Etude 50/37

Le docteur Jean-Claude PEREZ
Adhérent du Cercle Algérianiste de Nice et des Alpes Maritimes
Auteur des livres :

" Le sang d'Algérie "
" Debout dans ma Mémoire "
" Vérités tentaculaires sur l'OAS et la guerre d'Algérie "
" L'Islamisme dans la guerre d'Algérie "
" Attaques et contre-attaques "

aux Editions Dualpha - BP 58, 77522 COULOMMIERS CEDEX
Tel. : 01.64.65.50.23
Primatice Diffusion - distribution - 10 Rue Primatice 75013 Paris
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En prévision du 50ème anniversaire
de l'assassinat de la France Sud-Méditerranéenne,
(19 mars 2012 et 3 juillet 2012)
une série d'études vous sera proposée.

ETUDE 50/37


30 juillet 2010
à Grenoble
un discours présidentiel à haut risque

car….
" … la nature a horreur du vide …. "


Le 30 juillet 2010, dans la capitale iséroise, le Président de la République a prononcé un discours. Selon une terminologie abondamment empruntée, la finalité de ce discours était nourrie, avant tout, d'une détermination sécuritaire.

Justifier avec vigueur une volonté de prévenir et surtout d'interdire la survenue d'actions violentes, consécutives à la mort d'un truand, abattu par la police après un braquage, telles apparaissaient, clairement formulées, les intentions du Président de la Ve République.

Actions violentes, nous voulons dire :

saccages multiples, incendies provoqués, peuple des banlieues terrorisé mais surtout, des tirs d'armes à feu contre les policiers.

Nous évoquons par cette énumération un ensemble de " manifestations " qui, en dernière analyse, s'identifie purement et simplement à des opérations de guerre civile.

Animé de la volonté de vaincre, une fois pour toutes ces opérations répétitives et orchestrées de guerre civile, le Président a formulé une précision … de la plus haute signification politique et historique.


En effet :

il affirme, en substance, que ces évènements de Grenoble illustrent un échec.

Un échec… oui… mais de quoi ?

" Un échec de l'intégration ".

Il s'agit, en cette circonstance très ponctuelle, d'un propos doté d'une portée insoupçonnée. Je n'ose pas dire d'un propos imprudent. " Propos imposé par les circonstances " me répliquera-t-on.

Certes. Il n'en reste pas moins vrai que ce propos est fondamentalement riche d'un diagnostic historique de la plus haute gravité, précisons-le encore, pour l'avenir de la France. Diagnostic posé par le Président lui-même et en public.

Et ce constat " d'échec de l'intégration " nous incite, en toute modestie, à proposer un enrichissement sémantique que nous estimons nécessaire de formuler à notre tour.

En effet, un constat de " l'échec de l'intégration ", affirmé par la plus haute autorité de la République, aurait une signification à la fois logique et précise. Celle de frapper d'une nullité soudaine des liens que la France ne peut cependant éviter de nouer et d'entretenir,

- non pas avec des étrangers qui vivent en France,
- mais avec des millions de nationaux-citoyens français d'origine étrangère, nés en France, pour la plus grande majorité d'entre eux.

Fils d'étrangers qui sont nés Français à partir du moment où ils ont vu le jour sur un territoire français.

Cette accession à la citoyenneté par la naissance sur le sol français est une vieille histoire. Celle-ci reste l'objet cependant, d'interprétations " déraisonnables ", qui nous imposent un retour vers l'arrière de l'Histoire.


En Algérie, à partir de 1889, tous les étrangers, ou plus exactement tous les fils d'étrangers, qui naissaient sur ce territoire algérien-français, jouissaient de la citoyenneté française. En réalité, tout s'est passé comme si, grâce à cette loi, on prétendait ou on espérait faire de l'Algérie, une terre providentielle, " une terre à fabriquer des Français ".

Une question : quel était alors, à cette date, le statut " des indigènes d'Algérie " ?

Une précision avant de répondre :
jusqu'en 1870, en Algérie, on désignait sous le nom d'indigènes, les autochtones de confession juive et de confession musulmane. Des autochtones qui, dans une immense majorité, ne jouissaient d'aucune nationalité avant l'arrivée des Français.

Des autochtones qui n'étaient pas de " nationalité turque ".

Des autochtones qui étaient apatrides sur la terre de leur naissance, sur la terre de leurs ancêtres.

Cette constatation a entraîné une conséquence administrative immédiate. II a fallu attribuer une nationalité aux autochtones juifs et musulmans d'Algérie.

Celle-ci ne pouvait s'identifier à rien d'autre qu'à la nationalité française, puisque l'Algérie était un territoire français. Les indigènes d'Algérie n'en connaissaient aucune autre avant l'arrivée des Français. Il était nécessaire, en conséquence, de combler ce vide juridique par une disposition administrative elle-même dotée de la force d'une loi.

Précisons qu'il ne s'agissait nullement de la citoyenneté française, en raison de la volonté :

- des uns à rester soumis au code coranique dans tout ce qui relevait du code civil en particulier ;
- des autres à rester soumis au code mosaïque dans tout ce qui relevait du code civil.

Plus tard, à partir de 1870, après le décret Crémieux, les juifs furent incorporés autoritairement à la citoyenneté française. Celle-ci imposa à cette communauté, religieusement définie, une soumission sans réserve au code civil français et bien évidemment à l'ensemble du Droit français.

En ce qui concerne les musulmans, insistons encore, ils jouissaient de la nationalité française mais non de la citoyenneté, en raison de leur volonté obstinée de rester soumis au code coranique et à lui seul, dans le domaine du code civil. Ils n'étaient pas citoyens mais sujets français.

La nationalité française apparaît ainsi, historiquement, comme la seule nationalité d'origine que peuvent revendiquer les Algériens d'aujourd'hui, ceux qui vivent en Algérie, qui elle-même est née de la France, la mère accoucheuse de l'Algérie, qu'on le veuille ou non.

Mais ces nationaux français-non citoyens étaient astreints néanmoins à se soumettre aux exigences du code pénal français et à celles du droit constitutionnel français.

En 1912, une loi complémentaire fut votée. Elle imposait aux nationaux français-non citoyens, c'est-à-dire aux sujets français, de se soumettre au devoir de conscription.


Durant cette même période, à partir de 1889, les fils d'étrangers, qui dans leur immense majorité n'étaient pas musulmans, naissaient avec le statut de citoyens français. C'est-à-dire qu'ils jouissaient d'une citoyenneté que leur pratique religieuse, chrétienne pour l'immense majorité d'entre eux, leur faisait accepter sans réticence.

Cette disposition avait une conséquence immédiate de la plus haute importance :
l'accession de ces enfants, nés citoyens français, à l'école communale française, sans obstacle administratif. Par ce biais, ils étaient incorporés, dès leur enfance, dans une dynamique de culture française.

Soulignons que 90 % au moins des " citoyens-français-par-le-sol " décidèrent de conserver cette citoyenneté française au moment légal et obligatoire du choix définitif : c'est-à-dire au moment de leur majorité comme le stipulait la loi de 1889.

Une minorité cependant a choisi de " renier cette nationalité " selon la terminologie consacrée et utilisée dans les bureaux du consulat de leur terre d'origine, et de réintégrer ainsi la nationalité de leurs parents.

Une précision :
ceux qui, dans leur immense majorité, par un acte de volontariat ont conservé leur citoyenneté-française-par-le-sol, ont eu l'occasion de la confirmer par " le devoir-du-sang-risqué-et-éventuellement- versé " lors des conflits que la France a connus.

Il ne me déplaît pas, pour illustrer cette affirmation, de souligner une fois de plus qu'au Monument Aux Morts d'Alger, le patronyme des " tombés pour la patrie " le plus souvent gravé, était celui de Pérez. Ce n'est pas étonnant. C'est un patronyme espagnol rencontré avec une telle fréquence…

Il est banal mais surtout fondamental de rappeler que l'intégration de cette collectivité d'origine espagnole, italienne, maltaise ou allemande a réussi. Elle a réussi d'autant plus facilement que ne surgissaient pas de problèmes religieux, d'obstacles religieux, de barrières religieuses.

Aujourd'hui, sur le sol métropolitain français, c'est l'identité religieuse, majoritairement musulmane des nouveaux-citoyens-français-par-le-sol, qui s'identifie à un obstacle. Un obstacle enrichi et instrumenté de deux manières :

- pour les uns, les moins nombreux, par un refus formulé de la citoyenneté française qui leur est octroyée, " imposée ", prétendent-ils parfois, par leur naissance ;
- pour les autres, les plus nombreux parmi ceux qui agressent la France en maintes occasions, par une volonté d'altérer profondément la signification de leur citoyenneté française.

Citoyenneté qu'ils veulent éventuellement bouleverser dans la perspective de l'adapter, plus encore de la subordonner, aux exigences de leur pratique religieuse.

Quelle est la conséquence de cette volonté de soumettre la citoyenneté française à la charria, c'est-à-dire à l'expression exotérique, à l'expression quotidienne, du qoran ?

La voici :
en France métropolitaine aujourd'hui, ce que nous sommes en train de vivre s'identifie à un refus obstiné et formulé d'une sécularisation de la religion musulmane.

Or, il est important de préciser que la sécularisation n'impose pas de laïciser la pratique rituelle d'une religion.

Il s'agit de réunir les conditions, comme on l'a fait à l'égard du christianisme et de la religion juive, pour que la pratique du culte s'exerce en harmonie complète et sans réticence avec le code de la laïcité.

Ce jour-là sera atteint lorsque le pouvoir lui-même ne manquera pas d'observer une précaution : celle d'éviter des marques extérieures de respect préférentiellement observées, voire exhibées, à l'égard de telle religion plutôt que de telle autre.

Lorsque des officiels français, du plus haut échelon, exhibent leur déférence à l'égard du culte musulman en se déchaussant ostensiblement et publiquement, avant l'inauguration d'une mosquée, je trouve cette pratique tout à fait normale.

Je demande simplement que des marques de respect identiques soient consenties à l'égard du culte catholique. Je ne vois pas pourquoi le rituel d'une messe ne serait pas respecté … par tous ceux qui considèrent comme un devoir d'y assister.


C'est aux hommes d'Etat qu'incombent de réserver à la pratique religieuse dans notre pays,

sa place… oui,
toute sa place…. oui,
seulement sa place… oui.

Le jour où ce résultat sera atteint, l'intégration aura toutes les chances de réussir.

Si nous prenons la liberté de nous reporter au discours du 30 juillet, prononcé à Grenoble par le Premier des Français, que pouvons-nous dire ?

Ceci :

" Non, Monsieur le Président, ce n'est pas l'intégration qui a échoué. C'est UNE intégration qui est en train d'échouer ".

Il s'agit de l'intégration Nord-Sud. C'est-à-dire l'adaptation du culte, des mœurs, et des coutumes des musulmans-citoyens-français, aux exigences de la laïcité. Aux exigences des lois de la République. Aux exigences de l'intérêt national français.

Mais attention ! " La nature a horreur du vide ".

Si l'intégration Nord-Sud est en train d'échouer, cela signifie obligatoirement qu'une autre intégration est en train de réussir en se substituant à la première.

Il s'agit cette fois de la redoutable et inacceptable intégration Sud-Nord.

Celle qui avait été annoncée par un chef FLN Larbi ben M'hidi, à Alger, en 1957 :

" Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset, je vous prédis, moi, que vous aurez l'Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ".


Aujourd'hui, il faudrait être aveugle pour refuser de faire un constat. C'est bien une intégration Sud-Nord qui est en marche. C'est elle que notre pays est en train de subir par lassitude, par résignation, apathie et aussi par insuffisance de connaissances historiques peut-être, chez ceux dont la mission consiste à informer le chef de l'Etat.

Pour jeter à bas, une fois pour toutes, quelques affirmations délirantes et irresponsables, nous formulons la certitude suivante :
Il sera impossible de rassembler un jour 6 à 7 millions de citoyens français musulmans, de les embarquer et de les évacuer hors de France… vers leur pays d'origine.

C'est tellement grotesque et inconcevable qu'il est ridicule d'y faire allusion. Par dessus tout, c'est une lamentable perte de temps.

Une question se pose et on ne peut éviter d'en rechercher la réponse :

existe-t-il un moyen, un processus qui permette de définir, ou plutôt de reconsidérer les conditions de la pratique de l'islam en France, qui soient compatibles avec nos institutions ? Avec nos mœurs ? Avec notre identité ?

En formulant cette question, autrement, existe-t-il en France un processus applicable de sécularisation qui permette aux Musulmans, aux Juifs, aux Chrétiens et aux non-croyants, de vivre en harmonie, en paix, en toute liberté, en toute égalité, et un jour peut-être en toute fraternité, dans notre pays ?

De vivre en harmonie citoyenne, c'est-à-dire en possibilité de jouir TOUS, quelles que soient nos convictions religieuses, d'une CITOYENNETE LAIQUE ?

Parce que je crois en la France, je n'hésite pas à répondre par l'affirmative à cette interrogation.

Il existe en France des millions de Musulmans-patriotes-français. Il existe des organisations musulmanes sécularisationnistes à qui il faut donner la parole. J'y crois comme je l'avais cru en Algérie, lorsque je me suis battu pour l'Algérie française. C'est-à-dire lorsque je me suis battu pour la France-française, pour l'Europe-européenne, et en même temps pour l'Occident-occidental,

Sur cette tête de pont occidentale en terre africaine, qu'illustrait providentiellement et historiquement la terre d'Algérie.
" La terre de la Sainte Rencontre " telle que la Berbérie avait été identifiée par le grand scolastique Raymond Lulle au XIIIème siècle.

C'était une terre de rencontre nécessaire, et providentielle, à la convivialité des trois religions qui affirment, aujourd'hui encore, leur foi dans le Dieu d'Abraham.


Cette convivialité s'accomplira un jour grâce à la sécularisation de l'islam dont nous affirmons qu'elle est le fondement de l'intégration Nord-Sud.

Intégration incontournable si on veut incorporer dans le destin français, européen et occidental ceux qui ont choisi de vivre en France en tant que citoyens français.

Si l'intégration Nord-Sud n'est pas défendue à outrance, alors oui, nous courons le risque d'être soumis à une intégration Sud-Nord, c'est-à-dire à une néo-colonisation qui sonnera le glas de la citoyenneté laïque sur le territoire français.

Alors, Monsieur le Président, et encore une fois respectueusement :

" A Grenoble, à Perpignan et partout ailleurs, pour défendre la France, il faut défendre à outrance l'intégration Nord-Sud et seulement elle, car elle seule peut nous permettre de continuer à vivre en tant que citoyens laïques sur le sol de notre patrie ".

Docteur Jean-Claude PEREZ,
Nice
Le 20 août 2010