N'OUBLIEZ PAS LE 5 JUILLET 1962 A ORAN
La lettre de Véritas - Juin 2003 n° 74
 

...Rappelons qu'Alger, qui s'était livrée les 2 et 3 juillet à une inimaginable liesse populaire, avait dû se soumettre à un strict couvre-feu pour éviter tous débordements, mesure bien utile et approuvée des autorités. (Farès et Ben Khedda).

Jamais ni l'Histoire, ni la vérité, ne rapporteront un tel fait à Oran dans une situation autrement grave car de cette manifestation d'apparence festive, que nous vous avons décrite et qui n'était que le paravent des horreurs, est sorti, minutieusement conduit, l'odieux pogrom encore occulté quarante ans après. Au moment où s'est produit cet holocauste, il fut interdit à la presse française d'en faire le rapport, bien que la presse internationale, elle, en ait fait état. Aujourd'hui, quarante ans après, les braves journalistes et historiens français commencent à peine à en parler, du bout des lèvres, et encore pour n'en donner que des versions tronquées, réduites, inexactes.

Les premiers coups de feu sur la foule de la place d'Armes ont été entendus vers 11 h. 30, en même temps que d'autres, en divers lieux, ce qui atteste bien un guet-apens. Ce fut, dès lors, un feu nourri venu de tous les coins, le reflux de milliers de musulmans vers leurs quartiers aux cris de « O.A.S. assassins! » alors que les derniers commandos de cette organisation avaient évacué la ville depuis plus d'une semaine et ne pouvaient, en aucun cas, être tenus pour responsables. Dans cette indescriptible cohue, au milieu de ces tirs nourris et incontrôlés où de nombreux musulmans étaient déjà atteints, la colère et la malédiction enflaient à vue d'oeil. Les premiers Européens rattrapés dans la rue, au restaurant, sur le seuil de leur porte, furent lynchés, poignardés, taillés en pièces. L'horreur était là, telle une hydre rampante, à s'emparer de la ville sillonnée de camions et de voitures pour charger hommes, femmes et enfants, conduits nul ne sait où, du moins lors des rapts car l'atroce vérité devait éclater peu après. " Les victimes ? Mais que dire de tant de victimes, les morts qu'on identifiait, d'autres méconnaissables et les enlevés qui devaient devenir les « disparus » et dont, neuf fois sùr dix, on ne retrouva jamais la trace, pas plus que celle de tant d'autres. enlevés en Oranie, sur ordre, par centaines et dont, en France, nulle autorité ne s'est jamais réellement préoccupé, se contentant de distribuer, à quelque temps de là, d'incontrôlables avis « présumés » de décès ? Sur cette tragique journée, que certains ont voulu croire seulement inspirée par la folie sanguinaire d'une horde d'enragés gagnés par l'hystérie du meurtre alors qu'elle était -nous le dirons p.lus tard -de toute autre inspiration, nous avons recueilli toutes sortes de témoignages, assez pour établir, sans complaisance, l'historique de ce drame, lequel met largement et directement en cause l'inertie des autorités civiles et militaires françaises, ceux qui ont opté pour l'obéissance et l'avancement plutôt que pour le secours à ces centaines d'innocents dont ils regardaient paisiblement trancher la tête! Sans vouloir faire le procès d'une Armée française qui perdait là ce qui lui restait d'honneur, on pourra toujours s'étonner de constater que ses hommes, des Français, ont assisté à ce pogrom comme on regarde une corrida !

De ces témoignages, nous allons vous livrer le plus vrai, le plus émouvant aussi car il nous vient d'un prêtre, d'un homme de Dieu en la parole duquel nous avons foi, le Père Michel de Laparre que nous avons retrouvé, le 10 mai dernier au Congrès VERITAS : « quand, vers midi, commença, place Foch et dans les grandes artères de la ville, l'impitoyable chasse aux Blancs, on a pu voir les Arabes, mauresques incluses, tirer de leurs costumes de fête les couteaux pour l'égorgement. Rue de la Bastille, certaines victimes seront dépecées dans leurs boutiques. Les Pieds Noirs furent inexorablement massacrés dans les rues du centre ville cinq heures durant, sans que l'Armée française, ni les Gardes Mobiles pourtant casernés dans le voisinage, n'interviennent. Nul n'intervint pour fermer les entrées d'Oran, laissant venir à la mort -et quelle mort ! -des familles entières qu'un seul Garde ou soldat aurait pu sauver! Nous qui étions là, et qui y sommes restés ensuite, nous avons pu, sans faire d'enquête, entendre assez de doléances et confronter assez de témoignages pour voir apparaître, bien
évidente, la carence voulue par les Forces françaises de l'Ordre dans une non-assistance caractérisée qui souligne encore l'immense responsabilité de la France dans cette journée du 5 juillet 1962 qui a fait tant d'innocentes victimes françaises !... ».

A nous d'ajouter: un tel holocauste, une aussi horrible Shoa, et jamais l'ombre de la moindre commémoration! Il faudra faire vivre la mémoire de ce pogrom et perpétuer la honte de tous les lâches qui l'ont permis, y compris ceux qui feignent encore de l'ignorer ! Cette tragédie, que tant d'hommes compromis voudraient voir effacer, ne sera pourtant pas de celles qui s'évaporent au fil d'une Histoire honteuse, elle aussi, et qui se cache toujours la face afin que nul n'en remarque l'hypocrite laideur.

Cette histoire-là a sa marque de fabrique, lamentable et fausse parce que gaulliste et, par conséquent, minable. Néanmoins, cette
montagne de mensonges et de dissimulations accumulés est colportée partout, avec quelque succès, ce qui nous déchire et que nous déplorons. Oublions-la, pour donner toute son ampleur à l'autre, à l'Histoire, la vraie, celle qui s'enracine parce qu'elle a pour souche la vérité des faits et ces faits - si cruels soient-ils - ne peuvent relever que de témoignages de bonne foi sur lesquels les rédacteurs de VERITAS engagent leur honneur. Oui, leur honneur, et, à notre sens à nous, l'honneur est la qualité première de cet outil que nous avons mis au service de la seule vérité pour défendre la plus juste et la plus noble des causes.

Et, sans cesse, nous revient en mémoire cette réflexion si pertinente de Georges Bernanos, que nous avons faite nôtre: « Ce monde a tout ce qu'il lui faut et il ne jouit de rien parce qu'il manque d'honneur! Le fort et le faible ne peuvent évidemment yivre sans honneul; mais le faible, lui, en a plus besoin qu'un autre! ». Nous reconnaissons que nous faisons partie de ces faibles dont jamais la voix ne portera assez loin. C'est pourquoi nous mettons notre honneur devant elle car, comme le notait, avec justesse, Alfred de Vigny: « La religion de l'honneur a son Dieu toujours présent dans notre coeur. »

Voilà maintenant plus de quarante années que nous énonçons les vérités les plus essentielles sur tant de drames auxquels nous voudrions rendre leur dimension historique, jalonnée du sang des nôtres et nous nous posons, encore et toujours, cette lancinante et douloureuse interrogation: « Avons-nous bien mis toutes nos forces dans ce combat ? Quelle a été la vraie portée de notre voix qui couvre si peu le tapage médiatique de ceux, bien plus nombreux, qui n 'ont jamais cessé de nous combattre par le mensonge, de nous étouffer, de nous bâillonner parce qu'eux ne se sont jamais souciés d'avoir une religion d'honneur ? » On dit volontiers que nous nous attardons trop sur la hideur d'une page de l'Histoire de France qui s'effacera, d'elle-même, avec le temps comme se sont dissous bien d'autres revers et les drames qu'ils portaient en eux...

Sauf que nous sommes les victimes, encore en vie, de cette page d'Histoire tellement hideuse et déshonorante pour notre pays et c'est bien pour cela qu'elle nous est insupportable, tant l'injustice des faits nous révolte, après nous avoir brisés. C'est sur ce constat que l'équipe de ce journal -qu'on ne fera pas taire -puise toujours la force de mener ce combat d'autant plus juste qu'il n'a de sève que la souffrance et le sang des nôtres, tous ces innocents et ces justes dont nous ne pouvons accepter l'oubli.


Georges-Emile PAUL


*VERITAS dispose d'un témoignage écrit. Katz a bien téléphoné à De Gaulle qui a ordonné: " Surtout, ne bougez pas!" .




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