependant réquisitionner camions et bus privés)venue
" rétablir l'ordre " en pompiers pyromanes avait été
avalisée par un GPRA abusé qui, dans un communiqué
du 6 juillet, annonce " une attaque de l'OAS " avancée
dans un premier temps par les benbellistes d'Oran, argument vite abandonné
pour incriminer ensuite des " des bandes anarchiques "(6)
Les victimes du 5 juillet boutées hors de
l'histoire
Ce troisième volume de l'Agonie d'Oran se veut plus technique que
les précédents ,chiffrant les effectifs,énumérant
les unités des forces Françaises présentes à
Oran,situant leurs cantonnements imbriqués dans la ville,à
proximité des premières exactions : 18000 hommes strictement
consignés ,comme le rappellent plusieurs fois les journaux de marche
(JMO) de certaines unités , qui relatent avec parcimonie ce qu'elles
ont pu voir de " leurs balcons " Certaines sont intervenues
parfois pour ouvrir leurs portes aux fugitifs ou en cas de légitime
défense patente, comme à la gare d'Oran. (7)
Il faut tout de même signaler une initiative remarquable : celle
du lieutenant Khéliff qui intervint avec son unité loin
de sa base . Le général Katz, chef du secteur autonome d'Oran
se raccrochera plus tard à ces quelques rares mais précieuse
interventions d'initiatives " humanitaires " en se couvrant
derrière des " ordres supérieurs " , venus du
sommet de l'État. Il n'en reste pas moins que madame de Ternant,
ordonnatrice de l'ouvrage, a raison d'écrire : C'est le seul exemple
dans l'Histoire d'un massacre perpétré sur une communauté
sans défense en présence de son armée qui laisse
assassiner et enlever ses ressortissants sans intervenir Et elle pouvait
ajouter d'une armée invaincue ! Selon le vote unanime de l'Assemblée
Nationale , la guerre d'Algérie a officiellement cessé le
2 juillet 1962. Ce n'est pas une raison pour bouter hors de l'histoire
les victimes du 5 juillet à Oran
(1) Victimes tuées sur place où enlevées et déclarées
" disparues " 800 selon JP Chevènement attaché
militaire au consulat d'Oran dans un ouvrage en 1977 / 440 plaintes déposées
à ce consulat sachant q'une plainte pouvait recouvrir plusieurs
personnes Plus de nombreux hommes non déclarés( isolés;
familles déjà parties en France );
(2) 12.000 militaires Français intra-muros +garnisons extérieures
Marine et Air détail des unités dans le livre 3 " l'Agonie
d'Oran "
(3) Il faut préciser que dépourvue de moyens logistiques
de transport après réquisition de camions et bus privés
et publics dans la zone intérieure l'ALN des frontières
arriva le Dimanche 8 Juillet à Oran.
(4) Premiers tirs sur le défilé à 11h15 précise
selon plusieurs témoins Militaires et Algériens dont le
commandant du service social des Armées Bdv Joffre (livre 1 "
agonie d'Oran ")
(5) Note de renseignement 1226 B2 classifiée secret /confidentiel
/Communiqué de l'État Major de l'ALN du 5 Juillet 1962(texte
intégral dans "agonie d'Oran "3 )
(6)Le capitaine de l'ALN Bakhti organisa le 10 juillet un montage médiatique
pour tout mettre sur le dos d'un chef de bande pseudo Attou qui évoluait
après le 19 mars dans les quartiers sud-est d'Oran.
(7)Seul accrochage sérieux avec une section du 8° Rima en faction
à la gare qui fit plusieurs victimes du coté Musulman (très
édulcoré des 2 cotés)
(8)Autres sources Note aux chefs de Corps n°99 /saor/3/ope du 20 juin
signée général Katz qui prévoit l'usage de
la " légitime défense " y compris pour les ressortissants
Français après le 3 juillet (non appliquée sur l'ordre
du pouvoir central la veille de l'indépendance 'avec l'ordre strict
de consigner les troupes)
(9)Bulletin de rens n° 1512 du 12 /7/62 classé/secret révélant
enfouissement de cadavres au bull-dozer avec photos d'hélicoptère
zone du petit lac sud-est d'Oran Mais aucune enquête officielle
;44 ans après on procède enfin à une recherche du
nombre des victimes sur la base de documents partiels en sachant que certains
historiens Algériens reconnaissent au moins 2 charniers au "
petit lac " et au cimetière Tamazouet .
Par Jean-François PAYA Ancien combattant d'Algérie classe:/
54
En service à la Base de Mers El Kébir jusqu'à fin
1964
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