Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres :
" Le sang d'Algérie "
" Debout dans ma Mémoire "
" Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie
"
" L'Islamisme dans la guerre d'Algérie "
" Attaques et contre-attaques "
aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX
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Une conjuration De Gaulle - Ferhat Abbas
L'AFFAIRE SI SALAH
I - UNE CONSEQUENCE ULTIME
COUVERTE PAR UN SILENCE ASSASSIN
CELUI DE L'AFFAIRE SI SALAH
A Oran, le 5 juillet 1962, le FLN historiquement vainqueur de la guerre
d'Algérie par la volonté du général Charles
De Gaulle, veut célébrer sa victoire.
Pour les rebelles, la France est vaincue, puisque par le jeu d'une
conjuration anti-occidentale savamment conduite, notre pays fut contraint
d'offrir l'Algérie à un ennemi de la France
. A l'ennemi
de l'Occident.
Mais ce que veulent ces rebelles, le 5 juillet 1962, pour conférer
un plus grand relief à la défaite de la France gaulliste,
c'est effacer une autre date de l'histoire : celle du 5 juillet 1830.
Jour de la capitulation du dey Hussein, devant le corps d'armée
français commandé par le lieutenant-général,
comte de Bourmont. Le félon de Waterloo.
Une célébration bruyante et spectaculaire de la victoire
est ainsi programmée à Oran.
Mais comme l'ont déclaré quelques journalistes et autres
observateurs, bien silencieux aujourd'hui, ce jour-là, ou plutôt
la veille, arrivent à Oran, par trains, des " Algérois
" pour s'incorporer aux manifestations.
Entendez par ce terme " d'Algérois ", d'anciens maquisards
de l'intérieur, qui ont opéré dans les départements
de l'Algérois. En particulier des anciens de la Wilaya IV. Celle
qui fut sacrifiée en 1959-1960 par la volonté conjointe
de De Gaulle et du G.P.R.A., dans le but prioritaire et exclusif d'accélérer
la conclusion du cessez-le-feu. Celui qui aboutit à la capitulation
française d'Evian, les 18 et 19 mars 1962.
Ces " Algérois " viennent reprocher violemment à
ceux qui s'apprêtent à parader dans la ville d'Oran et à
se couvrir des lauriers de la victoire, leur absence des combats livrés
dans le djebel contre l'armée française. Ils vitupèrent
et insultent ceux de la Wilaya V en particulier, parce que ces derniers
étaient la plupart du temps cantonnés au-delà de
la frontière algéro-marocaine, hors de portée de
l'armée française.
De violentes altercations
, des coups de feu
, des flingages
Une honte pour le FLN devant l'opinion internationale.
Il faut de toute urgence, sauver la face devant la presse du monde entier.
Une rumeur est immédiatement générée par ceux
qui veulent rétablir la situation. Une rumeur qui, soudainement,
est propagée comme une déflagration.
" L'OAS tire sur nos troupes ! "
C'est un canular
certes
mais ce mensonge aura les effets
espérés. C'est-à-dire détourner la fureur
fratricide du FLN, contre un peuple français désarmé.
Un canular générateur de haine et d'un sadisme explosifs
qui donnera l'occasion aux troupes françaises présentes
à Oran, d'assister, pour l'immense majorité de leurs effectifs,
au massacre de leurs compatriotes sans réagir
sans intervenir.
Il aurait suffi de quelques pas en avant pour sauver des centaines de
vies françaises
Mais non !
Car telle était la volonté conjointe de De Gaulle et de
Katz : laisser massacrer ce peuple oranais qui s'était permis de
soutenir l'OAS dans l'ultime combat pour l'Algérie française.
C'est ainsi que l'on fera payer par le peuple français d'Oran,
le prix de la haine, que " les combattants de l'intérieur
du FLN vouaient aux pseudo-combattants de l'extérieur ", ceux
qui prétendaient parader à Oran.
C'est en ces termes qui rappellent très succinctement le drame
vécu par nos frères et surs d'Oran, que s'illustre
l'une des conséquences scandaleuses et criminelles de ce qui fut
la trahison majeure de la guerre d'Algérie. La trahison de :
" LA FAUSSE AFFAIRE SI SALAH "
Une trahison de plus à porter au crédit du pouvoir gaulliste.
C'est-à-dire au crédit du général De Gaulle
et de son état major pompidolien. Etat major qui, sous l'autorité
de Pompidou, avait rédigé un plan : le célèbre
et cependant peu commenté " plan-Pompidou ", du printemps
1958. Plan qui proposait, dès cette année-là, de
mettre en route, à partir de l'Espagne, de Barcelone très
précisément, une rencontre avec le FLN de l'extérieur,
dans le but d'aboutir à un cessez-le-feu.
Je le souligne encore : c'était au printemps 1958, c'est-à-dire
au moment du 13 mai 1958, date de la prise du pouvoir par De Gaulle, pour
conduire à bonne fin la défaite de la France en Algérie
devant l'arabo-islamisme fondamentaliste. Dans le but de parachever ainsi
l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne, par le pire
ennemi qui ait jamais agressé notre Patrie, depuis le début
de son histoire.
II - L'ARCHE DE NOE
GAULLISTE
Je ne sais plus où Nietzsche a écrit que :
" la parole du passé est toujours d'oracle. Vous ne l'entendrez
que si vous êtes les constructeurs de l'avenir et les interprètes
du présent ".
C'est un propos que je trouve aujourd'hui bien optimiste. Nietzsche, en
effet, fait crédit à ses semblables d'un esprit d'initiative
et de recherche qui est loin de les animer, pour l'immense majorité
d'entre eux. Nous sommes d'accord, néanmoins, sur la première
proposition de cette phrase rapportée :
" La parole du passé est toujours d'oracle ".
Je m'autorise à préciser : si nous sommes capables de l'entendre,
alors oui, nous serons capables de comprendre le présent et de
redouter en conséquence un avenir incertain pour notre pays, pour
l'Occident.
Je fais partie de ces hommes qui furent pris en 1954, lors du déclenchement
de la guerre d'Algérie le 1er novembre de cette année là,
d'une audacieuse pulsion. Celle de ne plus se satisfaire d'un rôle
de " fourmi ".
J'ai compris depuis longtemps, que le patriotisme, comme la foi en Dieu
d'ailleurs, alimentent chez chacun d'entre nous, le domaine du "
chacun pour soi ". Dans une proportion beaucoup plus importante qu'on
ne le soupçonne. J'ai enregistré effectivement que pour
beaucoup de nos semblables, le Bien et le Mal se définissent à
partir de l'opinion qu'a de vous votre inspecteur des impôts. Ou
de l'opinion qu'a de vous tel journaliste qui s'arroge le droit de vous
juger. Ou de l'opinion d'un président d'association de " rapatriés
" d'Algérie qui s'investit d'un pouvoir féodal et qui,
surtout, ne veut pas perdre d'adhérents.
Et je n'ose évoquer son attitude, lorsque ce même président
parvient à accéder au rang d'élu, quelque part dans
l'échelle des pouvoirs de la Vème République.
La Vème République assassina sans vergogne et sans
pitié la France Sud-Méditerranéenne. Elle a soumis
notre pays au risque d'une imprégnation progressive arabo-islamiste.
Imprégnation invasive. Elle a mis en danger le fondement de notre
réalité française et de notre culture qui ne peuvent
s'illustrer, l'une comme l'autre, que par le moyen de la citoyenneté
laïque.
Pourquoi notre peuple français a-t-il accepté ce désastre
?
Parce que De Gaulle l'a voulu. Parce que De Gaulle l'a dit.
" Et toi, mon vieux pays ! " a-t-il déclaré le
24 janvier 1960 après la fusillade d'Alger, lors de la première
journée des Barricades.
Mais oui, la France c'était sa chose ! " Toi mon vieux pays,
que veut-on te voir accomplir encore ! Gérer d'autres peuples de
là-bas, d'Algérie, des peuples qui n'en valent pas la peine
! Franciser des moricauds, qui puent, qui jouent du couteau et qui portent
une djellaba ! Accueillir des pieds-noirs, qui gueulent, qui déclarent
t'adorer et qui finalement dans notre sainte famille française
oublient qu'ils ne sont que des enfants adoptés ! "
En conséquence de ce rejet de l'Algérie française,
De Gaulle organisa le nouveau " Déluge " : l'abandon
de l'Algérie, la " libération " des Algériens,
c'est-à-dire la mise en mouvement d'une houle invasive, d'une houle
recouvrante. La houle invasive arabo-islamiste qui veut faire de la charria
la base de la future société française d'abord. De
la société occidentale ensuite.
L'Occident, nous entendons " le Cur du monde " ou "L'Ile
du monde " tel que l'avait interprété l'auteur irlandais
Harold Mac Kinder.
L'île du monde cernée de tous côtés aujourd'hui,
par les vagues érodantes, destructurantes, de l'anti-Occident chroniquement
évolutif.
Mais tout cela, n'a aucune importance ! Ne vous en faites surtout pas
!
Pourquoi ?
Parce que De Gaulle a bâti de ses propres mains la nouvelle Arche
de Noé : la France avec sa force de frappe. Arche de Noé
élaborée puis construite dans l'ambition d'un " glorieux
passage de la France à la modernité
au grand renouvellement
". Le grand renouvellement ! Il est là sous nos yeux. Un épanouissement
social grâce auquel on se sent régénéré
une liberté libéraliste qui dégage tous les horizons
quant à la fraternité on peut dire qu'elle nous étouffe.
Bientôt 50 ans ! 50 ans du grand renouvellement engendré
par la défaite de la France en Algérie.
Un anniversaire que l'on s'apprête à célébrer
! L'anniversaire de la plus grande défaite subie par notre pays
depuis le début de son histoire.
III - " SIGNIFICATION "
DE L'AFFAIRE SI SALAH
Au mois d'avril 1960, étaient présentes à Médéa,
deux personnalités importantes. Permettez-moi de vous rappeler
que Médéa se situe au sud-est d'Alger dans la région
du Titteri. Il s'agissait :
- de Bernard Tricot : il représente le cabinet de l'Elysée,
- du colonel Mathon : chef du cabinet militaire du premier ministre, Michel
Debré.
Ces deux hauts responsables du monde politique français et
du pouvoir gaulliste, séjournent temporairement à Médéa
dans le but de mener à la meilleure fin possible une fameuse affaire
: l'affaire Si Salah. Affaire qu'ils veulent conclure dans le cadre des
projets gouvernementaux. Plus précisément dans le cadre
des projets " De Gaulle/G.P.R.A. " ou mieux dit " De Gaulle/Ferhat
Abbas ".
Nous avons tous entendu parler de l'affaire Si Salah. A propos de celle-ci
permettez-moi de vous dire que l'on ne s'est contenté que d'une
version officielle de l'événement. Je m'explique : cette
affaire Si Salah, ce n'est pas l'histoire d'un chef de wilaya frappé
par la grâce ou plutôt par l'évidence de son anéantissement
imminent, qui demande soudain à bénéficier de la
" paix des braves ", maintes fois proposée par le général
De Gaulle. En particulier lors du discours de Constantine du mois d'octobre
1958.
Cette affaire s'illustre comme la conclusion d'opérations entreprises
durant l'année 1959, par les services spéciaux français.
Elle bénéficiera, tout particulièrement, des résultats
d'une opération antérieure : en 1957, Si Azzedine, personnage-clef
de cette affaire fut capturé par le 3ème R.P.I.M.A. du colonel
Bigeard cette année-la. Nous y reviendrons.
Le colonel Jacquin et ses lieutenants, parmi lesquels signalons le
prestigieux capitaine Léger, avaient mis en route une guerre psychologique
intense sur le territoire de la Wilaya IV qui était la Wilaya de
l'Algérois qui s'étendait de la mer au Sahara et de l'Ouarsenis
à la Kabylie.
La conclusion de ces opérations s'illustra par la destruction des
effectifs FLN, leur déroute, leur désarroi.
Surtout, par la perte de confiance des combattants de l'A.L.N. de l'intérieur,
à l'égard de l'organisation extérieure de la rébellion
de Tunis, du Caire
et d'ailleurs.
A cette époque là, on pourrait presque dire en même
temps, une autre opération, héliportée, extrêmement
brillante, était réussie par les forces de l'ordre.
C'était dans le Sud-Oranais, près du djebel Béchar.
Au cours de cette opération, le chef de la Wilaya V, Lofti, c'est-à-dire
le chef de la Wilaya de l'Oranie, fut abattu avec tout son état-major.
Le colonel Jacquin s'empara des moyens de transmission et surtout des
codes radio de Lofti. Ce qui lui permit de faire anéantir toutes
les Katibas de la Wilaya V. Si on ajoute que depuis l'opération
" Jumelles " menée par le général Challe
au mois de juillet 1959 en Kabylie, la Wilaya III de cette même
Kabylie était pratiquement à genoux, on peut dire que la
bataille contre l'A.L.N. de l'intérieur était pratiquement
gagnée. Je veux dire militairement, conventionnellement, gagnée
en apparence.
Une victoire, certes. Mais l'exploitation qui en sera faite sera différente
selon que l'on se place du point de vue tout à fait théorique
des militaires, ou du point de vue très réaliste du général
De Gaulle et de ses agents d'exécution.
Pour les militaires, cette victoire devait permettre au gouvernement
français de se passer du G.P.R.A. pour terminer la guerre en Algérie
et la conclure par la paix des braves. C'est-à-dire, par le désarmement
des maquis. C'est-à-dire aussi, par leur ralliement qui était
inéluctable dans cette circonstance.
Pour le général De Gaulle, il s'agit de toute autre chose.
En réalité il s'agit du contraire.
Il s'agit de dire au G.P.R.A. :
" Nous vous avons débarrassés, selon vos exigences,
des maquis de l'intérieur qui avaient juré de vous trancher
la gorge à l'instant même où vous mettrez les pieds
en Algérie. Rien ne s'oppose désormais à votre installation
à la table des négociations, car la victoire de nos armes
sur le terrain, nous permet de vous offrir l'Algérie en toute quiétude
".
Ce que j'ose vous dire là n'est pas une élucubration. C'est
évoqué, suggéré par écrit, avec timidité,
par plusieurs auteurs. D'autres écrits soulignent avec modération
l'identité sous-jacente de leurres que revêtaient ces victoires
sur le terrain.
Nous avons fait gagner des batailles à nos soldats pour pouvoir
perdre la guerre, pour pouvoir hisser le drapeau blanc. Car il est bien
évident que c'est le demandeur, pour ne pas dire le quémandeur,
de l'ouverture de négociations officielles pour un cessez-le-feu
comme l'a fait De Gaulle, qui hisse le drapeau blanc depuis 4 ans ! Ce
qui veut dire pour parler clair, que l'on a fait tuer nos soldats pour
" le roi de Prusse ". En l'occurrence, le roi de Prusse, c'est
le G.P.R.A.
Permettez-moi de vous rappeler que lors de l'opération " Jumelles
", des centaines de soldats français ont été
officiellement blessés, tués ou portés disparus.
Certes le FLN a subi des pertes dix fois supérieures mais on a
tout de même fait tuer des soldats d'élite "pour rien
". Pire, on les a fait tuer pour offrir le pouvoir en Algérie
au G.P.R.A.
La mission extrêmement grave que doit mener Bernard Tricot à
Médéa ne l'empêche tout de même pas de se promener
dans la campagne algérienne. Près de Damiette, il rencontre
au bord d'une route un paysan de chez nous. Là-bas on disait plutôt
un petit propriétaire, un petit colon. Oui, petit colon, terme
merveilleux qui désigne tous ceux qui ont fait jour après
jour, de la terre d'Algérie ce qu'elle fut, à partir de
ce qu'elle était avant l'arrivée des Français.
Tricot voit donc ce petit colon en train de charger une charrette de foin.
Il le voit s'efforcer de la mettre en position sur un chemin de traverse
pour regagner une grange. Et voilà que tout à coup Bernard
Tricot va jouer le rôle d'un " sous-préfet au champ
". S'inspirant peut-être d'Alphonse Daudet, il va se laisser
aller à un commentaire presque bucolique.
Il va dire : " Eh oui, les Européens ! C'est un grave problème
! C'est le seul problème ! " C'est ainsi que par la magie
du verbe de Bernard Tricot, ce que j'ai toujours appelé "
un phénomène sociologique humain, merveilleux et unique
au monde ", le peuple pied-noir, devenait " un problème
" !
Notre peuple était identifié à un ramassis "d'empêcheurs
de tourner en rond ", qui faisait obstacle à la liquidation
de l'Algérie française.
Nous touchons là, en réalité, au point d'orgue dramatique
de la liquidation de l'Algérie française.
Car, lorsque l'on scrute le comportement de tous les tacticiens qui sont
intervenus dans l'accomplissement de cette forfaiture, on se rend compte
que tous, sans exception, ont fait l'impasse sur le destin, le sort physique
et charnel du peuple pied-noir. Peuple pied-noir que j'ai appelé
depuis toujours : fraction vivante de la nation française.
Si je l'ai appelé ainsi ce n'est pas par prétention de style.
Je l'ai appelé fraction vivante de la nation française,
parce que cette collectivité jouissait d'une vie, d'une naissance,
d'une croissance, d'une évolution et d'un risque de mort. Si la
France était vivante là-bas, au Sud de la Méditerranée,
c'était par l'intermédiaire de ce peuple. C'était
grâce à la vitalité, à l'endurance et au génie
de ce peuple.
Or, il se trouve que cette qualité de fraction vivante de la nation
française, on a voulu la lui nier. On a voulu l'en amputer. Ce
que l'on a prétendu, c'est " cheptéliser " ce
peuple. C'est-à-dire que, lui faisant crédit d'une compétence
indéniable, on a voulu l'utiliser comme un cheptel de choix, en
faisant rester en Algérie une grande partie de ce peuple après
l'indépendance. De manière à conserver à l'Algérie,
un niveau d'échange commercial qui fût encore rentable. Dans
l'espoir de maintenir l'Algérie au niveau d'un pays peuplé
de consommateurs solvables.
Un négociateur d'Evian explique dans un ouvrage, que le G.P.R.A.
avait exigé que 400.000 pieds-noirs restassent en Algérie.
En effet, ce négociateur savait très bien que l'Algérie
sans les Pieds-Noirs
.
C'était encore une manuvre politico-économique qui
était tentée.
Elle a capoté parce que les Pieds-Noirs ont choisi tout naturellement
l'exode. Ce peuple, dans son immense majorité, ne pouvait retrouver
sa vitalité que sur un territoire français. Ce peuple est
chez lui sur le territoire métropolitain de la même manière
que les Français de l'Hexagone auraient été chez
eux en Algérie française, s'ils avaient éprouvé
l'envie, s'ils avaient eu le courage de venir y vivre. Et la France appartient
au peuple pied-noir de la même manière qu'elle appartient
d'ailleurs aux autres provinciaux de notre Patrie. Mais ce peuple appartient
aussi et avant tout à la France. Il a su le démontrer, à
l'instar de nos autres compatriotes, par le prix du sang versé
quand ce fut nécessaire.
Ce peuple français d'Algérie qui vit en France, où
il exprime sa personnalité, sa vitalité, sa liberté
et ses remarquables facultés d'adaptation, doit savoir qu'il exhibe
en outre, un merveilleux trophée de victoire.
Je veux parler de sa vie, que l'on était disposé à
sacrifier. Et aussi de sa jeunesse collective car c'est un peuple de 180
ans d'âge seulement. Cette jeunesse, il doit la mettre au service
de sa patrie, parce qu'elle est porteuse d'enthousiasme et de pugnacité.
Qualités qui vont être nécessaires à mettre
en uvre, au service de la France, pour affronter les décennies
difficiles riches en traquenards qui nous attendent.
Ce peuple, avant tout, ne doit pas oublier qu'il est porteur d'un message
ou plutôt d'une mémoire.
D'une mémoire de l'empire français.
Empire français qui assura pendant plus d'un siècle son
rayonnement, sa grandeur et sa puissance à la Nation française,
quand elle a traversé des tourmentes, des drames et des malheurs.
Cela nous autorise à revenir sur une phrase prononcée par
l'amiral Darlan à Alger, quelques jours avant le débarquement
anglo-américain du 8 novembre 1942, phrase qui fut intégralement
publiée dans la presse quotidienne algéroise :
" L'empire, sans la France ce n'est rien. La France sans l'empire,
ce n'est rien ".
Cette phrase terrible comporte une prédiction et un avertissement.
L'empire, en effet, sans la France ce n'est rien.
Il est trop facile de constater aujourd'hui le bien fondé de cette
affirmation de l'amiral. Les affaires de corruption africaines, les souffrances
des peuples africains, les viols institutionnels et massifs des femmes
congolaises, sud-africaines, soudanaises et ruandaises, pour ne pas citer
toutes les autres, sont inscrites dans les " bienfaits " de
la décolonisation. Mais prenons garde que le deuxième terme
de l'avertissement de l'amiral ne soit confirmé et qu'un jour,
la France, amputée de l'Algérie, ne soit
.
Notre peuple, qui reste en permanence une fraction vivante de la Nation
française, doit se situer aux avant-postes pour la défense
de la Patrie, comme il l'a toujours fait durant son histoire. Dans cette
perspective, il lui reste avant tout quelque chose à faire : sauver
la mémoire, le souvenir.
Elaborer un matériau pour que nos enfants, nos petits-enfants,
arrière-petits enfants et plus loin encore dans les temps à
venir, aient les moyens de convoquer au tribunal de l'Histoire, les responsables
de la mort de l'Algérie française en les interrogeant. Ils
demanderont :
" Qu'avez-vous donc fait ? Qu'avez-vous osé faire de cette
merveilleuse terre d'Algérie ? De cette terre mythique qui a ravi
l'âme de nos anciens, de cette terre d'espérance, porteuse
d'avenir, porteuse du message de l'Occident et de l'enthousiasme de la
France, qu'avez-vous osé en faire ? "
Si nous sommes capables de réunir pour nos descendants les
moyens de formuler ces interrogations, nous aurons mérité
alors, et alors seulement, de ceux qui sont morts pour l'Algérie
française.
Nos soldats du contingent, nos soldats de l'armée de métier,
nos harkis lynchés par dizaines de milliers, nos civils massacrés,
enlevés, torturés, disparus.
Nous aurons mérité de nos combattants de l'OAS : je pense
tout particulièrement à Le Pivain, assassiné à
Alger, à nos garçons de Bellecourt, tués dans l'Ouarsenis
avec le commandant Bazin. Nous n'oublions pas les sept deltas d'Oranie
tués avec leur chef Axel Galvadon à Sidi-Bel-Habbès.
Nos combattants du quartier 3 du secteur centre d'Alger (Champ-de-Manuvre,
Belcourt, Le Ruisseau) tués en opération dans les rues d'Alger
: Lebel, Maurer, Turiella, Lichtlet, Liegeois.
Nous évoquons tout particulièrement la mémoire de
nos fusillés : Piegts, Dovecar, Degueldre, Bastien-Thiry, dont
nous attendons que l'on nous dise officiellement qu'ils sont morts pour
la France.
Les gaullistes ainsi que leurs alliés du FLN de l'extérieur,
ont toujours considéré les pieds-noirs comme des dhimmis
en puissance. Ils avaient organisé en esprit la nouvelle dhimmitude
dans laquelle devaient s'installer les Français d'Algérie.
C'est à dire au sein d'une collectivité soumise avant tout
à la loi des Croyants, obligée de payer tribut pour vivre,
circuler et travailler. " Ils porteront le fez si nécessaire
" a déclaré le général Massu à
un interlocuteur anonyme.
Ils ont agi comme s'ils avaient voulu d'une Algérie où l'islamisme
allait être dominant. D'une Algérie où les pieds-noirs
allaient être chargés de la composante technique, artistique,
artisanale et civilisatrice de la vie. Comme l'avaient fait les dhimmis
juifs et chrétiens à partir des VIIè et VIIIè
siècle, au Moyen Orient, dans les Balkans, en Grèce et en
Espagne, ainsi que dans le Maghreb, qui avait un grand passé de
civilisation romaine et chrétienne.
Pour les gouvernements de la IVè et surtout de la Vè République,
la question n'était pas de savoir si l'Algérie devait être
indépendante ou non. Pour eux, la question était déjà
réglée. L'Algérie serait indépendante. La
question qui les gênait était celle-ci : quel avenir pour
les peuples français d'Algérie à qui justement était
refusée la qualité de Français ?
Les pieds-noirs furent ainsi, volontairement et sadiquement, acculés
à leur désespoir
puis à leur colère.
Le regret que je manifeste aujourd'hui, c'est qu'ils n'aient pas été
capables de se mettre tous en colère quand il le fallait.
IV - GENESE DE L'AFFAIRE SI SALAH
Si Salah est le chef de la Wilaya 4, celle de l'Algérois, débordant
à l'ouest sur l'Oranie. Vous pouvez vous reporter au schéma
et indications qui vous sont proposés à la fin de cette
étude.
En 1959 Si Salah fait le constat d'un désastre.
Ses effectifs sont devenus fantomatiques du fait des opérations
conduites par le général Challe, avec les unités
de Réserve Générale : parachutistes, légionnaires,
fusiliers-marins, infanterie de marine, commandos de chasse. Par ailleurs,
comme l'écrit le général Jacquin, dans ces opérations,
les harkis se révèlent particulièrement efficaces.
Mais il faut souligner que cette déconfiture interne est, avant
tout, la conséquence du travail de guerre psychologique intense
mené par les hommes du BEL. Nous connaissons tous l'entreprise
de démolition conduite par le capitaine Léger, je l'ai rappelé
au début de cette étude : intoxication des maquis, désinformation,
provoquant au sein des bandes rebelles, une véritable psychose
: celle de la trahison, avec son cortège d'exécutions massives
de coupables ou de supposés-coupables. Exécutions effectuées
au sein du FLN
par le FLN.
Une autre composante de ce désastre est illustrée dans l'isolement
tragique de ces maquis. Ils perdent en effet tout contact avec l'extérieur.
C'est-à-dire avec le CCE et le CNRA d'abord. Puis avec le GPRA.
Ils ne reçoivent plus d'informations. L'armement n'est plus acheminé.
Car rien ne passe au travers des barrages montés aux frontières
par l'armée française. Ce qui contribue à développer
rancur et haine au sein des maquis contre ces " révolutionnaires
de palace qui plastronnent à l'étranger ".
Si Salah voit arriver à grande vitesse un anéantissement
inévitable. Or, De Gaulle a offert à maintes reprises "
la paix des braves ". Après tout, pourquoi pas ?
Ce chef rebelle prend tout d'abord contact avec les Wilayas voisines.
Ce qu'il recherche avant tout, c'est s'extirper de son isolement, dans
le souci primordial de mettre ses effectifs à l'abri d'une élimination
totale.
Pas de problème avec la Wilaya V, la Wilaya de l'Oranie. Pour la
raison toute simple qu'elle n'existe plus. Son chef Lofti s'est fait éliminer
près du Djebel Bechar, nous l'avons vu. Son dispositif radio est
tombé entre les mains du BEL. On y apprendra beaucoup de choses
en particulier les trahisons de certains pourvoyeurs d'argent, pieds-noirs,
pour le bénéfice du FLN.
La Wilaya 3, celle de Kabylie, offre une écoute attentive et favorable
aux propositions de Si Salah. Son chef, Mohand Ould El Hadj, est d'accord
pour appuyer Si Salah. D'autant plus que l'opération " Jumelles
" du mois de juillet 1959 a provoqué un désastre au
sein de ses propres effectifs.
Les Wilayas du Constantinois, 1 et 2, suivront sans difficulté.
En effet, elles sont asphyxiées, complètement débandées,
elles uvrent pour leur propre compte.
Au début du mois de mars 1960, nous dit-on, les propositions
de Si Salah pour bénéficier de la paix des braves, sont
transmises au gouvernement gaulliste par l'intermédiaire du caïd
de Damiette et du procureur général de la République
d'Alger. Le colonel Mathon représentant le cabinet militaire du
premier ministre Michel Debré, Bernard Tricot représentant
du général De Gaulle, effectuent un déplacement dans
cette région, située au sud d'Alger, dans le but d'organiser
un premier contact officiel mais ultra-secret avec Si Salah. Nous avons
évoqué cette phase de la manuvre au début de
cette étude.
" Non ! Mais pour qui me prenez-vous ? "
Ainsi pourrait-être formulée la réponse de Si Salah
à cette demande de contact. Les "porte-bidons" ne l'intéressent
pas. Lui, le chef de la Wilaya 4, c'est avec De Gaulle qu'il veut traiter
et seulement avec lui.
On discute, on marchande.
Je rappelle que durant cette période, je suis emprisonné
à la Santé avec mes autres camarades, mes frères
d'armes des Barricades d'Alger. Evidemment, nous ignorons tout de cette
affaire.
C'est finalement au mois de juin 1960 que Si Salah et ses deux adjoints
Si Mohamed et Lakdar sont reçus par le général De
Gaulle. C'est-à-dire cinq mois environ avant l'ouverture du procès
des Barricades.
Il faut lire la relation que l'on a proposée de cette rencontre
entre le " chef apache " Si Salah et le " général
de cavalerie " De Gaulle, à l'intérieur des lieux-saints,
le propre bureau du président. Bernard Tricot, le général
Nicot, avec un haut responsable de la sécurité rapprochée
du président, se camouflent en embuscade. L'un derrière
une tenture. Les autres dans un petit cabinet adjacent. Prêts à
intervenir, les armes à la main pour sauver la vie du général,
en cas d'agression de la part du " sauvage " qui est reçu
à l'Elysée ! "John Wayne ", " Clint Eastwood
" sont là, prêts à dégainer. Nos chers
felouzes n'ont qu'à bien se tenir ! Car le héros national
De Gaulle, joue évidemment sa vie en recevant Si Salah
Résultat : un bide complet.
Pourtant, théoriquement, je dis bien théoriquement, la paix
est présente dans le bureau du président de la république.
La paix, petite colombe frileuse qui demande du grain et de l'amour. Et
que l'on expulse par la fenêtre à la merci du premier charognard
qui s'en emparera.
Mais
. Il y a plus encore.
De Gaulle va dénoncer les initiatives de Si Salah au
. GPRA.
Edmond Michelet, Garde-des-Sceaux, complice des assassins de Français
d'Algérie et délateur par dessus le marché, a déjà
prévenu son allié de toujours, Krim Belkacem.
Comme le précise Tricot :
" De belles purges se préparent ".
Oraison funèbre, laconique, en conformité avec la sensibilité
des hommes politiques de l'époque. Et puis
.tout est foutu
.
Lakdar, un adjoint de Si Salah, dès son retour en Algérie,
comprend qu'il a été floué, comme son chef, par le
général De Gaulle lui-même. Il est affolé.
Il essaie de réintégrer la hiérarchie FLN. On le
tue.
Si Salah est véhiculé vers une mort inéluctable en
Kabylie du côté de Bouira, à l'extrême-est de
la Wilaya 4.
Si Mohamed, enfin, sera tué un peu plus tard à Blida, par
un détachement d'élite français du 11ème choc,
qui sera déplacé tout spécialement de Corse pour
conclure l'affaire. Plus de témoins ! Bon débarras !
Voilà un résumé volontairement succinct de l'affaire
Si Salah.
Des écrits nombreux et bien rédigés ne manquent pas,
pour compléter votre information sur le " déroulement
officiel " de l'affaire Si Salah. Il vous serait facile de vous y
reporter.
QUESTION :
Pourquoi avoir réduit cette narration aux dimensions d'une
peau de chagrin ?
Pour une raison évidente.
Tous ces faits, tels que nous les avons relatés, n'ont rien à
voir avec la réalité.
Reprenons.
L'affaire Si Salah, la mal nommée car on pourrait tout simplement
l'appeler " l'affaire De Gaulle " est née effectivement
dans l'esprit du général quand il manifesta l'intention
en 1958, réaffirmée en 1959, de rencontrer un chef de maquis.
C'est au mois de novembre 1958, alors que le général De
Gaulle est encore président du Conseil de la IVè République,
que l'occasion se présente. Dans cette Wilaya, près du douar
d'Agounendda, une opération fut conduite avec succès le
27 mars 1957, par le colonel Bigeard, qui commande à cette époque
le 3ème RPIMA. Un notable félouze est capturé. Il
s'agit du commandant Si Azzedine.
Pour celui-ci, à partir de cette capture, s'ouvre une brillante
carrière.
Il est originaire de Belcourt, un quartier populaire à l'est d'Alger.
Il devient très rapidement et surtout mystérieusement, l'objet
d'une attention toute particulière de la part du général
Massu, commandant du corps d'Armée d'Alger. Une idée semble
germer dans l'esprit de cet officier général : " Prendre
en mains Si Azzedine " et amorcer un retournement de ce rebelle.
Le capitaine Marion, officier parachutiste du Bureau du général
Massu, ancien résistant FTP pendant la résistance contre
l'occupant allemand, reçoit la mission secrète de contrôler
Si Azzedine et de le conduire à coopérer avec l'armée
française. Celui-ci, sans difficulté, " sans réticence
apparente ", accepte de collaborer avec le général
Massu.
Si Azzedine bénéficie d'un traitement de faveur. Il rend
visite librement à sa famille, dans le quartier de Belcourt, sans
risque pour lui. Sans risque pour les siens. Personne ne le menace ni
ne l'agresse.
Entre temps, le général De Gaulle a pris le pouvoir et Si
Azzedine va connaître alors un profil de carrière inespéré.
A la demande de " spécialistes " du corps d'armée
d'Alger, il accepte la mission très spéciale que l'on attend
de lui. Il rédige en octobre 1958 une lettre destinée à
son ancien chef de maquis, pour le convaincre d'accepter une rencontre
avec des émissaires français qui ont pour mission de lui
offrir la paix des braves, proposée à maintes reprises par
le général De Gaulle.
Quel est le chef de maquis destinataire du courrier de Si Azzedine ? C'est
celui qui commande la Wilaya 4, Si Salah. Cette lettre de Si Azzedine
a été publiée dans son intégralité
par la revue " Historia Magazine " .
A partir de la fin de l'année 1958, dans le but d'obtenir une réponse
positive de Si Salah, ou plutôt de faire pression sur Si Salah,
le commandement déclenche des opérations adéquates
pour conditionner la Wilaya 4. On utilise, par-dessus tout, les compétences
du BEL, de tous les spécialistes des services spéciaux,
particulièrement efficaces dans le domaine de la guerre psychologique.
Une précision : il ne faut pas confondre action psychologique et
guerre psychologique.
La première est une forme spéciale de propagande. C'est
le colonel Gardes qui la dirige au plus haut échelon.
La seconde utilise toutes les techniques de la guerre secrète basée
sur la désinformation de l'ennemi.
Le colonel Jacquin et ses principaux lieutenants, dont le redoutable capitaine
Léger, se mettent au travail. Ils pensent sincèrement que
mettre à genoux la Willaya 4, c'est gagner la guerre. Ni plus ni
moins.
Ils ignorent que, pour le général De Gaulle, il faut effectivement
mettre à genoux la Willaya 4. Dans quel but ?
Dans le but de perdre la guerre.
C'est-à-dire dans le but de réunir les moyens d'offrir l'Algérie
au FLN ?
Non, au GPRA et seulement à lui.
Jacquin, après ses brillantes opérations, qu'il a conduites
jusqu'au meilleur résultat possible, fait savoir que la victoire
est là. Il ignore tout de l'usage pervers qui sera fait de cette
victoire militaire.
Car De Gaulle a rejeté la paix. Ou plutôt, il a rejeté
la victoire. Il n'en veut pas. Les chefs de la Wilaya 4 ont été
tués. Nous l'avons vu. Nos soldats continueront à remporter
de belles victoires pour le compte du " roi de Prusse ". En
l'occurrence, le roi de Prusse c'est le GPRA, nous l'avons vu, nous l'avons
déjà dit. On a honte de le dire aujourd'hui encore. On a
honte d'affirmer que toutes ses belles opérations ont été
montées pour le bénéfice du gouvernement algérien
en exil. Celui-ci voulait être débarrassé de ces gêneurs
dangereux que représentaient ces hommes du maquis intérieur.
On comprend que Si Azzedine, manipulé, puis renvoyé à
Tunis auprès du GPRA par le général Massu, n'ait
pas été condamné par ses chefs. L'anéantissement
de la Wilaya 4 en effet, qui trouve son point de départ opérationnel
dans sa lettre rédigée en 1958 au mois d'octobre peut-être,
entrait dans les projets conjoints et du GPRA et du général
De Gaulle.
Si Azzedine a connu les honneurs un peu plus tard. Il est revenu à
Alger après la capitulation d'Evian du 18/19 mars 1962. Nommé
à la tête de la ZAA, il organisa le combat contre l'OAS,
en accord opérationnel total avec la sécurité militaire
gaulliste. Et quelques traitres qui aspiraient à jouer un rôle
dans le gouvernement de l'Algérie indépendante.
Entre temps, De Gaulle, on le sait d'abondance, avait fait usage d'une
réflexion imprudente. Il avait déclaré lors d'une
conférence de presse, que pour faire la paix, il suffisait tout
banalement d'avoir recours à un usage militaire bien connu : celui
de " hisser le drapeau blanc ". Ce qui lui a valu une répartie
cinglante de Ferhat Abbas résumée en ces termes :
" c'est à celui qui demande la paix que revient l'initiative
de hisser le drapeau blanc ".
Effectivement, De Gaulle a fini par le brandir ce drapeau blanc. Nous
l'avons souligné mais il faut insister encore et encore.
Il exigea, car il en avait besoin, des victoires spectaculaires. Celles
du plan Challe qui lui ont permis d'offrir au GPRA, une Algérie
débarrassée de ses maquisards des montagnes et des crêtes
qui faisaient peur aux gouvernementaux de l'extérieur.
Donc, des victoires ?
Oui, certes.
Mais des victoires virtuelles.
Des victoires pour rien.
Des victoires dont on attendait qu'elles permettent de perdre dignement
la guerre.
Mais surtout, d'autoriser " les extérieurs de la révolution
algérienne à prendre le pouvoir, sans problème, à
partir du 3 juillet 1962 ".
C'est dans le cadre de cette perspective opérationnelle qu'il faut
inclure l'opération " Tilsit " . L'opération Si
Salah.
Mais nos morts, militaires et civils ne sont pas quant à eux, des
morts virtuels. Ils ont été trahis dans l'aura d'un impitoyable
cynisme présidentiel.
V - QUELQUES QUESTIONS
QU'IL FAUT OSER
.
Cette " affaire " Si Salah trouve une place de tout premier
ordre au sein d'une " conjuration gaulliste ". Je l'ai évoquée
dans mon premier livre " Le Sang d'Algérie ".
Il s'agit de la conjuration du 8 janvier 1961. Date du référendum
mortel.
A cette date, De Gaulle fit accepter par le peuple français
la défaite que notre patrie, qu'il avait soumise et intoxiquée,
s'apprêtait à subir en Algérie.
Une défaite sollicitée, mendiée, par De Gaulle. Animé
d'un mépris souverain à l'égard des victoires indiscutables
remportées par nos soldats. Ceux-là même qu'il lui
est arrivé de désigner parfois sous le nom de " troupiers
".
Cette " affaire " nous l'avons connue, " nous "
les accusés du procès des Barricades, alors que les audiences
battaient leur plein.
C'est un des avocats de Victor Sapin-Lignières, Maître Jean
L
. qui nous informa de l'événement, qu'il relatait
comme un crime de haute trahison.
Pour nos compatriotes de la Mère Patrie, il se confirmait que,
par la volonté de De Gaulle, la France allait être privée
à la fois et de sa victoire et de la paix.
Selon toute logique en effet, le retrait du combat de tous les effectifs
de la Wilaya IV, puis dans la dynamique du mouvement, des effectifs des
Wilayas III, II et I, allait s'accompagner inéluctablement d'un
ralliement à la France des maquisards de ces Wilayas.
Ce ralliement, De Gaulle n'en voulait pas. Abandonner " ce ralliement
" à l'initiative de nos militaires du BEL du Colonel Jacquin,
du 5ème Bureau du colonel Gardes, avec le concours du bachaga Boualem
et de tous les élus " Algérie française "
de métropole et d'Algérie, c'était tout cela qui
aurait symbolisé pour De Gaulle, sa défaite personnelle.
De Gaulle redoutait ce ralliement car son obsession était de rejeter
une fois pour toute, l'Algérie française.
C'est un profond dégoût qu'éprouvait le général
à l'égard de l'ennemi FLN de l'intérieur qui sollicitait
la paix. A l'égard de l'ennemi de l'intérieur qui osait
rappeler à De Gaulle, qu'il lui fallait respecter une parole donnée
publiquement, solennellement et officiellement, à maintes reprises,
depuis le mois de juin 1958.
De Gaulle n'en voulait pas de cette victoire. De Gaulle ne voulait pas
d'une paix imposée par le triomphe de nos soldats. Il se confirmait
dans une attitude constante de mépris, qui rejoignait celui qu'il
éprouvait à l'égard des musulmans francophiles, dont
il affirmait " qu'ils ne seraient jamais des Français ".
Mépris à l'égard des Français d'Algérie
qu'il détestait profondément. Tout cela, oui, " c'était
De Gaulle ". Ce n'était que De Gaulle.
Des interrogations troublantes ne peuvent pas ne pas surgir. Des interrogations
gênantes aujourd'hui encore. Des interrogations qui recouvrent d'un
doute pernicieux le comportement des officiers déclencheurs du
putsch du 21 avril 1961. Un doute qui concerne leur véritable détermination
et surtout, le véritable but qu'ils prétendaient atteindre
par leur révolte. Un doute qui recouvre aussi l'attitude antérieure,
faite de passivité apparente, du général Massu.
A/ Dans son livre " Notre Révolte " Challe situe
le début de l'affaire Si Salah au mois de mars 1960. La date est
fausse. " Challe retarde manifestement de plusieurs mois ".
Ce retard, exprimé dans ses écrits par l'ancien commandant
en chef en Algérie, est difficile à comprendre et à
accepter aujourd'hui encore. Deux hypothèses s'offrent à
nous.
1. La première : il n'était pas informé de l'affaire.
C'est inconcevable aujourd'hui encore. Il serait criminel de sa part d'avoir
exercé un commandement dans des conditions telles qu'une conjuration
de cette importance ait pu se développer sur son territoire à
son insu.
2. La seconde : il n'a pas compris sur le moment, l'importance de l'événement,
dont il était cependant informé et dont il n'a pas détecté
la signification véritable.
Il faut retenir, en conséquence, l'éventualité suivante
: on a conduit cette affaire " par-dessus sa tête ", en
lui recommandant avec une courtoisie très hiérarchique,
de ne pas s'en occuper. En lui faisant comprendre que cette affaire n'était
pas de son échelon. En lui faisant comprendre peut-être aussi
qu'elle n'était pas de la compétence que lui conféraient
ses fonctions de commandant en chef.
Le déroulement ou plutôt permettez-moi de dire la réalité
de cette affaire, jette un jour que je qualifie de pitoyable sur la manière
dont Challe dirigea le putsch d'avril 1961.
B/ Beaucoup plus grave surement, est l'attitude du général
Massu, commandant du corps d'armée d'Alger. La Wilaya IV se situait
totalement à l'intérieur de son territoire. Pratiquement
de Tiaret à Bouira et de la mer aux Territoires du Sud.
De Gaulle, de Paris, affolé par une reddition de la Wilaya IV,
voit comme un cauchemar défiler des images. Celles d'une nouvelle
fraternisation inéluctable entre l'armée, les Français
d'Algérie, et les combattants des maquis. Une fraternisation contagieuse
qui se communiquera à l'Oranie et dans le Constantinois.
De Gaulle sait que Massu, malgré la dévotion que celui-ci
éprouve à l'égard de sa personne, ne résistera
pas à une nouvelle fraternisation. Celle-ci, en effet, illustrerait
avec éclat l'effondrement de sa politique algérienne. Par
le ralliement de Si Salah et des autres.
Il lui est imposé donc, de toute urgence, de retirer Massu du circuit.
Celui-ci est un fidèle de De Gaulle. C'est un " grognard "
a-t-il précisé et De Gaulle le sait. C'est un homme qui
lui est loyal. Mais une fraternisation ?
Voilà contre quoi il importe de faire " protéger "
Massu.
C'est le seul moyen de casser la manuvre. De Gaulle sait que Challe,
tout seul, ne fera jamais l'adhésion totale de l'armée contre
lui. Mais Challe et Massu réunis
.. C'est un coup de balai
irrésistible qui le menace.
Il faut donc retirer le général Massu d'Algérie.
Je redoute d'apprendre un jour que c'est dans cette affaire Si Salah qu'il
faut inclure l'affaire de l'interview accordée par Massu au journaliste
Kempski. Je détesterais d'apprendre que Massu soit parti sciemment
d'Alger en sachant que " la paix pouvait éclater avec la victoire
" à l'intérieur de son corps d'armée. Dans ce
cas, en effet, cet épisode Kempski serait frappé du sceau
de l'infamie. Parce qu'il révèlerait que la fatale interview
du début janvier 1960, n'aurait été qu'une "
vilaine " comédie.
N'oublions pas l'ouverture faite par Si Azzedine en octobre 1958 : il
avait écrit, à cette époque, une lettre à
Si Salah. Il lui avait demandé d'accepter la paix des braves offerte
par De Gaulle. Si Azzedine, à cette époque, c'est-à-dire
au moment de cette lettre, séjourne à Alger en semi-liberté.
Il avait été capturé par Bigeard, lors du combat
d'Aggounenda du mois de mars 1957. En 1958, Si Azzedine est véhiculé
dans Alger par le capitaine Marion du Bureau de Massu. Marion est un officier
français de conviction " Algérie française ".
Si Azzedine est envoyé à Tunis auprès de Ferhat Abbas
" par Massu
. " nous dit-on.
Si Azzedine, lorsqu'il participe à cette pression exercée
sur son ancien chef Si Salah, pour lui faire accepter une reddition, il
le fait, oui, mais dans quel but ?
Compte tenu de l'évolution future de sa carrière, c'est
dans le but exclusif de le faire tuer, ainsi que de faire tuer ses adjoints
et de mettre au pas, de cette manière, le reste des Wilayas. Celles-ci,
par crainte d'être éliminées, vont se soumettre finalement
au GPRA.
Si Azzedine était ainsi complice du GPRA et de De Gaulle, lors
de ses activités algéroises. Cette conjuration Si Salah,
c'était aussi la sienne. Son protecteur Massu était-il lui
aussi " complice de cette complicité " ? De cette conjuration
?
Tout ce que je rappelle par ces propos, ne fleure pas très bon.
Je le concède. Je le regrette. Mais je fais partie de ceux qui
ont tout joué pour défendre l'Algérie française
par un volontariat permanent, clandestin, pendant de longues années.
" C'est peut-être le capital de ton amertume, de tes désillusions
et de tes souffrances passées qui affectent ta clairvoyance "
me diront certains.
Non. Pas du tout. Je prétends que ma clairvoyance est encore suffisante
pour me faire comprendre et détester par dessus tout, la désinvolture
et le mépris parfois, que certains officiers-généraux
gaullistes éprouvaient à l'égard des Français
d'Algérie.
C/ Une autre interrogation, gênante elle-aussi, concerne l'attitude
silencieuse du colonel Godard.
A cette date et depuis 1958, il dirige toutes les polices d'Algérie.
Ainsi que tous les services de renseignements. Il est un co-fondateur
du BEL qui a succédé au CCI.
Homme très compétent dans le domaine du renseignement, comme
il l'était, il paraît inconcevable d'envisager qu'il ignorait
tout de l'affaire Si Salah qui avait débuté durant l'année
1959 par les contacts entre Boualem et Si Khaled.
Il ne pouvait ignorer les contacts établis en janvier 1960 entre
Tricot, Mathon et Si Salah, par l'intermédiaire du procureur général
de la Cour d'Appel d'Alger. Quelques jours avant les Barricades d'Alger.
Ce procureur général jouissait depuis 1957 d'une réputation
d'hostilité à l'égard de l'Algérie française.
Or, en 1960, il est venu témoigner au procès des Barricades.
Il s'est exprimé par une attitude faite d'estime inattendue à
l'égard des accusés " Algérie française
" que nous étions. De témoin de l'accusation, il est
devenu témoin de la défense. Cette attitude fut compréhensible
a posteriori. Par le jeu de la discipline à l'égard du pouvoir,
ce procureur général était astreint au devoir d'obéissance.
Il avait participé hiérarchiquement à une tache d'infamie,
l'affaire Si Salah. Celle-ci, selon toute vraisemblance, le remplissait
d'amertume. Car lui, homme du Droit par excellence, savait que par le
jeu de cette conjuration, on avait tué la paix et la victoire en
Algérie française.
Godard ne pouvait ignorer ce qui se tramait sur ce territoire qu'il contrôlait.
Il n'a rien fait. Il n'a rien tenté. Il n'a rien dit. Lui-aussi,
" attendait ". Mais, je le répète, il savait.
J'ai compris plus tard, la raison pour laquelle il avait tenu à
me rencontrer pendant la semaine des Barricades d'Alger. C'était
le vendredi de cette mémorable semaine. Le lendemain du jour du
départ de Challe à la Reghaïa, sur ordre gouvernemental,
transmis par Delouvrier.
Godard me suggérait de faire durer les Barricades. Il demandait
à voix feutrée, que l'on tînt bon. Il affirmait que
rien n'était encore perdu. Je lui ai répondu :
" Foutez le pouvoir en l'air ! Vous, Challe, Faure et les autres,
convoquez le peuple d'Alger encadré par les divisions parachutistes
Prenez Alger
. Appelez les deux autres corps d'armée à
la rescousse
. Mais ne restez pas les bras croisés ".
Lors de cette visite, Godard était accompagné du capitaine
de la Bourdonnaye, qui fit plus tard, au procès des Barricades
une déposition retentissante. Il démontra que les gardes
mobiles avaient tiré sur la foule au fusil-mitrailleur à
partir du forum.
Cette attitude de Godard, qui se lamentait de la fin des Barricades, me
fut compréhensible plus tard :
il était informé de l'affaire qui était entrée
en phase d'exécution en janvier 1960, quelques jours avant le début
de la semaine des Barricades. Il savait que l'Algérie française
risquait d'être foutue. Il comptait sur le peuple d'Alger pour la
sauvegarde de cette terre. Il aurait voulu nous voir prolonger les Barricades,
mais il refusait de s'y incorporer. Je lui ai dit :
" Prenez position dans les Barricades avec quelques compagnies parachutistes
dès aujourd'hui, prenez le micro et tout repart comme une trainée
de poudre ! ".
Il s'en est allé en soupirant. Pas un mot. Rien. Il savait qu'un
drame était en train de se tramer. Son silence, lui aussi, a contribué
à nous tuer.
Aujourd'hui, je considère ces comportements comme aberrants. Et
pourtant
Malgré les indiscutables convictions " Algérie
française " de Godard, Challe et des autres, ils ont laissé
faire. C'est une constatation amère mais elle s'impose.
Lorsqu'ils réagirent au printemps 1961, ils le firent dans un état
comateux. Sans volonté révolutionnaire. Comme s'ils avaient
voulu, tout banalement, se mettre en paix avec leur conscience. Ce qui
n'est pas négligeable, certes, mais trop insuffisant. Ils ont joué
leur liberté, leur vie et leur carrière mais ils n'ont pu
interdire à De Gaulle de mener à bonne fin ce qui avait
été planifié dans la conjuration du 8 janvier 1961.
Celle-ci, permettez-moi de le rappeler, s'est déroulée en
trois temps :
- premier temps : le 4 novembre 1960, De Gaulle annonce, dans un discours
célèbre, la naissance future d'une République algérienne.
- Deuxième temps : le 9 décembre 1960, De Gaulle effectue
son voyage en Algérie. Ses subordonnés Aubert et Coulet,
font appel aux musulmans FLN. Ils leur demandent de manifester leur soutien
à l'égard de De Gaulle. Ils vont provoquer par cette attitude,
des tueries de Français. Nos militaires, disciplinés, inconscients
peut-être, vont laisser De Gaulle repartir vivant d'Algérie.
- Troisième temps : le 8 janvier 1961
Référendum
mortel. Le peuple entérine le principe des négociations.
Donc le peuple accepte la défaite.
L'Algérie française connaîtra un espoir en avril
1961. Un miracle était possible. Il a manqué pour son accomplissement,
des officiers fondamentalement révolutionnaires, déterminés
à sauver l'Algérie française.
Je précise qu'il a manqué aussi la présence de la
masse du peuple français d'Algérie. Qui dans cette circonstance
en particulier, ne fut pas homogène, ni volontaire, ni disciplinée,
ni décidée à défendre l'Algérie française.
Aucune détermination, aucune clairvoyance politique dans le comportement
de ceux qui ont déclenché ce putsch qui aurait dû
réussir. Qui pouvait réussir s'ils avaient accompli ce qui
était prévu pour la neutralisation définitive de
De Gaulle. Tout avait été prévu pour cela à
Paris. Je suis bien placé pour le savoir.
VI - CONCLUSIONS
Une question m'a été posée à maintes reprises
:
" Au stade cloacal que connaît aujourd'hui la plus grande masse
de l'humanité, au milieu du vide idéologique qui nous asphyxie,
devant une médiocrité économique qui évolue
inexorablement vers la chronicité,
quel est l'intérêt de cet acharnement que tu manifestes à
vouloir comprendre, et si possible expliquer, l'accomplissement de l'assassinat
de la France Sud-Méditerranéenne ?
La mort illogique, la mort menteuse mais irrévocable de l'Algérie
française, peut-elle revêtir encore une si grande importance
pour toi, alors que, logiquement et statistiquement, tu n'es pas éloigné
d'un congé définitif de ce monde crépusculaire ?
"
C'est une observation que j'ai dû affronter à maintes
reprises
J'abandonne mes correspondants à leurs amicales inquiétudes
Quand ils me les font connaître.
Je tiens à affirmer encore, comme une profession de foi, ce qui
constitue la substance de mes convictions : en Algérie française,
tant que celle-ci vivait, tout était possible, à n'importe
quel moment. Il aurait fallu un peu de temps pour parvenir au résultat
espéré.
C'est une vérité que De Gaulle avait parfaitement perçue.
Dans sa haine de l'Algérie française, dans sa haine des
Pieds-Noirs, dans son mépris raciste des musulmans d'Algérie,
il a précipité les évènements en fixant la
date de la mort de la France Sud-Méditerranéenne au 3 juillet
1962.
Nous voulions du temps. Mais pourquoi ?
Pour donner vie à un espace géographique et géopolitique
où il aurait été possible d'entendre " banalement
" un chrétien affirmer : " je suis chrétien ",
un juif proclamer : " je suis juif ", un musulman dire ou psalmodier
: " je suis musulman ", un non-croyant préciser : "
je ne suis rien ".
Des professions de foi qu'il fallait :
- là-bas, hier,
- et ici aujourd'hui,
libérer de tout contenu d'antagonisme, de rejet, et selon la terminologie
abusivement et ridiculement consacrée, de toute volonté
discriminatoire.
Le " discriminatoire " exprime aujourd'hui l'accusation privilégiée
de ceux qui, comme des forcenés, s'obstinent à condamner,
voire à maudire la France, à cause de son passé colonial.
Qui expriment une haine féroce en même temps que ridicule
contre l'indiscutable uvre civilisatrice de la France.
Au milieu de ce délire destructeur de la gloire de notre Patrie,
permettez-moi d'exprimer avec conviction mon orgueil à explorer
et à évoquer aujourd'hui encore, l'histoire de la France
coloniale.
Pour la défense de l'Algérie française, je ne capitulerai
jamais. J'affirme que cette réalité " Algérie
française " illustre un fait unique dans l'histoire du monde
qui aurait pu enrichir autrement le devenir de la France, de l'Europe,
de l'Afrique, de l'Occident.
Lorsque l'on a assumé les responsabilités qui furent les
miennes, au plus haut échelon de notre hiérarchie, on ne
peut rien expliquer, si ce n'est en se retranchant derrière une
profonde réflexion. Si par-dessus le marché, on a la prétention
et permettez-moi d'ajouter, si on a le courage de se confier à
l'écriture, cette réflexion exige que l'on parvienne préalablement
à un stade de maturation le plus avancé possible.
Dans cet esprit, il me faut apporter une précision : les fonctions
que j'ai assumées, il y a bientôt 50 ans, m'astreignent nécessairement
aujourd'hui encore, à un devoir de confidentialité. Je suis,
par nécessité, détenteur de secrets qu'il ne fait
pas bon, comme l'a écrit quelque part Baudelaire, de divulguer
" à la canaille ". Baudelaire quand il écrivait
" canaille " pensait au peuple en général. Personnellement,
je fais allusion à une meute de " charognards " à
l'affût de tout ce qui pourrait nous salir ou pire encore, nous
ridiculiser.
Ce qui est vrai, constant et redoutable à la fois, est l'identité
de poste d'observation de haute crédibilité qu'il faut attribuer
aux fonctions qui m'ont été confiées.
Je suis informé, pour les 9/10ème d'entre eux, de l'identité
des rares membres de l'OAS qui ont trahi, qui ont menti, qui ont milité
pour leur compte personnel exclusivement. Il m'est impossible de les ignorer,
car mes fonctions étaient de savoir. D'autant plus que durant mes
longues années de pratique de la médecine générale
à Paris, j'ai été destinataire a posteriori, d'informations
de sources que je qualifie de " bétonnées ".
" Alors " m'a-t-on déclaré " pourquoi la
fermes-tu ? ".
Parce que le temps efface tout. Une organisation clandestine comme la
nôtre, mise sur pied en si peu de temps, ne pouvait éviter
de fréquenter des individus douteux que nous avons contrôlés
tant que nous étions forts.
Aujourd'hui, je ne les oublie pas, les vivants comme les morts. Je pense
à leurs enfants, à leur famille, qu'il m'arrive de rencontrer
lors de certaines manifestations. Ils ignorent tout. Pour moi, leurs illusions
sont sacrées. Alors oui, je la ferme et je la fermerai.
Cette expérience que j'ai vécue, souvent dans l'amertume
et la douleur, mais toujours dans l'espérance et la volonté
de vaincre, dans la conviction de livrer le bon combat, je la propose
en toute modestie, certes, mais permettez-moi d'ajouter en toute autorité,
pour faire connaître au mieux possible,
- le passé que nous avons partagé,
- le présent au sein duquel nous évoluons,
- et essayer de détecter " les aurores nouvelles que nous
pressentons ".
Si je me suis laissé aller à l'instant même, à
exprimer mes états d'âme, c'est pour vous inviter à
accepter l'éclairage qu'il m'arrive de donner de certains évènements.
Eclairage qui, parfois, n'est pas en conformité avec celui qui
est fourni par des historiens, que je me permets de qualifier de "
modérément curieux ".
C'est peut-être le cas de cette étude 50/40. Avec les précisions
et surtout les questions qui accompagnent la genèse et le déroulement
de l'affaire Si Salah.
Cette affaire est l'illustration d'un montage mis en place techniquement
au mois d'octobre 1958, date de la lettre expédiée par le
commandant Si Azzedine à Si Salah. Un montage opérationnel
dont la conclusion, durant l'été 1960, fut illustré
par la mort des protagonistes. Par les purges que Tricot, l'un des monteurs
de cette conjuration avait prédites.
Une conjuration à porter au crédit du pouvoir gaulliste
central, aussi bien celui de l'Elysée que celui de Matignon, qui
apporta un soin méticuleux à son déroulement. Quant
on songe que Si Salah fut reçu à l'Elysée dans le
bureau personnel du Président ! on se rend compte de l'importance
que revêtait pour De Gaulle, d'une part, et pour le GPRA, d'autre
part, l'anéantissement de cette Wilaya IV.
Car ce que redoutaient nos ennemis de l'Elysée, de Matignon, du
Caire et de Tunis, c'était un nouveau 13 mai qui aurait regroupé
pour l'amour de la paix et de la victoire, pour l'amour de la vie, les
Katibas, les Harkis, l'armée française victorieuse et le
peuple patriote français de France et d'Algérie.
On nous a menti.
On a menti à la France. On continue de mentir à la France
quand on évoque le passé " Algérie française
" de notre patrie.
Et je tiens, aujourd'hui encore, pour inconscients criminels les officiers
français qui, informés de cette affaire Si Salah, se sont
tus.
Leur silence a contribué à l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne.
SCHEMA DE LAWILAYA IV
ALN : Armée de Libération Nationale
GPRA : Gouvernement Provisoire de la République Algérienne
CCE : Comité de Coordination et d'Exécution
CNRA : Conseil National de la Révolution Algérienne
ZAA : Zone Autonome d'Alger
WILAYA : Zone de découpage administratif correspondant à
une préfecture
KATIBA : Effectif combattant d'une compagnie
3ème RPIMA : 3ème Régiment Parachutiste d'Infanterie
de Marine
5ème BUREAU : Bureau d'action psychologique fonctionnant à
l'échelon de l'état-major inter-armes. Commandé par
le colonel Gardes.
FAURE : Général commandant la division de Kabylie
DELOUVRIER : Délégué du gouvernement en Algérie
CCI : Centre de Coordination Interarme
BEL Bureau d'Etude et de Liaison, branche des services spéciaux
en Algérie, qui a pris la suite du CCI. Celui-ci continua à
fonctionner clandestinement au moment de l'OAS
Jean-Claude PEREZ
Nice,
Le 22 novembre 2010
PS : Prochaine étude en janvier 2011.
Bonnes fêtes à tous.
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